: Vidéo "Planet Killers" : sur les traces du totoaba, un poisson au cœur de l'association entre mafia chinoise et trafiquants mexicains
La mer et sa faune suscitent depuis des décennies toutes sortes de convoitises, jusqu'à provoquer une véritable hécatombe chez certaines espèces. C'est le cas du totoaba, un poisson protégé depuis les années 1970. Il vit dans la mer de Cortez – que l'océanographe Jacques-Yves Cousteau appelait "l'aquarium du monde" –, entre la Basse-Californie et le Mexique. La vessie natatoire de cette espèce, aux supposées vertus aphrodisiaques, est utilisée dans la médecine traditionnelle chinoise.
Considérée comme un produit de luxe, symbole de richesse, elle se négociait en 2022 entre 50 000 et 100 000 dollars le kilo en Asie. Ces tarifs affolants attirent des trafiquants, qui pêchent illégalement et à outrance ce poisson, surnommé "la cocaïne des mers". Le documentaire Planet Killers : le parrain des océans* revient sur le trafic du totoaba, responsable, malgré lui, d'une criminalité hors norme puisqu'il a favorisé l'alliance de la mafia chinoise et des cartels mexicains.
Une redoutable association de malfaiteurs
"La pêche illégale représente 23 milliards d'euros chaque année", révèle dans le documentaire Luis Tortas, un officier de renseignement criminel d'Interpol, qui travaille sur les délits environnementaux. Un commerce si lucratif que des trafiquants mexicains, davantage rompus au trafic de stupéfiants, se sont reconvertis en braconniers des mers sous la férule de criminels asiatiques.
"La mafia chinoise, pour résumer, c'est le bras financier. Ce sont eux qui achètent, eux qui recrutent. En réalité, ce sont eux qui graissent l'arme avec laquelle on va te tirer dessus", confie dans le film un ex-chef de la police mexicaine qui a réchappé miraculeusement à un assassinat, alors qu'il était sur la piste d'Oscar Parra, l'un des barons de ce "cartel de la mer", emprisonné depuis. "Quand j'ai commencé à enquêter sur le totoaba (...) j'ai découvert une situation unique au monde, révèle Mark Davis, ancien agent du FBI. Certains parlent de monstre à deux têtes en évoquant le trafic de totoaba. Car c'est un mariage entre les cartels mexicains et le crime organisé chinois."
La médecine chinoise, pivot du trafic
Cette union est dévastatrice dans un Mexique déjà gangréné par le trafic de drogue, et elle ne pourrait prendre fin qu'à la probable disparition de l'espèce. Les besoins de la pharmacopée chinoise sont tels qu'ils sont responsables de l'extinction de nombreux animaux autres que ces poissons, dans diverses régions du monde. La médecine traditionnelle chinoise a un poids industriel de plus de 60 milliards de dollars par an, selon l'Organisation mondiale de la santé, et son développement à l'international représente un grand axe de la politique du gouvernement chinois.
"Dans ce dossier, rapidement, on a découvert que tout le business illégal du totoaba est en réalité entre les mains de réseaux chinois dirigés par des hommes d'affaires chinois", explique Andrea Crosta, fondateur d'Earth League International, une organisation qui lutte pour la protection de l'environnement. "Ils vivent au Mexique et ce sont eux les boss. (...) Sans les trafiquants chinois au Mexique, il n'y aurait pas de trafic de totoaba." A la tête de ce colossal commerce illicite, le parrain chinois Wu Junchang, recherché depuis des années par Interpol.
* Le documentaire "Planet Killers : le parrain des océans", réalisé par Hugo Van Offel et Martin Boudot, est diffusé lundi 3 avril sur France 5 et sur france.tv.
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