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Sécurité dans les transports : "On ne peut guère aller plus loin sans renoncer à notre mode de vie"

Pour Gilles Savary, député PS et rapporteur de la nouvelle loi sur la sécurité dans les transports, "il faut apprendre à vivre avec le risque terroriste".

Article rédigé par Clément Parrot - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'armée et la police à l'entrée d'une station de métro de Bruxelles (Belgique), le 23 mars 2016. (KEVIN VAN DEN PANHUYZEN / NURPHOTO / AFP)

Hasard du calendrier, au lendemain des attentats meurtriers à l'aéroport et dans une station de métro de Bruxelles, le texte sur la prévention et la lutte contre les atteintes à la sécurité publique et les actes terroristes dans les transports collectifs a été publié, mercredi 23 mars, au Journal officiel. Francetv info a interrogé le rapporteur de cette proposition de loi, le député PS Gilles Savary, pour faire le point sur la sécurité dans les transports.

Francetv info : Quel dispositif de sécurité est actuellement mis en place au niveau des transports en France ?

Gilles Savary : On a une police des transports avec 2 600 agents qui peuvent être réquisitionnés partout sur le territoire, même si elle se situe principalement en Ile-de-France. Ensuite, il y a les agents de sûreté de la SNCF — en treillis avec matraque, menottes et bombes lacrymogènes — qui sont au nombre de 2 800. Ils seront bientôt plus nombreux, puisque 500 recrutements sont en cours. Même chose du côté de la RATP, avec 1 800 hommes du Groupe de protection et de sécurisation des réseaux. Sans compter les agents de sécurité privés pour les réseaux de province et la police de l’air et des frontières qui intervient surtout dans les aéroports. 

A ces moyens humains il faut ajouter 40 000 caméras disposées sur le réseau SNCF et plus de 20 000 dans les bus et les stations de métro de la RATP. Vous avez enfin des QG chargés de coordonner tout ça, le plus véloce étant celui du quai de la Rapée, à Paris. N'oublions pas que dans le cadre de Vigipirate, l'armée est également présente et qu'il est toujours possible de faire intervenir des moyens de police et de gendarmerie supplémentaires. Avec les attentats de Bruxelles, on a encore haussé le niveau d’alerte avec 1 600 personnes supplémentaires mobilisées.

Que change votre loi promulguée aujourd'hui ?

Ma loi vise à donner des moyens juridiques supplémentaires aux agents d’intervention. Les agents de sûreté ont désormais la possibilité d'effectuer des palpations de sécurité, une inspection visuelle des bagages à main et une fouille des bagages, avec l'accord des personnes. Mais les passagers récalcitrants pourront se voir refuser l'accès aux moyens de transport.

Ils pourront également empêcher l'accès à un transport à quelqu'un qui ne veut pas obtempérer à un relevé d’identité, le temps de le confier à un gendarme ou à un policier qui pourra réaliser ce contrôle. Il s'agit d'un texte équilibré qui veille à ne pas transformer tous les agents en cow-boys.

Ces mesures sont-elles suffisantes pour garantir la sécurité ?

Je pense qu’on ne peut guère aller plus loin, sauf à se considérer comme pris en otage par Daesh et renoncer à notre mode de vie. Bien sûr, on pourrait mettre des portiques de sécurité à toutes les entrées de métro, comme pour les aéroports, mais cela nous empoisonnerait la vie. Il y aurait une file d’attente à chaque correspondance, ce serait très compliqué pour les 7 millions de personnes qui prennent chaque jour les transports à Paris, par exemple. 

Et puis, comme on l'a vu hier, les portiques, même s'ils assurent la sécurité à bord des avions, n'empêchent pas les assassinats à l'intérieur même des aéroports. Il y aura toujours des trous dans la raquette. Personne ne peut promettre une surenchère sécuritaire. Et il faut faire attention, car la peur et l’illusion du tout-sécuritaire, cela reste un fonds de commerce politique. Il faut lutter contre les marchands de peur, qui agitent le spectre d’une mobilisation générale des populations musulmanes alors que ce sont les premières victimes.

On ne peut vraiment rien faire de plus pour assurer la sécurité dans les transports ?

On peut toujours augmenter le nombre d’agents de sûreté, mais on se trouve dans une guerre avec des cibles dites "molles" :  l'entrée d'un stade, une terrasse de café, un marché, un cinéma, une salle de spectacle… Il ne peut pas y avoir de risque zéro face à une telle agression. Il va falloir qu’on apprenne à vivre avec le risque terroriste.

Ensuite, je pense que l’avenir, c'est la technologie. On se dirige vers une surveillance vidéo capable de détecter un comportement suspect. On peut imaginer également des portillons intelligents pour les billets qui permettraient de tracer les passagers. De même qu'il faut adopter le PNR [Passenger Name Record, dont l'objectif est de mettre en place un fichier européen commun des passagers aériens], je pense que dans quinze ans on aura un registre des passagers du métro et du chemin de fer.

Chaque citoyen a-t-il un rôle à jouer ?

Oui, il faut qu’on apprenne à se défendre en signalant d'abord tout ce qui paraît suspect et en étant capable, si possible, d'intervenir. On a vu que des gestes héroïques étaient possibles lors de l'attaque du Thalys, en août. C'est désormais notre combat à tous. Il faut être en permanence sur nos gardes.

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