Des "avancées significatives", mais un retard législatif qui inquiète... Ce qu'il faut retenir du rapport annuel du Haut Conseil pour le climat
"Le cadre d'action publique évolue positivement." Le Haut Conseil pour le climat (HCC) a publié, jeudi 20 juin, son sixième rapport annuel. L'instance y évalue les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le réchauffement climatique. Les bons points sont visibles, avec toutefois des mises en garde sur des efforts à maintenir sur la durée, et à intensifier. Franceinfo résume ce qu'il faut retenir de ce document de plus de 200 pages.
La France est sur la bonne trajectoire pour tenir ses objectifs pour 2030 (mais pas forcément pour 2050)
Les émissions de gaz à effet de serre ont chuté de 5,8% en France en 2023, selon les chiffres du Citepa, l'organisme qui établit chaque année un inventaire national des émissions de gaz à effet de serre et polluants atmosphériques. Ce rythme "se rapproche pour la première fois" de celui attendu pour que la France atteigne "ses objectifs climatiques 2030", relève le Haut Conseil pour le climat, se félicitant des "résultats" et des "avancées significatives" des politiques publiques françaises pour le climat.
Globalement, "tous les secteurs ont respecté leur budget carbone", sauf ceux des déchets et des puits de carbone, note le rapport. L'agriculture, l'énergie, l'industrie et le bâtiment sont dans le vert. C'est également le cas pour le secteur des transports, même s'il n'a respecté "son budget carbone cumulé qu'en raison de la baisse des émissions due à la crise Covid". Pour celui des déchets, depuis 2016 les émissions "ne baissent plus et oscillent autour de leur niveau actuel". Il "doit inverser sa tendance à la hausse", prévient le HCC.
Malgré ces progrès notables, "l'attention doit désormais être portée sur le besoin de tenir le cap de la décarbonation dans la durée" car "l'alignement des politiques en place avec l'atteinte de l'objectif de neutralité carbone d'ici 2050 est actuellement insuffisant". Le HCC appelle à "renforcer les actions structurelles indispensables" pour y parvenir.
Quels leviers actionner ? La marge de progression est encore importante pour réduire les émissions dans le secteur des transports. Ils représentent environ un tiers des émissions françaises, loin devant l'industrie et l'agriculture (chacun à 19%). Le HCC relève qu'un détournement des Français de leur voiture pour se déplacer "n'a pas encore été observé", c'est pourquoi il attire l'attention sur l'importance de soutenir les véhicules électriques, même s'ils ne sont pas la solution miracle. "Une stratégie de mobilité longue distance, s'appuyant sur différents modes comme le train et les autocars, donnerait un cadre pour engager des mesures plus structurelles", écrit également l'instance indépendante.
Outre les transports, le HCC rappelle que le développement de la rénovation énergétique des bâtiments ou le déploiement des énergies renouvelables peuvent agir comme des leviers structurants.
Les retards de plusieurs textes importants posent problème
Afin de mener des actions structurantes et concertées, des feuilles de route sont nécessaires. En ce sens, la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) est cruciale puisqu'il s'agit du plan global de la France pour réduire ses émissions et parvenir à la neutralité carbone en 2050. Sauf que sa troisième version, la SNBC-3 (aussi appelée SNBC 2030), a été retardée par le gouvernement.
Il en va de même pour le troisième Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC) et la troisième Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). "Le retard de plus d'un an dans la publication des documents cadres relatifs à l'énergie et au climat entraîne des dérives de calendrier et un manque de clarté", déplore le Haut Conseil pour le climat, qui exprime "une vive préoccupation sur ces délais qui fragilisent la crédibilité de la politique climatique de la France".
"Les incertitudes principales concernent la faible visibilité de long terme sur le déploiement de la production des énergies renouvelables en complément du nucléaire, en raison du retard dans l'élaboration de la PPE."
Le Haut Conseil pour le climatdans son rapport annuel 2024
Ces retards sont regrettables car il faut agir de façon planifiée dès que possible afin de tenir les objectifs climatiques à l'horizon 2030 et 2050. Quant à l'adaptation, elle doit s'organiser et se mettre à jour au plus tôt "pour anticiper les caractéristiques à venir d'un climat qui se réchauffe vite". De fait, l'Europe se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale depuis les années 1980. C'est le continent qui s'est réchauffé le plus rapidement ces quarante dernières années, selon l'Agence européenne pour l'environnement (AEE).
Au final, les retards de ces textes, qui posent des cadres de référence, sont problématiques car ils retardent la protection des ménages et des entreprises face à l'intensification des impacts du changement climatique, insiste le HCC.
Les puits de carbone dans le rouge
Le Haut Conseil pour le climat soulignait déjà dans son rapport annuel 2023 la situation délicate des puits de carbone, ces écosystèmes qui absorbent le CO2 présent dans l'atmosphère. Dans le document 2024, l'alerte se fait plus insistante. Le HCC relève un "affaiblissement très important du puits de carbone forestier", qui se retrouve "fragilisé par le changement climatique". En cause : les feux de forêt, les fortes chaleurs extrêmes, la sécheresse et les parasites.
"La mortalité exceptionnelle des écosystèmes forestiers et l'augmentation des prélèvements ont entraîné une division par deux du puits de carbone forestier en France en dix ans."
Le Haut Conseil pour le climatdans son rapport annuel 2024
Outre le "dépérissement" du puits de carbone forestier, le HCC estime que ce qui est mis en œuvre actuellement pour régénérer les forêts françaises est "insuffisant". Il évoque un "besoin urgent d'un plan de renouvellement forestier" et pointe "un retard particulièrement important pris dans ce secteur".
Depuis le XIXe siècle, la température moyenne de la Terre s'est réchauffée de 1,1°C. Les scientifiques ont établi avec certitude que cette hausse est due aux activités humaines, consommatrices d'énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz). Ce réchauffement, inédit par sa rapidité, menace l'avenir de nos sociétés et la biodiversité. Mais des solutions – énergies renouvelables, sobriété, diminution de la consommation de viande – existent. Découvrez nos réponses à vos questions sur la crise climatique.
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