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«Au paradis des impôts perdus», rapport sur l’évasion fiscale

Les 50 premiers groupes européens sont très présents dans les paradis fiscaux avec 4.858 filiales. Rien qu’aux Iles Caïmans, ils ont plus de filiales qu’au Brésil et deux fois plus qu’en Inde. Et au Luxembourg presqu’autant qu’en Chine. Un rapport du CCFD-Terre solidaire éclaire la question de la fiscalité des multinationales.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Les filiales des grandes entreprises européennes dans le monde, selon le rapport du CCFD (ccfd)

Ce constat figure dans un rapport intitulé «au paradis des impôts perdus» réalisé par le CCFD-Terre Solidaire, en partenariat avec la revue Projet. Ce texte se penche sur la fiscalité des grandes entreprises multinationales et le phénomène des filiales logées dans des paradis fiscaux.

Pour les auteurs de ce rapport, l'enquête montre «que, malgré les mesures annoncées en 2009, le nombre de filiales offshore n'a pas diminué ». Un constat fait par de plus en plus de pays qui pointent du doigt les politiques d'optimisation fiscale de certains grands groupes (notamment dans l'économie internet ─ Google, Apple, Amazon ─ mais pas seulement, Starbucks).

«Opacité comptable»
«Cette concentration massive de filiales offshore va de pair avec une opacité comptable rendant illisible la localisation des 208 milliards d’euros de profits de ces entreprises en 2012», ajoutent les auteurs, Mathilde Dupré et Jean Merckaert.

Les grands organismes internationaux ont pris conscience du phénomène et la presse a montré du doigt des grandes multinationales qui avaient poussé l’optimisation fiscale un peu loin. Ainsi, «dans un rapport de 2011, le FMI reconnaissait pour la première fois le défi posé par l’habileté des entreprises multinationales en matière d’optimisation, y compris pour les administrations fiscales des pays les plus riches. Il aura ensuite fallu attendre juin 2012 pour que les pays du G20, au sommet de Los Cabos, mandatent l’OCDE pour faire des propositions de réforme afin de répondre au besoin d’empêcher l’érosion des assiettes fiscales et les transferts de bénéfices», rappelle le rapport.

«60 filiales par groupe européen»
L'enquête donne quelques exemples sur la complexité du système avec la difficile recherche des filiales des grands groupes, pas toujours listées. Reste à savoir ensuite où sont domiciliées ces filiales. «On recense tout de même une moyenne de 60 filiales par groupe européen et aucun n’en est absent. Quant à leur présence dans les «trous noirs» de la finance internationale (les territoires présentant plus de 75% d’opacité selon TJN, Tax Justice Network), seul un groupe n’y est pas: le français CNP Assurances. Les 49 autres y comptent en moyenne 28 filiales soit 7% de leurs filiales étrangères», peut-on lire dans le document.

Quels sont les secteurs les plus «clients» des paradis fiscaux? «Les secteurs banques et assurances restent de loin les premiers clients des paradis fiscaux: les principaux groupes européens du secteur y détiennent, en moyenne, respectivement 35% et 36% de leurs filiales étrangères (contre 22% par exemple dans l’automobile ou l’énergie). Parmi les banques, la britannique Lloyds (59% de ses filiales étrangères situées dans des paradis fiscaux) et l’allemande Deutsche Bank (57%) caracolent en tête de la compétition. En France, BNP Paribas reste de loin l’entreprise la plus implantée dans les paradis fiscaux (214 filiales) – il est vrai que le rachat de Fortis, et BGL dont les fiefs sont la Belgique et le Luxembourg, plombent un peu son bilan de ce point de vue», précise le texte du CCFD.

«Le nombre de filiales ne cesse d'augmenter»
Dernier point. Le rapport affirme que la présence dans les paradis fiscaux n’a pas reculé depuis 2009. «En avril 2009, le G20 décrétait la guerre aux paradis fiscaux. Manifestement, les multinationales européennes n’en ont cure: le nombre de filiales offshore dont elles révèlent l’existence ne cesse d’augmenter (+ 16 % entre 2009 et 2012)».

Avant les grands rendez-vous à venir (G8, G20 finances…) qui doivent évoquer les questions d’évasion fiscale, le CCFD préconise, notamment, pour lutter contre cette opacité, plusieurs pistes avec une idée maitresse: «La généralisation du reporting pays par pays pour tous les secteurs d’activité», un système aujourd'hui pratiqué par aucun groupe.

Outre la transparence, le rapport insiste sur la nécessité, pour les grands groupes, d’«étendre la transparence comptable pays par pays des banques à tous les secteurs d’activités» et de prendre en compte «les pratiques alternatives présentées dans le manuel des Nations-Unies sur les prix de transfert ».

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