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Comment les révélations d'Edward Snowden ont touché le monde entier

Le compagnon d'un journaliste du "Guardian", retenu par les autorités britanniques à l'aéroport de Londres, va porter plainte. Cette détention est le dernier rebondissement d'une affaire qui a commencé début juin aux Etats-Unis.

Article rédigé par Pauline Hofmann
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Des soutiens d'Edward Snowden manifestent à Berlin (Allemagne), le 27 juillet 2013. (JOHN MACDOUGALL / AFP)

Nouveau rebondissement dans l'affaire Snowden. Le compagnon du journaliste du Guardian qui a publié les révélations d'Edward Snowden sur les programmes de surveillance américains a annoncé qu'il allait porter plainte. L'homme a été retenu pendant neuf heures à l'aéroport londonien d'Heathrow, dimanche, et le Guardian révèle mardi 20 août qu'il a été sommé de détruire des documents secrets transmis par le fugitif américain.

Deux mois après le déclenchement du scandale, les renseignement divulgués par l'ex-informaticien de l'Agence nationale de sécurité américaine (NSA) ébranlent la Grande-Bretagne. Le président amériain a été contraint de promettre plus de transparence, tandis qu'en Allemagne, l'affaire Prism a même viré au scandale d'Etat. Retour sur les conséquences des révélations d'Edward Snowden à travers le monde.

Aux Etats-Unis, Barack Obama gêné

Au début du mois d'août, en réaction à l'affaire Snowden, Barack Obama a annoncé qu'il demanderait au Congrès américain de réviser le "Patriot Act". Il s'agit d'un ensemble de lois sécuritaires adoptées peu après les attentats du 11-Septembre. L'un de ses articles a été utilisé par l'administration pour justifier la collecte des métadonnées téléphoniques par la NSA.

Depuis le début du scandale Prism, Barack Obama tente de justifier les agissements de la NSA, avec notamment cette déclaration : "Je pense qu'il est important de comprendre que l'on ne peut avoir 100% de sécurité et aussi 100% de vie privée sans aucun inconvénent."

A la mi-août, la presse américaine a révélé que la NSA, en marge de l'affaire Snowden, avait enfreint la vie privée de citoyens des milliers de fois, sans pouvoir réellement quantifier ces infractions. 

En France, un programme similaire révélé

Dans l'Hexagone, le scandale Prism a permis de mettre en lumière un programme de surveillance de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), dévoilé par le journal Le Monde. "La DGSE examine, chaque jour, le flux du trafic Internet entre la France et l'étranger en dehors de tout cadre légal." D'après le quotidien, cette pratique des services de renseignements français se déroule en l'absence de tout encadrement légal. 

Le Monde précise que les sept autres services de renseignement, dont la DCRI, les douanes ou Tracfin, l'organisme de Bercy chargé de lutter contre le blanchiment d'argent, y ont accès "en toute discrétion, en marge de la légalité et hors de tout contrôle sérieux". Le quotidien prend soin d'ajouter que les services du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité et la délégation parlementaire au renseignement "contestent tous les conclusions de l'enquête du Monde". La DGSE, la DCRI et Tracfin se sont refusés à tout commentaire et Alain Zabulon, le coordonnateur national du renseignement, "n'a pas souhaité s'exprimer".

En Grande-Bretagne, la liberté de la presse bafouée

Pendant neuf heures dimanche 18 août, David Miranda a été retenu par les autorités britanniques à l'aéroport de Londres. Son crime, d'après le Guardian : être le compagnon de Glenn Greenwald, journaliste impliqué dans les révélations faites par Edward Snowden. Pour Glenn Greenwald, cette détention était "évidemment destinée à intimider ceux qui travaillent d'un point de vue journalistique sur la NSA et son équivalent britannique, le GCHQ".

Dans la foulée, le quotidien affirme que les autorités britanniques l'ont forcé à détruire des documents fournis par Snowden. "Vous vous êtes bien amusés. Maintenant nous voulons que vous nous rendiez le machin", aurait intimé Londres au journal. "La demande était la même : rendez le matériel Snowden ou détruisez-le", rapporte Alan Rusbridger, le rédacteur en chef. "Deux experts en sécurité de la GCHQ ont surveillé la destruction des disques durs dans les sous-sols du Guardian", raconte-t-il, avant de s'alarmer : "Dans pas longtemps, il deviendra impossible pour les journalistes d'avoir des sources confidentielles." 

