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Pourquoi la création d'une immense réserve marine en Antarctique est une bonne nouvelle

Vingt-quatre pays et l'Union européenne se sont finalement accordés pour créer un sanctuaire dans la mer de Ross. 

Article rédigé par Julie Rasplus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des manchots empereurs avancent sur la banquise, le 5 janvier 2016, en Antarctique.  (RIEHLE GUNTHER / SOLENT NEW / SIPA)

Personne ne pourra venir perturber les baleines, manchots empereurs, calmars géants ou autres phoques qui y vivent. La plus grande réserve marine du monde, destinée à protéger une vaste zone de l'Antarctique, va bientôt voir le jour, après qu'un accord "historique" a été trouvé, vendredi 28 octobre. Et voici pourquoi il s'agit d'une grande nouvelle.

Parce qu'elle sanctuarise une zone immense

Le projet consiste en la création d'une zone protégée en mer de Ross, une immense baie, découverte en 1841 par l'explorateur britannique James Clark Ross, se situant à l'ouest de l'Antarctique, sur le côté Pacifique, et sous juridiction néo-zélandaise.

Capture d'écran d'une carte Google Maps localisant la mer de Ross, en Antarctique.  (GOOGLE MAPS)

"Cette décision est historique car c'est la première fois que des nations acceptent de protéger une gigantesque portion d'océan au-delà des juridictions nationales", a ainsi réagi Andrea Kavanagh, chargée de l'Antarctique au sein de Pew Charitable Trusts.

Concrètement, le sanctuaire s'étendra sur une superficie de plus de 1,55 million de km2, soit une superficie plus vaste que la France, l'Italie, le Benelux, l'Allemagne, la Suisse et l'Autriche réunis. Elle dépasse même la seule mer de Ross. A l'intérieur, 1,12 million de km2 (environ 70%) seront totalement interdits à la pêche, selon le chef de la diplomatie néo-zélandaise. Dans certaines zones, la pêche pourra donc être autorisée, mais sous conditions.

Parce qu'elle fait consensus

La création de ce sanctuaire, qui entrera en vigueur en décembre 2017, a est le fruit de plusieurs années de négociations. Pour qu'il voit le jour, il a fallu que les 25 membres de la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l'Antarctique (CCAMLR), soit 24 pays et l'Union européenne, se mettent d'accord lors de sa réunion annuelle à Hobart, en Australie. 

Les négociations entre la Commission et les scientifiques n'ont pas été de tout repos et il a été difficile d'emporter l'adhésion de la Chine et de la Russie. Pendant plus de cinq ans, ces pays ont bloqué toute avancée, explique le Guardian (en anglais). Pékin a finalement cédé en 2015, mais Moscou continuait à s'opposer au projet, en raison des restrictions de pêche, notamment de la légine australe. La principale concession porte sur la durée de protection : l'accord n'est valable que pour 35 ans. Selon le Guardian, une proposition portait cet engagement à 50 ans, mais elle a été retoquée par Moscou. 

Reste que, selon le ministre néo-zélandais des Affaires étrangères, Murray McCully, "l'accord final tient en équilibre la protection marine, la pêche durable et les intérêts scientifiques". Pour Lewis Pugh, le responsable de la gestion des océans au sein des Nations unies et cité par Le Figaro, il est "remarquable" que "la Russie, les Etats-Unis, l'Europe et les autres pays se [soient] serré la main à une époque où les relations politiques sont tendues".

Parce qu'elle protège un écosystème incroyable 

En choisissant de protéger la mer de Ross, la Commission protège un des écrins de la biodiversité de notre planète. Celle qui est surnommée "le dernier océan" est souvent considérée comme le dernier écosystème marin intact de la planète : aucune pollution majeure ne l'a souillée, aucun poisson n'a été pêché au point de ne plus pouvoir se renouveler, on n'y observe aucune espèce invasive et personne n'a jamais eu l'idée d'y extraire des minerais. L'extraction pétrolière y est d'ailleurs interdite. 

L'endroit constitue le refuge d'un tiers de la population mondiale des manchots Adélie, mais aussi du quart de tous les manchots empereurs de la planète. Dans ses eaux, des milliers de baleines de Minke coulent des jours heureux, aux côtés des orques ou des phoques de Weddell, selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN, en anglais).  Elle est aussi le paradis d'un tiers de la population de pétrels antarctiques - des oiseaux marins - et de calmars géants, comme celui de plus de 3,5 mètres remonté en 2013 par des pêcheurs. 

Surtout, cette mer est un des sanctuaires de la légine antarctique, un poisson carnassier crucial pour la chaîne alimentaire de la zone, fortement menacé par la surpêche. Comme l'explique L'Obs, ses stocks commençaient à s'épuiser. Or, il faut 17 ans pour que la femelle devienne mature. La réserve marine lui offre désormais l'occasion de se reproduire en paix. 

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