Augmentation de 20% de la surprime "catastrophe naturelle" en 2025 : "Le pas est extrêmement brutal", mais "inévitable", estime un spécialiste
"Le pas est extrêmement brutal", mais "inévitable", a estimé vendredi 29 décembre sur franceinfo Cyrille Chartier-Kastler, fondateur du cabinet Facts & Figures et spécialiste des assurances, alors que la surprime qui finance le régime des catastrophes naturelles sera augmentée à partir du 1ᵉʳ janvier 2025 de 12% à 20% en moyenne pour les habitations. L'arrêté est paru jeudi 28 décembre au Journal officiel.
L'objectif de cette hausse générale est de remettre à flot un système en déficit depuis 2015, d'après les professionnels. "On a changé complètement de paradigme en termes d'événements naturels en France" liés au changement climatique, explique Cyrille Chartier-Kastler. Les effets de la sécheresse sur les habitations coûtent cher aux assureurs : "Environ 2,9 milliards d'euros de coûts d'indemnisation pour l'année 2022", a-t-il précisé.
franceinfo : Cette hausse était inéluctable ?
Cyrille Chartier-Kastler : La hausse était inévitable. On a changé complètement de paradigme en termes d'événements naturels en France. On était historiquement sur un rythme d'environ un milliard à 1,5 milliard d'euros d'évènements naturels par an. Depuis maintenant une dizaine d'années, on est monté sur des niveaux de l'ordre de deux à trois milliards d'euros. Il faut savoir que chaque année, ce qui est encaissé par la Caisse centrale de réassurance au titre des événements naturels, c'est 1,9 milliard. On voit un écart entre ce qui est encaissé en termes de recettes et ce qui est désormais payé en termes d'événements naturels.
Le système était en déficit depuis 2015. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?
C'est parce qu'en fait, les événements climatiques ont un côté très erratique. Cette année, jusqu'à fin septembre, tout allait bien. Il n'y avait aucun événement naturel particulier. On avait l'impression de rejouer un peu l'année 2021 qui avait été très calme au niveau climatique. Et puis, tout d'un coup, début octobre, il y a eu les tempêtes Ciaran et Domingo, qui coûtent 1,3 milliard d'euros, puis les fortes pluies à partir de début novembre, des inondations importantes.
"Le climatique, c'est indéfini et jusqu'au 31 décembre, on ne connaît pas le coût de l'exercice."
Cyrille Chartier-Kastler, spécialiste des assurancesà franceinfo
Sans ces événements en 2023, la hausse n'aurait peut-être pas été aussi importante. En fait, la profession parlait historiquement d'une hausse de 12% à 18% et finalement, on est passé de 12% à 20%, ce qui est un pas extrêmement élevé. Il faut se rappeler que le précédent pas remontait à l'année 1980. On était monté de 9 à 12%.
Cette augmentation n'aurait-elle pas pu être lissée sur plusieurs années ?
Comme le climatique, c'est quelque chose qui se dérive progressivement dans le temps, on aurait pu imaginer une hausse pour passer graduellement de 12% à 14%, 18%, 20% sur plusieurs années. Là, le pas qui est fait est extrêmement brutal, ce qui aura une conséquence évidente sur la hausse des primes d'habitation début 2025. L'enjeu, c'est de renflouer un régime qui encaisse de fortes pertes. Mais si ça se trouve, 2024 sera une année climatiquement calme.
Sans cette augmentation, le risque financier aurait été pour qui ?
Le risque finalement aurait été pour l'État. C'est l'État français qui se porte garant de la solidité financière du régime des catastrophes naturelles. Maintenant, ce régime lui-même fait l'objet de réassurances. Il y a des provisions qui sont gérées sur le très long terme.
Les catastrophes liées au réchauffement climatique risquent de se multiplier dans les prochaines années. Cette surprime risque-t-elle encore d'augmenter ?
Le gros risque qui coûte le plus, c'est la sécheresse : environ 2,9 milliards d'euros de coûts d'indemnisation pour l'année 2022. En 2023, on est davantage sur des événements liés au vent et à la pluie. Mais ce qui pèse très lourd sur le régime, c'est la sécheresse depuis pas mal d'années, avec des étés qui sont très secs, donc des terres argileuses qui se contractent énormément, des hivers humides, les terres argileuses qui se gonflent. Il y a eu beaucoup de pavillons construits sur une terre argileuse avec des fondations trop faibles. Ces pavillons travaillent, se fissurent et ça coûte très cher à la profession.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.