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"8 à 10 milliards" d'euros pour sauver les forêts : "Ce qui est recommandé en partie dans ce rapport n'est pas acceptable", dénonce un ingénieur forestier

Le rapport "Objectif forêt", présenté mercredi 26 juillet par le ministère de l'Agriculture, propose une enveloppe de 8 à 10 milliards d'euros pour renouveler les forêts dans les dix prochaines années.
Article rédigé par franceinfo
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Sylvain Angerand, ingénieur forestier, coordinateur des campagnes pour l’association Canopée. (Association Canopée)

"Ce qui est recommandé en partie dans ce rapport n'est pas acceptable", a dénoncé ce jeudi sur franceinfo Sylvain Angerand ingénieur forestier, coordinateur des campagnes pour l’association Canopée. Le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, a présenté ce mercredi dans le Loiret les conclusions du rapport "Objectif forêt", qui propose une enveloppe de "8 à 10 milliards d'euros" sur dix ans pour renouveler les forêts françaises particulièrement touchées par les canicules et la sécheresse du fait du dérèglement climatique.

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Sylvain Angerand, qui a participé, avec France Nature Environnement et le WWF, aux travaux pour l’écriture de ce rapport, dénonce "un entêtement du ministre de l'Agriculture" qui privilégie, selon lui, de "grandes coupes rases, puis des plantations". Mais, "si vous rasez la forêt d'un seul coup, vous allez avoir une montée en température" et "vous accélérez le changement climatique", a-t-il expliqué. Il recommande de "planter les arbres dans une petite trouée".

franceinfo : Nos forêts sont particulièrement vulnérables ?

Sylvain Angerand : On se rend compte qu'avec les premiers effets du changement climatique, davantage d'arbres meurent. On a une forêt qui croît moins vite et on a effectivement des événements de type incendies qui se multiplient. Donc on a une forêt plus fragile. C'est une tendance effectivement qui se structure depuis plusieurs années. Et les projections climatiques montrent que ça va continuer à s'amplifier. Après, toute la question, c'est de se dire jusqu'où et dans quel scénario on va se placer. La forêt, elle a ceci de spécifique, c'est que, à la fois, il va falloir l'adapter au changement climatique, mais selon la façon dont on va l'adapter, elle va plus ou moins accélérer le changement climatique parce que la forêt stocke du carbone. Si pour l'adapter, vous la rasez et vous replantez des essences, en fait vous accélérez le changement climatique. C'est tout l'enjeu du débat aujourd'hui.

À quoi vont servir ces 8 à 10 milliards d'euros pour la forêt ?

Pour l'instant, ce n'est qu'un rapport qui n'est pas produit par le gouvernement, mais par un groupe de travail, qui a été remis au ministre de l'Agriculture et qui doit après amener un plan. Aujourd'hui, c'est très orienté vers la plantation d'arbres. Or, en forêt, la plantation d'arbres n'est qu'un des éléments de la palette technique du forestier. Il y a des opérations qui sont bien moins lourdes pour la forêt, qui peuvent être efficaces, du type éclairci, c'est-à-dire qu'on va couper juste quelques arbres. Les deux paramètres en forêt, c'est la température et la sécheresse. 

Si vous rasez la forêt d'un seul coup, vous allez avoir une montée en température. On s'en rend compte l'été, quand on se balade, il fait plus frais à l'intérieur de la forêt qu'à l'extérieur. On recommande de planter les arbres dans une petite trouée. Et ce rapport, malheureusement, il passe à côté de ça.

Sylvain Angerand

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Il a tendance à privilégier de grandes coupes rases, puis des plantations. On se rend compte que même les jeunes arbres meurent. L'année dernière, 40% des plantations sont mortes parce qu'elles sont faites en plein soleil. La coupe rase qui est le sujet de cristallisation du débat doit être réservée à quelques cas lorsque tous les arbres sont morts, pourquoi pas, mais quand juste quelques arbres sont morts, faire une coupe rase, c'est abusif. Pire encore, lorsque l'on suppose juste que les arbres vont mourir et que l'on va raser la forêt, c'est ce qui est recommandé en partie dans ce rapport, ce n'est pas acceptable pour la biodiversité et pour le carbone.

Emmanuel Macron avait indiqué vouloir renouveler de 10 % la forêt en plantant un milliard d'arbres en dix ans, ce n'est pas forcément la bonne solution selon vous ?

En tout cas, ce n'est pas le seul et bon indicateur. Aujourd'hui, on ne parle que de plantations d'arbres. Il aurait été plus intéressant de parler, par exemple, de surfaces de forêt restaurées. On ne va planter que là où les arbres sont morts et pas là où les arbres sont vivants. Aujourd'hui, on rase des forêts vivantes pour planter de nouveaux arbres. Quand on fait ça, souvent, on simplifie l'écosystème. On avait une forêt qui était diversifiée. On va planter une ou deux essences d'arbres. Ça n'a rien à voir avec une forêt qui est existante. On a vraiment besoin d'améliorer les forêts existantes et d'éviter la coupe rase au maximum. Cela doit être le dernier recours. Quand vous allez voir le médecin, on ne commence pas à vous dire, on va vous amputer un membre. On essaye de vous soigner. Aujourd'hui, cette stratégie passe à côté de ça, en particulier parce qu'on a un entêtement du ministre de l'Agriculture.

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