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Les difficultés d'Alstom sur le marché des TGV

Symbole du succès d’Alstom dans le transport, le TGV made in France est en difficulté. Le train à grande vitesse, qui détient pourtant le record du monde de vitesse (574,8 km/h), ne s’exporte pas. Une difficulté de plus pour la société française, convoitée par General Electric et... Siemens, un autre constructeur de TGV présent sur un marché très concurrentiel. Trop concurrentiel ?
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Maquettes de TGV d'Alstom. (PIERRE ANDRIEU)

Entre ralentissement des investissements pour la grande vitesse dans de nombreux pays et une accélération de la concurrence, le fabriquant français de trains à grande vitesse a du mal. Sans compter que la SNCF, son client et partenaire, a dû limiter ses achats et ses projets de développement.

«Un marché de niche»
«La grande vitesse est un marché de niche, soumis à une forte concurrence. En 30 ans – les premiers TGV ont circulé en France en 1981 –, le monde de la grande vitesse s’est relativement peu développé et la concurrence a explosé… On compte trop d’acteurs pour un trop petit marché», explique Marc Fressoz, journaliste et auteur de FGV Faillite à grande vitesse : 30 ans de TGV (éditions Le Cherche Midi). Aujourd’hui, on estime le marché de la grande vitesse dans le monde à quelque 6 milliards d’euros. Une somme faible à partager par de nombreux acteurs.

On estimait pourtant qu’environ 20.000 km de lignes étaient à construire d'ici à 2020, «un peu plus de 1.300 rames à fournir. Les projets de très grande vitesse ferroviaire (supérieure à 250 km/h) foisonnent. Au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Est, en Amérique du Nord et du Sud», écrivait Usine Nouvelle en 2009. Mallheureusement, cet eldorado de la grande vitesse n’a pas profité à Alstom dont la branche transport représente un peu moins de 30% de son chiffre d'affaires de quelque 20 milliards d'euros (en comptant les autres activités transports que le TGV).

L’entreprise française, fournisseuse de la SNCF, a certes réussi à vendre des rames en Espagne, puis en Corée, moyennant un important transfert de technologie. A l’exportation, le dernier succès français a été emporté au Maroc pour la ligne Tanger-Casablanca, «mais c’est le contribuable français qui a payé», affirme Marc Fressoz.

Aujourd’hui, Alstom est confronté à de nombreux concurrents sur les marchés mondiaux: l’Allemand Siemens, les Espagnols, les Coréens ou les Chinois, dont le réseau a cru très rapidement grâce à des premiers contrats fournis par Siemens, accompagnés là aussi d’un important transfert de technologie. 

Echec en Arabie Saoudite
Le dernier échec français remonte au juteux contrat saoudien. Le ticket français SNCF-Alstom a vu s'échapper en 2011 ce juteux contrat de près de 7 milliards d'euros qui vise à transporter des pèlerins entre Djeddah, La Mecque et Médine. Ce sont les Espagnols qui ont emporté le marché grâce à une offre mieux disante tant sur le prix que sur le produit (les Français s'étant obstiné pendant longtemps à vouloir fournir des rames à deux étages pas adaptées à la demande saoudienne).

Le TGV chinois en 2013 (ZHANG QINGYUN / XINHUA)

Aujourd'hui, la concurrence s'est mondialisée. Le marché chinois a été remporté par les Allemands de Siemens, qui «ont accepté d’importants transferts de technologie alors qu’Alstom a refusé», note Marc Fressoz. Mais la Corée, dont les premiers TGV ont été fournis par l’entreprise française, produit aujourd’hui ses propres trains à grande vitesse (Hyundai Rotem). «Ironie: en 1994, Alstom a vendu 46 rames de son TGV à la Corée et avait consenti d'importants transferts de technologie pour l'emporter. Envoi dans les usines françaises d'un millier d'ingénieurs et de techniciens coréens; supervision de la fabrication des rames en Corée par 400 ingénieurs français; transfert à Hyundai Rotem de 350 000 pages de documentation», notait La Tribune, en précisant qu'aujourd'hui le modèle coréen développe le même système que l'AGV d'Alstom (avec une motorisation répartie tout le long de la rame).

Autre mauvaise nouvelle pour Alstom, de nombreux marchés comme la Russie ou les Etats-Unis qui avaient envisagé d’ambitieux programmes de développement de la grande vitesse ferroviaire ont levé le pied. A cause de la crise notamment.

Aux USA, Obama avait lancé un programme en faveur des TGV, mais la Floride a stoppé le projet et la Californie (qui envisage de relier Sacramento à San Diego) n’a toujours pas bouclé le sien. En Russie, la crise a repoussé l’idée d’une ligne à grande vitesse entre Saint-Pétersbourg et Moscou. Et il n’est pas sûr que la crise diplomatique actuelle aide l’entreprise française à s’installer au pays de Poutine.

Groupe européen ?
Bref, les difficultés d’Alstom dans le TGV ne semblent pas terminées. Des difficultés qui, selon Marc Fressoz, remontent aux origines franco-françaises du projet. «C’est un produit français qui s’est développé sur la collaboration de la SNCF, d’Alstom et de l’Etat. Alstom a pris l’habitude de vendre trop cher son produit à son client unique.»

Heureusement pour l'entreprise française, Alstom connaît de meilleurs résultats dans les transports urbains et régionaux. Comme son concurrent allemand, Siemens, dont l'ICE connaît aussi des difficultés. De là à imaginer la constitution d'un géant européen du transport...

Rames de l'ICE de Siemens et du TGV d'Alstom côte à côte. (JACQUES DEMARTHON / AFP)

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