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Elections en Catalogne : l'indépendance n'a pas gagné

«Majorité absolue pour les indépendantistes», titrait le journal catalan «La Vanguardia» le 28 septembre 2015, au lendemain des élections dans la province espagnole. Pour autant, le résultat du scrutin n’apparaît pas aussi simple. Car les autres journaux espagnols divergent sur l’interprétation à donner à l’évènement : victoire en demi-teinte ou lourde défaite des partisans de l’indépendance.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Partisans de l'indépendance à Barcelone le 27 septembre 2015, au soir des élections en Catalogne (AFP - CITIZENSIDE - ALEIX PLANA)

Une chose au moins n’est pas contestable : c’est la «participation record aux élections catalanes» constate la quotidien conservateur La Vanguardia (dont le nom signifie «l'avant-garde» en français), sis à Barcelone, capitale de la Catalogne. 63,20% des électeurs se sont ainsi déplacés, en hausse de 9% par rapport au scrutin de 2012, Un scrutin interprété «comme un plébiscite dans la mesure où les partisans de l’indépendance ont obtenu la majorité en sièges».

Ailleurs qu’en Catalogne, le refrain n’est pas le même. Et les confrères de «L’Avant-garde» sont beaucoup moins affirmatifs. La veille du vote, El Mundo (le monde en français), lui aussi conservateur, dramatisait les choses en expliquant que la région s’apprêtait à décider «de son avenir au sein de l’Espagne». A l’issue des élections, la messe est dite : «La majorité des Catalans rejette l’indépendance» dans la mesure où «les indépendantistes ne sont pas parvenus à convaincre plus de la moitié des électeurs». Le quotidien n’hésite pas à parler de «clarté de la victoire» du camp opposé à la sécession de la province.

De fait, les chiffres montrent que les partisans de l’indépendance, Junts pel Si (Ensemble pour le oui, JXS) et la Candidatura d’Unitat Popular (Candidature de l’unité populaire, CUP), parti indépendantiste de gauche, n’ont obtenu que 47,8% des voix. Mais ceux-ci ont emporté la majorité des sièges… Un résultat qui, au final, est donc tout sauf facile à interpréter.

Le plus vieux quotidien espagnol, ABC (droite monarchiste), qui se présence comme un «journal de référence», parle sans nuance de «l’échec» d’Arturo Mas, le président catalan sortant, de tendance modérée. Ce dernier aurait «engrangé les pertes : en sièges, en nombre de votes et en terme de légitimité».

De fait, en Catalogne même, on n’est pas forcément enthousiaste : «Le oui gagne mais ne triomphe pas», explique El Periodico, quotidien catalan de gauche. En clair : «Mas a gagné les élections mais pas le plébiscite». La victoire est donc quelque peu «amère». Et l’heure n’est donc pas forcément aux lendemains qui chantent. A tel point que le journal se réfère à deux sociologues pour tenter de comprendre «ce qui nous est arrivé».

Le président sortant de la Catalogne, Arturo Mas, à Barcelone le 27 septembre 2015 (AFP - CITIZENSIDE - ALEIX PLANA)

«Désir de changement»
Ces derniers constatent ainsi l’existence de «deux Catalogne». Une constatation également faite par El Pais (centre gauche) à Madrid : «Il est évident que les citoyens catalans se sont gravement scindés en deux blocs» similaires.

Pour El Pais, quotidien le plus important d’outre-Pyrénées, qui titre son éditorial Défaite et victoire, le résultat électoral est pour les indépendantistes «un triomphe électoral et un échec plébiscitaire». En clair, la question sur l’indépendance n’a pas été tranchée par les citoyens.
 
De fait, la participation constitue un «record historique» pour un scrutin de ce genre. Mais à ses yeux, «le prétendu caractère de plébiscite en faveur de l’indépendance était fallacieux tant par la nature de la convocation électorale (on a voté pour des partis, pas pour une question unique) que l’absence de compétence juridique chez ceux qui ont organisé le scrutin». Conséquence : «Les sécessionnistes ont clairement perdu la partie.»

Ce qui ne veut pas dire que ces derniers ont tout perdu. Personne, notamment le gouvernement de Madrid, «ne peut rester sourd ni muet» au résultat du vote, pense El Pais. Et de conclure : «Il faut réagir d’urgence en offrant des voies pour le dialogue et des ébauches de solution, susceptibles de répondre au désir de changement solidement exprimé par les Catalans.»

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