Espagne : cinq questions pour comprendre le procès de l'infante Cristina, la sœur du roi
Le procès de l'infante Cristina s'est ouvert lundi à Palma de Majorque. La sœur du roi Felipe VI est poursuivie pour fraude fiscale.
L'infante Cristina de Bourbon, sœur aînée du roi d'Espagne Felipe VI, comparaît lundi 11 janvier devant le tribunal de Palma de Majorque (Baléares) avec 17 autres prévenus. Elle est poursuivie pour complicité de délits fiscaux aux côtés de son mari, Iñaki Urdangarin, accusé d'avoir détourné six millions d'euros. La princesse de 50 ans, qui nie toute implication, devrait s'exprimer à la barre en février prochain.
Commencé en 2011, ce feuilleton judiciaire, déjà qualifié de "procès de l'année" en Espagne, devrait durer six mois. Mais que reproche-t-on à la princesse ? Risque-t-elle vraiment une condamnation ? Francetv info fait le point sur cette affaire.
Que reproche-t-on à Cristina de Bourbon ?
Cristina de Bourbon est soupçonnée d'avoir dissimulé au fisc espagnol les revenus issus du détournement de six millions d'euros dont serait responsable son mari, Iñaki Urdangarin, ancien champion olympique de basket. Le juge chargé de l'affaire considère que l'infante aurait collaboré avec son mari pour deux délits fiscaux.
C'est pourquoi elle a été mise en examen dès 2012 pour trafic d'influence, une décision annulée à la suite d'un recours du parquet, puis de nouveau en janvier 2014 pour fraude fiscale et blanchiment d'argent. Le juge en charge de l'enquête avait tenté de démontrer que l'infante était parfaitement au courant des activités de son mari mais le procureur avait requis un non-lieu. Finalement, la princesse est seulement accusée de fraude fiscale.
Les détournements effectués par son mari Iñaki Urdangarin s'élèveraient à plus de six millions d'euros. Selon l'accusation, les bénéfices issus de ces contrats auraient été répartis entre diverses sociétés-écrans dont Aizoon, propriété du couple, qui aurait servi à financer leurs dépenses personnelles.
Quelle est la ligne de défense de l'infante Cristina ?
La princesse est "disposée à assumer sa comparution en toute sérénité", a affirmé son avocat, Miquel Roca, cité par L'Express. D'autant plus qu'elle a toujours clamé son innocence et assuré qu'elle accordait une confiance aveugle à son mari depuis 18 ans. "Je ne sais pas. Je ne suis pas au courant. C’est mon mari qui s’occupait de cela", avait-elle répondu en 2014, après sept heures d’interrogatoire, rappelle Le Monde. Une stratégie établie dès le début des poursuites qui s'appuie sur l'ignorance de Cristina : elle n'aurait fait que signer les papiers qui lui étaient présentés.
Par qui le scandale est-il arrivé ?
L'infante est seulement soupçonnée de complicité. Les principaux prévenus sont son mari, Iñaki Urdangarin, et l'ancien associé de ce dernier, Diego Torres, qui dirigeaient l'institut Noos, une fondation à but non lucratif. C'est le juge José Castro qui a découvert l'affaire. En 2008, il enquêtait sur le financement du vélodrome Palma Arena des îles Baléares lorsqu'il est tombé sur des contrats suspects impliquant l'institut Noos.
La fondation aurait surévalué des contrats signés entre 2004 et 2006 avec les gouvernements régionaux de Valence et des Baléares pour organiser des congrès sur le sport et le tourisme, remarque Le Monde.
Dès 2011, Iñaki Urdangarin est mis en examen pour détournements de fonds et trafic d'influence. Il se serait servi de ses relations en tant que gendre du roi Juan Carlos pour obtenir de juteux contrats, comme le rapporte Paris Match. L'infante d'Espagne était alors membre du conseil d'administration et porte-parole de la fondation. L'enquête a duré quatre ans dans un pays marqué par les scandales de corruption.
Que risque vraiment Cristina de Bourbon ?
Le procureur a requis dix-neuf ans et demi de prison pour l'ancien champion olympique, la peine la plus sévère encourue par les accusés. Pour Cristina, Manos Limpias, l'association d'extrême droite qui s'est portée partie civile, a demandé huit ans de réclusion. L'association a eu recours à la procédure appelée "accusation populaire" qui permet à un particulier ou une organisation qui n'est pas concernée par l'affaire de saisir la justice.
Mais puisque ni le parquet ni les parties concernées n'ont lancé de procédure, la princesse pourrait voir ses poursuites abandonnées grâce à la "jurisprudence Botin", du nom d'Emilio Botin mort en 2014. En 2007, l'ancien banquier de Santander avait bénéficié d'un non-lieu dans une affaire de fraude fiscale présumée car ni les victimes ni le parquet n'avaient engagé de poursuites judiciaires. Ce qui est le cas de Cristina de Bourbon.
Un recours que Manos Limpias avait anticipé. "Tous les citoyens sont égaux devant la loi, des jurisprudences anachroniques ne peuvent pas s'appliquer", avait déclaré Virginia López Negrete, l'avocat de l'association, à la presse. La sœur du roi garde encore une chance d'échapper à la condamnation tant que le parquet et le Trésor public n'engagent pas de poursuites à son encontre.
Quelles conséquences sur la famille royale ?
Quel que soit le résultat de ce procès, la rupture entre le couple princier et la famille royale est consommée. Ce scandale est apparu en pleine crise économique à un moment où la monarchie espagnole était déjà fragilisée. C'est la première fois qu'un membre de la famille royale comparaît devant la justice dans une affaire de corruption.
Un scandale qui est, en partie, responsable de l'abdication du roi Juan Carlos au profit de son fils, l'actuel roi Felipe VI, en juin 2014. Ce dernier n'avait d'ailleurs pas rappelé Cristina et Iñaki de leur retraite suisse – où ils se sont installés depuis 2013 – pour assister à son couronnement. Il a même retiré leurs titres de duc et de duchesse aux époux en juin dernier, une distinction qu'ils avaient reçue de Juan Carlos comme cadeau de mariage.
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