Alain Le Roy, l’homme de l’ombre de la diplomatie européenne
C’est au cœur du quartier européen de Bruxelles, au siège du service européen pour l’action extérieure (SEAE), qu’Alain Le Roy nous reçoit. Ce diplomate français n’est autre que le nouveau numéro deux de la diplomatie européenne. L’homme est courtois, au moment de s’asseoir il semble un peu gêné par son bon mètre 90 mais trouve rapidement sa position. Le 1er mars dernier, Alain Le Roy est devenu le deuxième secrétaire général de ce service, créé en 2010. Aujourd’hui, « 1.200 personnes y travaillent ici à Bruxelles », déclare-t-il, « en plus des 2.400 dans les ambassades à l’étranger ».
Depuis son arrivée, le travail n’a pas cessé. Il faut dire que les crises internationales sont légion et atteignent même les portes de l’UE. En plein conflit ukrainien, c’est justement Alain Le Roy et ses équipes qui se chargent de préparer et proposer les sanctions contre la Russie. Les enjeux sont immenses, les obstacles aussi. Avec 28 Etats membres aux intérêts divergents, obtenir un début de position commune est souvent un travail herculéen.
« On parle français »
A cette fonction, Alain Le Roy est vu comme le bras droit de la Haute Représentante de l’Union, l’Italienne Federica Mogherini. A 41 ans, celle-ci est le chef de la diplomatie européenne depuis novembre dernier. En bref, un rôle comparable à celui d’un ministre des Affaires étrangères. « On se connaissait déjà avant, quand j’étais ambassadeur à Rome », nous confie Alain Le Roy avec un large sourire. « Ensemble on parle français », précise-t-il, « mais on pourrait tout aussi bien utiliser l’anglais ou l’italien ».
Passage de flambeau
Le mois dernier, Alain Le Roy a succédé à un … autre Français, Pierre Vimont. Ce passage de flambeau a suscité de nombreuses interrogations. Avec 28 Etats membres, pourquoi deux Français successivement au même poste ? Pour certains observateurs, il est question de pression de Paris, de négociation politique et d’une France qui tient à maintenir sa présence dans la diplomatie européenne.
Mais de son côté, Alain Le Roy nie privilégier les intérêts de son pays. « A ce poste, je suis avant tout un Européen. D’ailleurs s’il était clair que je défendais les intérêts de la France, je serais très vite déconsidéré ». Pour expliquer sa nomination, il évoque plutôt son expérience. Ingénieur des mines, économiste, agrégé de gestion, diplômé d’Harvard et ancien haut représentant de l’ONU à Sarajevo, Alain Le Roy est en effet la fine fleur de la diplomatie française.
A vrai dire, il en était de même pour son prédécesseur, Pierre Vimont. Avant de bâtir lui-même entièrement ce Service extérieur en 2010, il était, lui aussi, passé par un parcours prestigieux. Il était le directeur de cabinet de Dominique de Villepin au moment où la France disait « non » à la guerre en Irak. Le soin avec lequel ces deux hauts profils ont été choisis pour ce poste est révélateur d’une chose : le crédit que la France accorde aux affaires extérieures de l’UE.
Parler d’une voix commune
Aujourd’hui aux commandes du service, Alain Le Roy a pour objectif d’accroitre la place de l’UE sur la scène internationale. Déterminé à « faire avancer les choses », il croit en une diplomatie européenne forte et ce, malgré une Union qui s’est toujours montrée réticente à parler d’une voix commune sur les questions extérieures.
Mais selon lui, la situation évolue : « les Etats se rendent mieux compte de l’importance de fonctionner ensemble plutôt que seul ou à deux ». Mais les récentes catastrophes en Méditerranée montrent bien la difficulté qu’éprouve l’Europe à se mettre d’accord. Alain Le Roy le sait bien, derrière la diplomatie et la technocratie, ce sont parfois des milliers de vies qui sont en jeu.
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