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«Pratiques nazies»: Angela Merkel recadre Recep Erdogan
Le ton monte entre Berlin et Ankara après l'annulation par des municipalités allemandes de meetings lors desquels des ministres turcs devaient faire campagne en vue du référendum du 16 avril sur le renforcement des pouvoirs présidentiels.
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«Nous rejetons l'assimilation de la politique de l'Allemagne démocratique à celle du national-socialisme. D'une manière générale les comparaisons au nazisme sont toujours absurdes et déplacées car elles reviennent à minimiser les crimes contre l'humanité du national-socialisme», s’indigne le porte-parole de la chancelière, Steffen Seibert. Les relations entre l’Allemagne et la Turquie, déjà très tendues, se sont fortement détériorées ces derniers jours.
Dimanche 5 mars, le président turc Recep Tayyip Erdogan a accusé l'Allemagne d'user de «pratiques nazies» après l'interdiction en fin de semaine précédente par des autorités municipales allemandes de meetings électoraux en faveur du «oui» au référendum du 16 avril sur l'extension des pouvoirs présidentiels turcs. Ces municipalités ont mis en avant des problèmes logistiques pour expliquer leur décision, arguant dans au moins un cas, ne pas avoir été informées de la venue d'un ministre turc et du caractère politique de la manifestation. Le gouvernement allemand souligne que l'autorisation de tels rassemblements n'était pas du ressort du pouvoir fédéral mais des mairies concernées.
Une diaspora acquise à Erdogan
La communauté turque d'Allemagne, forte d'environ trois millions de personnes, constitue pour le président Recep Tayyip Erdogan un important réservoir électoral. Et sur ces trois millions de Turcs ou personnes d'origine turque, 1,4 million peuvent voter pour les scrutins en Turquie. L'Allemagne représente à ce titre la quatrième circonscription électorale en nombre d'électeurs après Istanbul, Ankara et Izmir. La formation d’erdogan, l'AKP, y a fait des scores très flatteurs. Aux élections législatives de novembre 2015, le parti avait rassemblé 59,7% des voix en Allemagne, contre 49,5% en Turquie.
«Le vote des Turcs de l'étranger n'a été instauré que pour l'élection présidentielle de 2014. Seulement 10% des personnes concernées avaient alors voté. (Elles) étaient 50% aux législatives de 2015. Contrairement à ses prédécesseurs laïques, l'AKP a toujours parlé à cette diaspora», explique à l'AFP Jean Marcou, professeur à Sciences Po Grenoble.
Journalistes en prison
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a présenté Deniz Yücel, le correspondant en Turquie du journal allemand Die Welt incarcéré le 28 février 2017 pour «propagande terroriste», de «représentant du PKK» – le Parti des travailleurs du Kurdistan, une organisation classée terroriste par Ankara –, et d'«agent allemand». La chancelière Angela Merkel, qui avait critiqué l'arrestation de Deniz Yücel, affirme qu'il est «approprié de notre part de critiquer les atteintes à la liberté de la presse» en Turquie.
«A l'adresse de notre partenaire turc, soyons critiques là où c'est nécessaire mais ne perdons pas de vue la signification de notre partenariat, de notre relation étroite. Et gardons la tête froide», tempère le porte-parole de la chancelière, Steffen Seibert.
L'origine de la diaspora turque en Allemagne remonte aux années 60, lorsque l'ex-Allemagne de l'Ouest, alors en manque de main d'œuvre pour nourrir son «miracle économique», a embauché par centaines de milliers des «Gastarbeiter», des «travailleurs invités» (turcs, mais aussi italiens, espagnols, grecs, portugais...). Ceux-ci devaient initialement rentrer au pays, mais beaucoup ont fini par rester en Allemagne, avant d'être rejoints par leurs proches.
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