: Vidéo Christopher Dembik, chef économiste de Saxo Bank : "Aujourd'hui, si vous voulez gagner de l'argent, il faut vous endetter"
Invité de Jean-Paul Chapel dans ":L'éco", Christopher Dembik, chef économiste de Saxo Bank, analyse la rentrée économique. Du budget 2020 à la récession en Allemagne, en passant par les emprunts à des taux d'intérêt négatifs, l'économiste lève le voile sur les dossiers de la rentrée.
Christopher Dembik est le chef économiste de Saxo Bank.
Alors que de nombreuses tensions se font sentir en cette rentrée économique, notamment aux urgences, chez les agriculteurs, mais également sur la préparation du budget 2020, Jean-Paul Chapel interroge : "Cette rentrée vous semble-t-elle particulièrement à risques ?".
"Pour le gouvernement français, pas vraiment à risques", répond Christopher Dembik. "Finalement, la situation est plutôt bonne d'un point de vue macro-économique. La croissance n'est pas flamboyante, mais la situation se tient bien au 3e trimestre. La tendance de la croissance est d'environ 1,3 %, voire 1,4 %. Et on serait sur un 3e trimestre avec 0,3 %, ça peut ne pas paraître si élevé que cela mais dans un monde où la croissance est faible, c'est plutôt une très bonne performance de la France à l'heure actuelle".
Quant au budget 2020, le chef économiste de Saxo Bank estime qu'"on s'intéresse assez peu au déficit aujourd'hui car les taux sont très bas. Du côté de la croissance, la France est finalement un bon élève et performe bien mieux que l'Allemagne. Donc, finalement, il n'y a pas une très forte pression pour qu'on ait des réductions au niveau des dépenses dans le budget."
"Paradoxalement, pour une fois, les problèmes semblent venir de l'Allemagne...", souligne Jean-Paul Chapel.
"Complétement !", réagit Christopher Dembik. "On devrait avoir une récession technique, autrement dit, deux trimestres de contraction du PIB cette année. Tout simplement parce que l'Allemagne est un pays très exposé aux exportations et qu'elle subit les contrecoups, notamment du ralentissement chinois, mais aussi d'un modèle économique qui arrive à bout. Son secteur automobile est plutôt sous pression car elle n'a pas pris le virage du tout électrique. Et d'un point de vue structurel, l'Allemagne n'a pas non plus fait de réformes importantes dans le digital pour que ses entreprises soient plus compétitives. Donc, pour l'Allemagne, c'est vrai que la situation est compliquée".
"Souvenez-vous, il y a quelques années de cela, c'était la France qui était l'Homme malade de l'Europe, aujourd'hui, c'est très clairement l'Allemagne", affirme encore l'économiste.
Pour piloter la conjoncture économique européenne, il y a désormais à la tête de la Banque centrale européenne (BCE), une Française : Christine Lagarde. À la question "Que va-t'elle faire ?", Christopher Dembik réplique que "ce n'est pas une experte, donc on s'attend tout simplement à ce qu'elle poursuive la politique monétaire qui a déjà été mise en place, c'est-à-dire qu'on va continuer à faire venir de la liquidité, des taux bas, donc on va soutenir l'économie européenne. Son rôle, c'est d'être gestionnaire, un peu le rôle qu'elle avait au FMI (Fonds Monétaire International, NDLR)."
"Il ne faut pas s'attendre à ce que, du jour au lendemain, elle nous sorte un lapin du chapeau, elle va continuer ce qui a déjà été fait", ajoute le chef économiste de Saxo Bank.
"Et donc continuer à baisser les taux qui sont proches de zéro", renchérit Jean-Paul Chapel. "Et dans la pratique, cela fait que beaucoup d'Etats, dont la France, peuvent s'endetter à taux négatifs. C'est quand même une bizarrerie ça..."
"C'est une anomalie économique", insiste M. Dembik. Il y a quelques années de cela, personne n'aurait pensé que ça puisse se produire. Aujourd'hui, par exemple, la France gagne de l'argent quand elle emprunte jusqu'à 15 ans. Imaginez, c'est énorme ! Tout simplement parce qu'il y a une inquiétude des investisseurs sur l'avenir, et quand on a une inquiétude, on préfère acheter des obligations d'Etat car c'est une valeur refuge, c'est ce qui nous permet d'être sûrs en période d'incertitudes. Et donc, cela permet aux Etats d'avoir des taux qui sont négatifs".
Selon Christopher Dembik, nous sommes dans un tout nouveau "paradigme économique" car les entreprises peuvent également emprunter à des taux négatifs. Il donne un exemple : "Nestlé, une entreprise privée, a réussi à emprunter à taux négatif jusqu'à dix ans".
Jean-Paul Chapel résume la situation actuelle : "Avant, c'était qui paie ses dettes, s'enrichit. Aujourd'hui, c'est qui s'endette, s'enrichit."
"Complètement. Aujourd'hui, si vous voulez gagner de l'argent, il faut vous endetter. Il ne faut pas épargner parce que vous aurez un rendement très faible", poursuit l'économiste. "En tant que particulier, vous n'aurez jamais des taux négatifs, c'est interdit en France, mais vous aurez des taux extrêmement bas, souvent plus bas que l'inflation, donc c'est le bon moment de s'endetter, si on peut le faire.", résume Christopher Dembik.
L'interview s'est conclue sur "Despacito" de Luis Fonsi et Daddy Yankee.
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