Infirmier soupçonné d'avoir tué plus de 90 personnes en Allemagne : ce que l'on sait de l'affaire
Après une enquête qui a duré douze ans, la police allemande soupçonne l'infirmier d'avoir tué plus de 90 patients, en leur injectant un cocktail de cinq médicaments.
Personne ne saura exactement combien de personnes sont mortes après être passées entre les mains de Niels Högel. L'Allemand est soupçonné d'avoir tué au moins 90 patients au long de sa carrière d'infirmier. Selon les éléments d'une enquête longue de douze années, on sait qu'il administrait à ses patients un cocktail létal pour pouvoir ensuite les ranimer.
Niels Högel est sans doute le pire tueur en série allemand. "On peut prouver au moins 90 meurtres et il y en a au moins autant qu'on ne peut pas prouver, a indiqué Arne Schmidt, le chef de l'enquête, lundi 28 août, lors d'une conférence de presse. Ce nombre est exceptionnel, unique, dans l'histoire de la République fédérale d'Allemagne."
Franceinfo résume ce que l'on sait de cette histoire.
Un professionnel "engagé", selon d'anciens collègues
Niels Högel, qui a aujourd'hui 41 ans, commence sa carrière en 1999 au service de réanimation de la clinique d'Oldenbourg, dans le nord de l'Allemagne. Le journal Le Temps rapporte que ses collègues le trouvent très (trop ?) "engagé". Interrogés à ce propos, ils expliqueront plus tard devant le tribunal que cet engagement était "plutôt bizarre". Un médecin se souvient que, lorsqu'il était en train de réanimer un patient dont le cœur venait de lâcher, Niels Högel avait appelé deux élèves infirmières pour qu'elles le regardent faire.
L'infirmier a été condamné en 2015 à la perpétuité pour deux meurtres et quatre tentatives s'étant soldées par la mort des patients. A ces six affaires, les enquêteurs ont indiqué lundi pouvoir ajouter 84 nouveaux cas, portant donc à 90 le total des décès pouvant lui être imputés, au terme de douze ans d'enquête.
Un mode opératoire bien rodé
Le journal The Guardian (en anglais) rapporte que l'infirmier avait un mode d'action bien rodé. Il injectait aux patients une surdose de médicaments qui agissaient sur le système cardiovasculaire. Il s'agissait d'un cocktail de cinq médicaments, dont de la lidocaïne, du sotalol ou encore du chlorure de sodium, qui provoquait une arythmie cardiaque potentiellement mortelle et une baisse de la tension artérielle. L'état de santé des malades déclinait rapidement. Il tentait alors de les ranimer, afin de récolter les félicitations de ses chefs et de son équipe.
En 2006, lorsqu'il est interrogé par le psychiatre qui l'ausculte, Niels Högel explique avoir agi par "ennui". Ses victimes, aussi bien des hommes que des femmes, sont choisies en fonction de leur état "très critique". L'homme semble souffrir d'un complexe qui le pousse à vouloir passer pour un sauveur. "Les patients n'étaient pour vous que les acteurs d'un film dans lequel vous étiez le seul héros et où vous seul pouviez gagner", avait déclaré un juge lors de son procès en 2015.
L'homme était, selon le psychiatre Konstantin Karyofilis interrogé en 2016, conscient de ses actes et de la souffrance qu'il causait aux patients et aux familles de ceux-ci. Il ne tire aucune fierté d'être sous le feu des projecteurs, explique le médecin dans des propos rapportés par The Guardian (en anglais) : "Il a profondément honte".
Des soupçons depuis 2000
Selon le journal Le Temps, des soupçons pesaient sur Niels Högel depuis des années. L'homme aurait tué son premier patient en 2000. "Il fallait sans cesse réanimer des patients, lorsque Niels Högel était en service", raconte au journal Otto Dapunt, un ancien médecin-chef d'Oldenbourg, le premier hôpital dans lequel l'infirmier a travaillé. L'établissement cherche alors à s'en séparer. "L'hôpital avait été informé de choses anormales, on avait un mauvais sentiment, explique Dirk Tenzer, un membre de la direction de la clinique, lors du procès de 2015. La direction l'a donc licencié, avec toutes les indemnités qui lui étaient dues, et après avoir délivré un certificat de bons et loyaux services."
A ce sujet, deux anciens médecins-chefs devraient être jugés pour complicité d'assassinats par omission. "Ils savaient ce qu'il se passait dans l'hôpital. Certains assassinats auraient pu être évités", estime Johann Kühme, le chef de la police d'Oldenbourg.
Une enquête de douze ans
L'affaire éclate réellement en 2005, lorsque l'infirmier est surpris, par un collègue, en train de faire une piqûre non prescrite à un patient de la clinique de Delmenhorst, près de Brême. Cela lui vaut une condamnation en 2006 pour tentative de meurtre. C'est la médiatisation qui pousse alors une femme à exprimer ses doutes quant au décès de sa mère. Ce témoignage entraîne l'exhumation des corps d'anciens patients. Les enquêteurs concluent à des traces de substances suspectes chez cinq d'entre eux. Dans trois cas, le décès est dû à des injections mortelles. Dans deux autres, il s'agit d'une "cause possible de la mort".
L'infirmier est condamné à la perpétuité en 2015 pour "deux meurtres et quatre tentatives s'étant soldées par la mort des patients". Mais l'enquête est rouverte après que l'homme s'est confié auprès de son compagnon de cellule. "A partir de 50, j'ai arrêté de compter", lui dit-il.
Une cellule d'enquête spéciale a donc été montée. Elle a dû éplucher la liste de toutes les personnes mortes pendant les heures de service de l'infirmier dans les deux hôpitaux de Basse-Saxe dans lesquels il a travaillé, entre 1999 et 2002. Quelque 130 exhumations de corps ont été organisées dans 67 cimetières du nord de l'Allemagne, précise Le Parisien. Mais le bilan pourrait être encore plus terrible : une centaine de patients morts lors de ses heures de service ont été incinérés. Impossible donc de connaître a posteriori les causes de leur mort.
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