Catalogne : les obstacles que doivent encore franchir les indépendantistes
Les partis indépendantistes ont remporté, dimanche, la majorité absolue des sièges aux élections régionales. Ils promettent la sécession de la Catalogne pour 2017, mais leur projet s'annonce compliqué.
"Le 'oui' a gagné, la démocratie a gagné", a lancé Artur Mas, le président de la Catalogne (Espagne) à l'annonce de la victoire des partis indépendantistes, dimanche 27 septembre, lors des élections régionales. Après le dépouillement de plus de 99% des bulletins, la principale coalition menée par Artur Mas, Junts Pel Si ("Ensemble pour le oui"), et le petit parti indépendantiste de la gauche radicale catalane Candidatura d'Unitat Popular ("Candidature d'unité populaire), ont récolté 72 sièges sur 135, soit la majorité absolue du Parlement catalan.
"Nous avons une énorme légitimité pour aller de l'avant avec notre projet", a poursuivi Artur Mas. En effet, le président de la région la plus riche d'Espagne a promis qu'en cas de victoire, lui et ses alliés mèneraient la Catalogne vers l'indépendance, en 2017 au plus tard. La Catalogne n'a jamais été aussi proche de la sécession, mais le processus reste encore semé d'embûches.
Les indépendantistes n'ont pas obtenu 50% des voix
D'un côté, la liste Junts Pel Si ("Ensemble pour le oui"), principale coalition indépendantiste menée par Artur Mas, a obtenu 62 sièges. De l'autre, la liste indépendantiste du parti de gauche radicale CUP a remporté 10 sièges. Au total, les deux listes comptabilisent 72 sièges, davantage que la majorité absolue, fixée à 68 sièges sur 135.
Or, avec un taux de participation, dimanche soir, de 77,5%, soit 10,5 points de plus que lors des élections de 2012, les indépendantistes ont certes remporté la majorité en nombre de sièges, mais n'ont convaincu que 47,8% des électeurs, soit moins de la moitié des suffrages exprimés, pour des élections assimilées par les indépendantistes à un référendum sur la question de l'indépendance.
Il existe de profondes divergences entre eux
Sauf surprise, et faute d'une autre majorité alternative, Artur Mas devrait donc gouverner avec les partis de sa coalition Junts Pel Si, la droite de Convergencia Democratica de Catalunya (CDC), et la gauche d'Esquerra Republicana de Catalunya.
Mais avant de déclarer l'indépendance, Junts Pel Si devra convaincre la CUP de l'appuyer, ce qui n'est pas gagné : anticapitaliste, partisane d'une sortie de l'Union européenne, la CUP a prévenu lors de sa campagne, que les listes indépendantistes devraient obtenir au moins 50% des voix pour s'engager dans un processus de sécession, objectif non atteint dimanche soir.
De plus, la formation s'oppose en tout point à Artur Mas, libérale et de centre-droit, à qui elle reproche la politique d'austérité. Elle refuse toute coalition, si ce dernier est reconduit à la tête du gouvernement régional et n'adhère pas aux modalités de sécession "progressistes" d'Artur Mas. Sans oublier qu'elle milite en faveur d'une indépendance "unilatérale", souligne Le Parisien.
Madrid promet de leur barrer la route
Un obstacle de taille s'oppose aux ambitions des séparatistes. Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy (Parti populaire), refuse de voir ce résultat comme un "plébiscite" pour l'indépendance, et campe sur sa position du "seul garant de l'unité de l'Espagne", rappelle Le Monde. Dimanche soir, il a affirmé qu'"Artur Mas a échoué dans sa stratégie sécessionniste" et menacé de suspendre l'autonomie de la Catalogne en s'appuyant sur l'article 155 de la Constitution, qui autorise le gouvernement central à "forcer" tout gouvernement régional à respecter la Constitution.
De son côté, la Commission européenne a été claire : en cas de sécession, la Catalogne ne fera plus partie de l'Union européenne. Des positions qui risquent bien de ralentir les ambitions "progressistes" d'Artur Mas, et donc l'indépendance rapide de la Catalogne.
Le processus d'indépendance risque d'être (très) long
Selon Artur Mas, la Catalogne pourra être indépendante au printemps 2017, mais elle devra d'abord respecter la feuille de route établie par ses soins avant les élections. Le dirigeant catalan souhaite "une rupture négociée", qui soit reconnue conjointement par Madrid et l'Europe, souligne La Tribune.
Or, les modalités de la feuille de route sont nombreuses, et risquent de durer plus de dix-huit mois : envoi d'une déclaration de souveraineté au roi d'Espagne Felipe VI pour officialiser les démarches séparatistes, transfert de compétences entre Madrid et la Catalogne, élaboration d'une Constitution, négociations avec Madrid et l'Union européenne sur les modalités de la séparation et la répartition de la dette espagnole, tenue d'un référendum sur l'indépendance et déclaration d'indépendance en cas de victoire du "oui"... Le processus pourrait bien être prolongé de plusieurs mois avant d'aboutir.
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