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Condamnation de Monsanto : Ségolène Royal applaudit "une décision magistrale, historique, qui renverse le rapport de force"

L'ancienne ministre de l'Écologie dénonce la puissance des lobbys et appelle à la vigilance pour qu'il n'y ait pas de produits déguisés pour remplacer le Roundup.

Article rédigé par franceinfo
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Ségolène Royal  en décembre 2016, à l'inauguration de la plateforme du projet BioTfuel à Mardyck dans le Nord. (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

Monsanto a été condamné samedi 11 août par un tribunal californien à verser 289 millions de dollars à un jardinier atteint d'un cancer après avoir utilisé deux pesticides de la firme. Une décision "magistrale, historique" salue dimanche sur franceinfo, Ségolène Royal. L'ancienne ministre de l'Écologie, présidente de la COP21 et ambassadrice des pôles met en garde : attention à ce qu'il "n'y ait pas un autre produit déguisé" qui remplace le Roundup après son interdiction à la vente directe en France à partir de janvier 2019.

franceinfo : Vous vous félicitez de ce jugement ?

Ségolène Royal : En effet cette décision d'un tribunal californien est une décision magistrale, historique, qui renverse le rapport de force entre une multinationale, qui jusqu'à présent niait le caractère extrêmement dangereux du Roundup dont le principe actif est le glyphosate, et qui enfin aujourd'hui est mis devant ses responsabilités.

Le gouvernement a décidé d'interdire le glyphosate d'ici 2021, c'est une bonne chose selon vous ?

Ce n'est pas tout à fait la réalité. Moi je suis particulièrement fière des députés qui ont voté pour l'interdiction du glyphosate au 1er janvier 2017, dans les jardins publics et dans les cours d'écoles notamment. Le glyphosate est interdit en vente libre. Et dans quatre mois, au 1er janvier 2019 le glyphosate, le Roundup sera interdit totalement pour les particuliers. Et cela, ça a été voté dans la loi qui a été adoptée en 2015.
Par ailleurs, aujourd'hui il y a un gros problème européen. Parce que le gouvernement, certes, a limité dans le temps mais a reconduit l'utilisation du glyphosate [pour les professionnels] alors qu’au nom de la France j'avais voté contre la réautorisation du glyphosate avec d'autres pays européens. Donc le glyphosate était bloqué puisqu'il y avait eu un délai de 10 ans pour cette entreprise pour mettre sur le marché des produits de substitution. Malheureusement il y a eu un recul puisque le gouvernement l'a réautorisé pour 3 ans. Il y a des lobbys puissants, comme les multinationales, qui dès qu'on arrive à l'échéance de l'interdiction, font pression.

Vous dites avoir travaillé malgré la pression des lobbys, elle se manifeste comment ?

Elle se manifeste dans les arbitrages interministériels, elle se manifeste dans les pressions diverses et variées. Là, elle s'est manifestée dans le fait que le gouvernement reconduit pour trois ans l'autorisation du glyphosate, alors que cette autorisation était bloquée au niveau européen. Donc elle se manifeste aussi, comme l'a montré le tribunal de Californie, par le fait que Monsanto payait des experts pour faire des rapports qui disaient dire que le glyphosate n'était pas dangereux et n'était pas cancérigène. Donc il a fallu que le tribunal aille chercher des documents secrets, internes à l'entreprise pour démontrer que l'entreprise savait complètement que son produit était extrêmement dangereux et provoquait des cancers, pour condamner l'entreprise. Et ce mécanisme-là, il est également à l'œuvre dans les instances européennes. Et des experts sont payés pour dire le contraire de la réalité quant à l'atteinte à la santé publique d'un certain nombre de produits.

Que reste-t-il de votre action contre le glyphosate ?

Il reste qu'au 1er janvier le glyphosate sera interdit à la vente directe. Aujourd'hui quand vous allez dans une jardinerie, le glyphosate est enfermé dans un placard, et ne peut être vendu qu'en informant le consommateur de ses dangers mais dans quatre mois, au 1er janvier 2019, le Roundup sera interdit à la vente. Il faudra que la direction de la répression des fraudes veille à ce que il n'y ait pas un autre produit déguisé, comme on en voit déjà sur les étagères des jardiniers, qui s'appelle également le Roundup mais qui a changé de packaging pour faire croire que celui-ci n'était pas dangereux.

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