Une mission française va explorer le "septième continent"
Constitué de millions de tonnes de détritus, un "continent de plastique" mal connu s'étend sur plus de 3 millions de kilomètres carrés au milieu de l'océan Pacifique.
Cinq fois la surface de la France, mais impossible d'y poser le pied. Normal, le "septième continent" n'est pas un Nouveau Monde intact, mais un gigantesque amas de déchets en plastique, en plein océan Pacifique. Une mission française doit quitter San Diego (Californie) mardi 8 mai pour récolter de nouvelles informations sur cette catastrophe écologique méconnue.
Découvert en 1997 par l'explorateur Charles Moore, la plaque de déchets du Pacifique Nord (ou Pacific Trash Vortex) s'étend des côtes californiennes au Japon, autour de l'archipel d'Hawaï. Elle mesure 22 200 km de circonférence et environ 3,4 millions de kilomètres carrés, selon le Centre national des études spatiales. Là, jusqu'à 30 mètres de profondeur, plusieurs millions de tonnes de minuscules morceaux de plastique mais aussi brosses à dents, valises, bouteilles et emballages en tous genres stagnent, plus nombreux que le plancton.
François Chartier, responsable "Océans" de Greenpeace France, interrogé en 2008 par Fluctuat, juge toutefois l'expression "septième continent" "abusive" et préfère qualifier cet amas de détritus d'"énorme soupe de plastique". Appétissant.
Cent fois plus de déchets en quarante ans
Selon le site Planet Green, 80% de ces ordures viennent des côtes. Le reste provient de la circulation maritime et des plates-formes pétrolières. Comment se sont-ils retrouvés là ? La zone est un point de rencontre de courants océaniques qui s'enroulent, sous l'effet de la rotation de la Terre (c'est la force de Coriolis).
La surface polluée s'étire et se densifie à une vitesse exponentielle. Depuis 1972, la concentration de microplastiques a été multipliée par 100 dans le Pacifique Nord, donnant naissance à cette immense plaque, selon une étude menée par des chercheurs de l'Université de Californie à San Diego et publiée par la revue Biology Letters de la Royal Society britannique.
Un fléau pour la faune
Selon un rapport de Greenpeace intitulé “Débris plastiques et pollution des océans”, ces détritus sont un fléau pour la faune marine. Oiseaux, poissons et mammifères marins les avalent et finissent par mourir de faim.
D'autres espèces en profitent, comme l'Halobates sericeus, une araignée de mer qui pond ses œufs sur les débris. Une manne inespérée pour les crabes, les poissons ou même les oiseaux de mer qui se nourrissent de cet insecte ou de ses œufs. Mais l'Halobates est aussi un prédateur, qui affectionne le zooplancton et les œufs de poisson. En proliférant, l'araignée menace donc d'autres espèces présentes à cet endroit du globe.
"De véritables trous noirs"
Une océanographe citée par Science News assure que l’Atlantique Nord-Ouest contient aussi d’immenses quantités de débris, notamment au large des Caraïbes. Ce site d'information scientifique américain ajoute que ces poubelles océaniques "pourraient être plus répandues que ne l’admettent la plupart des scientifiques". Ces zones seraient "de véritables trous noirs", explique l'océanographe Nikolai Maximenko à Science News. "Une fois que des détritus y sont piégés, ils ne peuvent plus en sortir.”
Pourtant, la menace écologique que dénoncent des militants de la cause environnementale intéresse peu les gouvernements. Le continent de plastique du Pacifique Nord est "situé dans des eaux peu concernées par la navigation marchande et le tourisme, le problème n'intéresse que les écologistes et les scientifiques", estime l'explorateur Patrick Deixonne, fondateur de l'association "Ocean scientific logistic".
Comprendre et alerter
Jusqu'à présent, hormis un passage de la mission Tara-Océans dans la zone pour y prélever du plancton, seules deux expéditions américaines ont étudié la plaque de déchets en 2006 et 2009. Avec la mission "Septième continent", qui doit appareiller mardi en direction de cette poubelle géante, le navigateur Patrick Deixonne veut "être les yeux des Français et des Européens" afin de mieux comprendre l'évolution du phénomène et de donner l'alerte aux autorités.
A bord de L'Elan, une goélette datant de 1938 guidée par deux satellites de la Nasa, Aqua et Terra, l'équipage de Patrick Deixonne va mesurer la densité des déchets, grâce à des prélèvements d'eau, de planctons et de matériaux. Ironie du sort, le départ de L'Elan a déjà été repoussé, selon le blog de l'expédition, à cause d'une avarie due à un reste de filet de pêche à la dérive.
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