En Allemagne, une campagne électorale troublée

De l'autre côté du Rhin, le scandale Prism a bien failli mettre Angela Merkel en difficulté pour les élections législatives du mois de septembre. Mediapart (article payant) revient sur la collaboration étroite entre l'Allemagne et les Etats-Unis. D'après le site internet, "l'armée aurait pris connaissance de l'existence de Prism il y a deux ans à l'occasion d'opérations conjointes en Afghanistan. Mieux, le service de renseignement extérieur (Bundesnachrichtendienst, BND) collaborait étroitement avec la NSA." Au total, 500 millions de communications auraient été interceptées par la NSA.

Le scandale a pris une tournure particulière en pleine période électorale. L'opposition a demandé une audience au ministre en charge de la Chancellerie, Ronald Pofalla. Ce dernier a défendu le gouvernement pendant trois heures de questions-réponses avec les membres de la commission parlementaire de contrôle de l'exécutif. 

Les gros partis allemands, le SPD et les Verts, n'ont finalement pas profité de la manœuvre des parlementaires, comme l'explique le journal Die Welt (en allemand). Ce sont les petits partis comme Die Linke ou le Parti pirate qui, même s'ils ne décollent pas, développent ce thème de campagne et tirent leur épingle du jeu.

Au sein de l'UE, des discussions commerciales tendues

A quelques jours de la signature d'un accord commercial avec les Etats-Unis, les fonctionnaires et députés européens prennent connaissance du programme de surveillance de grande envergure qui touche particulièrement l'Europe. Cette découverte rebat les cartes des négociations commerciales entre Bruxelles et Washington.

Le 3 juillet, Paris demande un report des discussions, pourtant prévues de longue date, entre l'UE et les Etats-Unis. Le lendemain, l'Union européenne accepte malgré tout de s'installer à la table des négociations.

En Russie, une demande d'asile compliquée 

Depuis que Moscou a accepté d'accueillir le "lanceur d'alerte" américain, les relations se sont passablement dégradées entre les Etats-Unis et la Russie. Au cours du mois de juin, Edward Snowden trouve refuge dans la capitale russe, ce qui n'est pas du goût des Etats-Unis, qui exigent son extradition. Longtemps bloqué dans la zone de transit de l'aéroport de Moscou, l'informaticien se voit accorder l'asile politique le 1er août.

"Nous sommes extrêmement déçus du fait que le gouvernement russe ait pris cette décision malgré nos demandes très claires, et légales, en public et en privé, de voir M. Snowden expulsé vers les Etats-Unis pour qu'il réponde des accusations portées contre lui", a déclaré le porte-parole de l'exécutif américain. Barack Obama a d'ailleurs annulé le sommet bilatéral prévu entre la Russie et les Etats-Unis au mois de septembre. Les relations entre les deux pays sont des plus tendues, même si le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, était en visite à Washington, comme le rapporte RFI.

En Bolivie, un incident diplomatique inédit

Le président bolivien Evo Morales a lui aussi fait les frais des révélations d'Edward Snowden. Le Monde diplomatique du mois d'août publie une tribune du chef d'Etat, dans laquelle il revient sur un épisode du 2 juillet. La France, l'Espagne, l'Italie et le Portugal interdisent à l'avion du président bolivien de survoler leur espace aérien. Les alliés des Etats-Unis soupçonnent Evo Morales de cacher le jeune informaticien dans son appareil. Le pilote de l'avion se pose en urgence à l'aéroport de Vienne.

Une telle interdiction est exceptionnelle et a déclenché une crise diplomatique entre, d'un côté, les Etats-Unis et ses quatre alliés européens, et la Bolivie de l'autre. D'autant plus que l'ambassadeur espagnol en Autriche a instamment demandé à Evo Morales de le laisser fouiller l'avion présidentiel. Depuis, la France, l'Espagne, l'Italie et le Portugal ont présenté leurs excuses officielles à la Bolivie.

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