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Défaite de la CDU dans un scrutin régional: coup de semonce pour Merkel

La CDU d’Angela Merkel vient d’enregistrer la plus grosse défaite de son histoire dans l’élection régionale de Rhénanie du Nord-Westphalie, le Land le plus peuplé d’Allemagne, au profit des sociaux-démocrates du SPD. Un avertissement pour la chancelière, inflexible dans sa volonté d’imposer à l’UE sa politique d’austérité.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Angela Merkel a quelque raison de grimacer après le résultat du scrutin dans le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie... (AFP - JOHN MACDOUGALL )

Les chrétiens-démocrates de la CDU, emmenés par le ministre fédéral de l’Environnement Norbert Röttgen, perdent quelque 9 points par rapport à 2010, à 25,7% alors que les sociaux-démocrates du SPD obtiennent 3,7% de plus qu’il y a deux ans, soit 38,2% des suffrages. Ce qui permet donc à ces derniers de conserver le gouvernement du Land, en coalition avec les Verts (stables avec 12,1% des voix).

Le SPD «poussé par un vent arrière venu de France»
«C'est une défaite cinglante pour Angela Merkel et la CDU», a commenté la secrétaire générale du SPD, Andrea Nahles. «Désormais, (…) Angela Merkel est enfin sur la défensive», constate le prestigieux hebdomadaire Der Spiegel. Un motif de satisfaction évident pour un parti opposé à la politique d’austérité de la chancelière et de sa coalition, qui réunit la CDU, la CSU (branche bavaroise des chrétiens-démocrates) et les libéraux du FDP. Cette formation, avec 8,5 % des suffrages, s’en sort mieux que prévu après une descente aux enfers depuis plus d’un an.

Dans ce contexte, le SPD, «poussé par un vent arrière venu de France», selon Die Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) et par la victoire du socialiste François Hollande, se voit déjà triomphant aux prochaines élections fédérales de l’automne 2013, avec ses alliés verts. Avec en prime une «Spitzenkandidatin» (traduisez «candidate de pointe»), en clair une prétendante à la chancellerie inattendue, en la personne de Hannelore Kraft, qui a conduit son parti à la victoire. «Elle est apparue plus sympathique, plus proche des gens, plus crédible» que son concurrent, résume le quotidien de Munich Die Süddeutsche Zeitung. Et de rappeler les propos de Mme Kraft : «Nous avons mis l’homme au cœur» de la campagne. «Le parti a enfin une vraie femme forte à offrir» (sic), analyse Der Spiegel...

Hannelore Kraft, la grande gagnante du scrutin régional en Rhénanie du Nord-Westphalie, en train de montrer le slogan de son parti pour la campagne: "La Rhénanie du Nord-Westphalie au coeur". (AFP - DPA - MICHAEL KAPPELER)


Merkel pas menacée…
Donc, l’opposition «rouge-verte» («rouge» pour les sociaux-démocrates, «verte» pour les écologistes) est «regonflée», constate l’hebdomadaire. Pour autant, la joie du SPD a quelque chose à voir avec «de l’autosuggestion», ajoute-t-il. Car le SPD se traîne «sous les 30%» dans les sondages au niveau fédéral, constate Die Zeit, journal de l’«intelligentsia» allemande. Et il est devancé par la CDU. En clair, pour l’instant, la chancelière ne serait pas franchement menacée…

Le résultat de la Rhénanie du Nord-Westphalie aura «un impact limité» pour Angela Merkel, pense le directeur de l’Institut de science politique et de sociologie de l’université de Bonn, Volker Kronenberg. Car le résultat ne traduit néanmoins pas forcément un rejet de la politique d'austérité dans son ensemble, comme le montre la bonne tenue de son allié libéral FDP, un «faucon» en matière de rigueur budgétaire.

De plus, la dirigeante chrétienne-démocrate chancelière est «en Allemagne la femme politique la plus appréciée, elle est respectée, aimée même. En outre, elle est la plus puissante femme d’Europe ou du monde», constate Die Zeit dans un article fleuve. L’opinion allemande lui sait gré de promouvoir l'austérité budgétaire pour soigner la zone euro mal en point. Selon un sondage effectué pour l'hebdomadaire Stern, 59% des personnes interrogées refusent des mesures pour soutenir la croissance qui se traduiraient par de nouvelles dettes.

... pas menacée, certes. Mais «pour combien de temps encore» ?
Angela Merkel est certes «au zénith de son pouvoir», pense Die Zeit. Pour se demander aussitôt : «Wie lange noch ?» «Pour combien de temps encore»

Masques d'Angela Merkel et de François Holland, portés par des militants berlinois simulant un faux mariage entre les deux dirigeants (8-5-2012) (AFP - JOHN MACDOUGALL )


Angela Merkel est «un colosse aux pieds d’argile», pense Die Frankfurter Allgemeine Zeitung. Pour le journal des milieux d’affaires, il est «contradictoire», de parler aux électeurs de «‘conditions à la grecque’ et dans le même temps de constater que l’Allemagne s’est rarement aussi bien portée qu’aujourd’hui».

«La CDU et la chancelière tremblent», écrit Die Welt. Ils tremblent d’autant plus que le gouvernement conservateur-libéral a besoin du soutien de l’opposition de gauche pour faire ratifier par le Parlement le
«pacte budgétaire européen». L’adoption d’un tel texte par le Bundestag nécessite en effet les deux tiers des voix des députés. Texte qui entend instaurer une rigueur fiscale jugée essentielle pour parvenir à sortir la zone euro de la crise de la dette.

Le SPD a déjà fait savoir qu’il souhaitait un report du débat parlementaire sur la question. Dans le même temps, il se dit favorable à la mise en place d’un «pacte de croissance», cher au camarade François Hollande, qui viendrait compléter le pacte budgétaire. Conclusion : avec les changements politiques en France et en Grèce, la chancelière fédérale va peut-être «avoir du mal à tenir avec conviction sa politique de rigueur», juge l’universitaire Volker Kronenberg…

Un signal négatif pour Angela Merkel


Euronews, 13 mai 2012

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