COP26 : après l'accord entre la Chine et les Etats-Unis, comment les deux plus gros pollueurs au monde peuvent-ils agir en faveur du climat ?
La Chine et les Etats-Unis ont conclu mercredi une déclaration conjointe sur le renforcement de leur action climatique, et la première rencontre virtuelle entre les présidents des deux pays devrait avoir lieu lundi. Mais quelle est vraiment la marge de manœuvre de ces deux super émetteurs de gaz à effet de serre ?
A première vue, il s'agit d'un texte vague et non contraignant. Mais, à lire entre les lignes, l'accord surprise annoncé en marge de la COP26 de Glasgow (Ecosse), mercredi 10 novembre, entre la Chine et les Etats-Unis, ravive l'espoir d'une action diplomatique à la mesure du défi climatique. Les deux premiers émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre (GES) s'engagent à relever leurs ambitions en matière d'émissions tout au long de cette décennie, conformément aux objectifs de l'accord de Paris, qui vise un réchauffement limité "en deçà" de 2 °C d'ici à 2100 par rapport à l'ère pré-industrielle, et si possible à 1,5 °C.
Pékin et Washington promettent d'œuvrer pour "une issue ambitieuse, équilibrée et inclusive" sur la question de l'adaptation ou encore du soutien financier aux pays pauvres et s'engagent à coopérer dans le domaine de la lutte contre la déforestation et de la limitation des dégagements de méthane.
Surtout, cet accord extirpe in extremis la politique climatique du bourbier diplomatique dans lequel les deux puissances s'enlisent depuis des mois. Il replace aussi la Chine au cœur des discussions après le tollé suscité par l'absence remarquée à la COP26 du président chinois Xi Jinping et le flot de critiques consécutif à la publication des nouveaux engagements – jugés presque unanimement "décevants" – de l'Empire du Milieu : un pic des émissions d'ici 2030 et la neutralité carbone d'ici à 2060.
L'enjeu de la dépendance au charbon
A elle seule, la Chine est responsable de 26% des émissions mondiales actuelles de CO2. Selon un rapport du think tank Carbon Tracker*, plus de 350 centrales à charbon sont en construction en Chine, où la part du charbon dans son mix énergétique était de 57% en 2019. Un chiffre conséquent à mettre toutefois en perspective : en 2009, ce taux s'élevait à 70%*. Dans le même temps, la part des énergies renouvelables est passée de 7 à 15%. En mars 2021, la Chine a publié le détail de sa politique de réduction de la part des énergies carbonées, promettant de faire grimper ce taux de 25% en 2025.
Mais en arrivant à la COP, le même pays annonçait l'augmentation immédiate de sa consommation de charbon pour faire face à sa demande d'électricité. Car le pays connaît depuis plusieurs mois de gigantesques coupures de courant, dans de nombreuses provinces. En cause : la reprise économique post-Covid-19, qui booste la demande en énergie, sans que le développement des renouvelables – qui s'est pourtant encore accéléré en 2020 – suffise à y répondre dans les temps. "Ces dernières années, en matière de lutte contre les émissions, ça a été deux pas en avant, un pas en arrière", décrit à franceinfo Li Shuo, président de Greenpeace Chine. Soucieux "de ne pas dresser un tableau idyllique" de son pays, dont il fustige "les ambitions très insuffisantes", il considère comme un atout la capacité de la Chine à se transformer au pas de course.
"La décarbonation, ce à quoi nous nous sommes tous engagés, nécessite une profonde transformation économique, sociale et politique. Et rapidement", prévient le militant. Or, "il y a trente ans, la Chine se trouvait sur le même plan que certains pays africains. Aucun autre pays n'a connu une transformation comparable à cette vitesse. Peut-on seulement répliquer cette expérience dans l'optique d'un développement qui soit durable pour la planète ?", demande Li Shuo, prompt à ajouter qu"aucun grand pays n'agit à la hauteur de l'enjeu".
"La Chine annonce des ambitions modestes, mais elle les tient"
Conscients de l'ampleur du défi, les Chinois ont d'ailleurs obtenu que l'accord signé avec Washington maintienne l'objectif d'une augmentation maximum des températures moyennes globales "inférieure à 2 °C". Ceci alors que les déclarations à Glasgow des Occidentaux plaident pour une hausse maximum de +1,5 °C, tel que recommandé par les experts du Giec. Alors que la présidence du sommet a érigé en objectif ce chiffre de 1,5 °C, ce bémol chinois vient jeter un froid sur cette fin de COP26. "La Chine annonce des ambitions modestes, mais elle est certaine de les tenir, nuance Li Shuo. Les Etats-Unis appartiennent quant à eux au camp des pays qui sur-promettent et sous-réalisent."
Côté réformes et transformations de la société, Joe Biden n'a pour l'instant pas grand-chose à faire valoir. Son immense plan sur les infrastructures – "Built back better", "reconstruire en mieux" – clé de voûte de sa politique environnementale, est coincé aux portes du Congrès. Son ambition : investir des milliers de milliards de dollars* pour réduire à l'horizon 2030 les émissions de GES de 50 à 52% par rapport aux niveaux de 2005. Un objectif impossible à atteindre tant que 83% de l'énergie consommée dans le pays provient des énergies fossiles. Car si, en 2019, la part du renouvelable dans le mix énergétique américain s'élevait à 16%, ce taux n'a pris que trois points par rapport à 2008, au tout début de l'ère Obama... et de l'âge d'or de l'exploitation du gaz de schiste.
Beaucoup de billets verts
Les Etats-Unis sont par ailleurs appelés à mettre la main au portefeuille à hauteur de leurs émissions de GES. Les Etats-Unis sont en effet responsables de 25% des émissions totales de GES depuis le début de l'ère industrielle (devant la Chine, à 14%). A ce titre, les pays riches – les Etats-Unis en tête – doivent aider les plus vulnérables à s'adapter aux conséquences du réchauffement climatique. Mais les efforts fournis ne sont pas à la hauteur. A Glasgow, les Etats-Unis ont juste rappelé la promesse de porter à 11,4 milliards l'aide climatique aux pays les plus pauvres, soit la multiplication par six des précédents engagements.
Car le pays part de très loin. Entre 2016 et 2020, le départ de l'accord de Paris des Etats-Unis, à l'initiative de Donald Trump, avait contribué à faire échouer la promesse d'allouer chaque année 100 milliards de dollars aux pays en développement. Dans le détail, en 2019, les Etats-Unis ne s'étaient engagés à verser que 600 millions de dollars à des projets en lien avec le climat dans des pays du Sud, contre près de deux milliards pour la France, et plus de quatre côté allemand, selon le calcul du Financial Times*. La question du financement doit être un point crucial pour juger du succès ou non de l'accord obtenu à Glasgow. Reste à savoir si le géant sera au rendez-vous ou s'il se contentera d'un simple succès diplomatique avec la Chine.
* Tous ces liens mènent vers des contenus en anglais.
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