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Face à la montée des océans, certaines régions se préparent à l'exode
Le climat change, les adresses aussi. A cause de la montée des eaux, certaines villes et même certains Etats sont voués à disparaître dans les prochaines années. C'est déjà le cas de Shishmaref, village alaskien grignoté par la mer, qui vient de décider de son déménagement. Retour sur ces lieux menacés à travers le monde, et les solutions proposées.
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«Les projections climatiques indiquent que ce qu'on présentait autrefois comme une météo extrême va devenir la norme et non l'exception. Cela va amplifier les risques de déplacement de population.» Dans son rapport de l'année 2015, le groupe consultatif de l'ONU sur le changement climatique insiste sur l'imminence des exodes dus aux changements climatiques, et notamment à la montée des eaux. Si ce phénomène reste encore très abstrait comparé aux migrations économiques et politiques, il préoccupe déjà depuis plusieurs années certaines régions du monde.
Des villages qui déménagent
Pour Shishmaref, le réchauffement climatique est hélas une dure réalité. Ce village inuit de l'Alaska, situé sur une mince bande de terre du détroit de Béring, a voté le 16 août 2016 son déménagement vers des terres plus accueillantes (encore à l'étude). Aucun déplacement n'est prévu dans l'immédiat, mais le vote traduit l'impuissance de cette population, installée depuis plusieurs siècles sur le site, face au réchauffement des eaux arctiques.
[CARTE INTERACTIVE] La localisation de Shishmaref et Newtok, les deux villages d'Alaska menacés par la montée des eaux.
Depuis de nombreuses années déjà, les 650 habitants observent la mer grignoter le sol gelé sur lequel sont bâties leurs maisons. La même observation est faite à Newtok, plus au Sud (voir la carte ci-dessus): en trente ans, la mer a avancé de 500 mètres dans le village. Une colonie de secours est actuellement en construction, financée par l'Etat d'Alaska.
Le réchauffement de la mer impacte aussi la faune: le gibier marin se faisant plus rare, les Inuits sont obligés de s'éloigner de plus en plus des côtes pour aller chasser. Un luxe que l'on ne peut pas s'offrir quand l'essence, apportée par avion, est deux fois plus chère qu'à Anchorage, la plus grande ville d'Alaska.
La récente médiatisation de Shishmaref permet de rappeler que certains pays se battent déjà depuis plusieurs années pour ne pas se faire engloutir. C'est le cas des les Îles Salomon, un Etat indépendant de 600.000 habitants situé sur un archipel du Pacifique. Une étude australienne, publiée en mai 2016, rapporte que l'océan a avalé cinq îles végétalisées du pays depuis les années 1960, en raison de l'érosion des côtes et de la montée de la mer.
[CARTE INTERACTIVE] En noir, les cinq «îles» immergées des Îles Salomon, dont la surface mesurait de 1 à 4 hectares en 1947. En rouge, les six autres îles menacées et la ville de Taro.
Dans la même période, le rapport indique que six autres îles ont perdu plus de 20% de leur territoire. Sur ces zones menacées, les inondations sont de plus en plus fréquentes et sévères. Dans le village de Nuatambu (voir carte ci-dessus), la moitié des habitations a été emportée par la houle, forçant les habitants à se reloger sur Choiseul, la grande île du nord du pays. Toujours selon le rapport, la plus grande ville de cette île, Taro (500 habitants), ainsi que les 70.000 habitants du pays, doivent d'ores et déjà penser à déménager en altitude.
Fuite vers l'étranger ou achat de terres
La situation est aussi très préoccupante à l'Est, aux Tuvalu, un autre Etat insulaire. Aucun des neuf atolls du pays n'excède 5 mètres d'altitude, rendant l'archipel extrêmement vulnérable aux inondations et aux cyclones. Le problème a été identifié dès le début des années 2000 par les autorités tuvaluanes, mais les plans de sauvetage proposés (constructions de digues, réhaussement des terres) se révèlent bien trop onéreux pour le miniscule Etat et nécéssitent une intervention étrangère.
[CARTE INTERACTIVE] Les neuf Atolls de Tuvalu pourraient disparaître d'ici 2100.
Aujourd'hui, les 10.000 habitants s'alimentent en eau douce grâce à la récupération d'eau de pluie, la montée du niveau de la mer ayant salinisé le peu d'eau potable naturelle. Fatalistes, plus d'un millier de Tuvaluans ont quitté leur pays pour l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Pour des questions de dilatation de courants marins, l'eau monte plus rapidement dans cette région du monde qu'ailleurs, soit entre 5 et 9 millimètres par an. A ce rythme, les Tuvalu seront immergées avant la fin du siècle. Les îles du Vanuatu et de Tokelau sont elles aussi, particulièrement touchées. Le gigantesque archipel des Kiribati (étalé sur 3000 kilomètres) s'est déjà rendu propriétaire d'une parcelle aux Fidjis en 2014, afin d'y implanter ses populations les plus touchées par le changement climatique. A défaut de posséder de grands territoires, ces pays se sont réunis dans l'Alliance des petits Etats insulaires en 1990, afin de faire entendre leur voix dans les débats internationaux concernant le changement climatique.
Célèbre pour être une destination touristique, les Maldives ont, elles, plus de moyens pour se battre contre la mer. En 1997, cet archipel situé au sud de l'Inde commence la construction d'une île artificielle à Hulumalé, proche de la capitale, Malé. Une solution pour, à long terme, évacuer la totalité des 100.000 habitants de Malé, qui culmine à... seulement un mètre au-dessus de l'océan Indien.
En 2008, le président Mohamed Nasheed a annoncé la création d'un fonds souverain destiné à acheter des terres à un autre pays, tout comme les Kiribati. Le chef d'Etat médiatise aussi la fragilité de son pays lors d'un conseil des ministres en octobre 2009, organisé exceptionnellement sous l'eau. Les gouvernements ont depuis engagé une politique de regroupement de la population maldivienne (350.000 habitants sur 150 îles) afin de concentrer le budget public sur le sauvetage des eaux du pays.
En Europe aussi
L'immersion de territoires ne se limite pas aux archipels lointains. Les Halligen, îles allemandes proches de la frontière danoise, sont aux premières lignes de la montée des eaux en Europe.
[CARTE INTERACTIVE] En rouge, les dix Halligen, au large de l'Allemagne et du Danemark. Elles sont le résultat du détachement de falaises au cours d'une tempête, au XVIIe siècle.
Comme les Halligens émergent aussi à très faible altitude, leurs prés sont inondés une quinzaine de fois par an. Une habitude prise par les habitants. Mais les digues traditionnelles, construites pour protéger ces îles de la Frise du Nord, pourraient bien se révéler obsolètes face à l'intensité grandissante des tempêtes marines. Les quelques 350 Halliguiens pourraient devenir d'ici 50 ans, les premiers réfugiés climatiques d'Europe.
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