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Greenpeace dépose un recours contre l'Etat français : "On doit tout tenter" contre le réchauffement climatique

Jean-François Julliard, le directeur général de Greenpeace France, estime que le recours déposé contre la France pour non respect de ses engagements en matière de lutte contre le réchauffement climatique va au-delà du symbole.

Article rédigé par franceinfo
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Jean-François Julliard, le directeur général de Greenpeace France, à Thionville, le 27 février 2018. (JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP)

Avec le recours en justice qu'elles déposent contre l'Etat français, quatre ONG entendent forcer la France à respecter enfin "la bonne trajectoire" dans la lutte contre le réchauffement climatique, a expliqué mardi 18 décembre sur franceinfo le directeur général de Greenpeace France, Jean-François Julliard. Face à l'urgence climatique, ce recours juridique - qui a déjà fonctionné aux Pays-Bas - pourrait contraindre la France à "rehausser son ambition en matière de lutte contre le dérèglement climatique", alors que notre pays est en retard sur ses propres engagements, selon Greenpeace.

franceinfo : Est-ce qu'on est là dans une action purement symbolique avec ce recours juridique contre l'Etat ?

Jean-François Julliard : Non, on n'est pas dans une action purement symbolique, on est là pour gagner ce recours juridique. Une demande préalable indemnitaire a été déposée hier, un recours en contentieux sera déposé au mois de mars. Il y a un vrai fondement juridique, car la France, comme tous les pays de la planète, est concernée par le dérèglement climatique. À ce titre, la France a pris des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de développement des énergies renouvelables, de réduction de sa consommation d'énergie, sauf que la France ne respecte pas les engagements qu'elle a pris elle-même. Et aujourd'hui, on reproche à la France une série de carences fautives dans la lutte contre le dérèglement climatique parce qu'elle ne respecte pas ses propres engagements. C'est pour cette raison qu'on se tourne vers le tribunal administratif, qui, on l'espère, va condamner la France et lui imposer de prendre toutes mesures utiles pour qu'enfin la France soit sur la bonne trajectoire.

En novembre, François de Rugy, le ministre de la Transition écologique, avait estimé que ce n'était pas devant les tribunaux qu'il fallait régler cette question. Est-ce que c'est vraiment l'endroit pour le faire ?

C'est l'un des endroits pour le faire, oui. On a beaucoup travaillé depuis 20 ans dans les fameuses conférences mondiales pour le climat, dont la COP 24 qui vient de se terminer en Pologne, mais aujourd'hui on a besoin d'aller plus loin, de tenter autre chose. Ce levier juridique a fonctionné dans d'autres pays. Aux Pays-Bas, il y a eu une procédure à peu près similaire et qui a donné raison à ceux qui l'ont lancée, le gouvernement des Pays-Bas a été condamné à rehausser son ambition en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Ça se passe aussi dans les tribunaux, et la France doit aussi avoir une réponse face à ce recours juridique.

Concrètement, quels engagements pris par l'Etat français ne sont pas respectés ?

Dans le domaine des énergies renouvelables, la France a pris l'engagement d'atteindre 23% de part d'énergie renouvelable à l'horizon 2020. On en est à 16% aujourd'hui, fin 2018. Donc sauf si l'Etat nous prouve qu'il peut, en un an, rattraper le retard pris, on n'y croit pas beaucoup. Ensuite, la France augmente en 2016 et en 2017 ses émissions de gaz à effet de serre dans tout un tas de domaines, notamment dans le transport et l'agriculture. Il y a besoin de réduire ces émissions de gaz à effet de serre, mais la France n'est pas sur cette trajectoire-là.

C'est plus facile d'attaquer les Etats que les multinationales ?

Non ce n'est pas plus facile, ce sont deux démarches qui sont complémentaires et nécessaires. Les entreprises ont souvent des engagements qui sont de l'ordre de leur activité professionnelle, de leur business. Aujourd'hui, attaquer un Etat donne une ampleur supplémentaire. Ce sont les Etats qui négocient à la COP [conférence de l'ONU sur le climat], ce sont les Etats qui prennent des engagements pour protéger la population, pour protéger l'environnement.

Mais, vous le dites souvent, les COP sont décevantes ?

C'est aussi pour ça qu'on attaque en justice. Ça fait plus de 20 ans qu'on a, chaque année, des COP qui sont absolument décevantes et qui ne sont pas à la hauteur des enjeux. Il y a quelques semaines, on a entendu tous les experts du climat qui ont rehaussé d'un cran l'alerte scientifique sur le climat, nous disant qu'on avait 12 ans aujourd'hui pour faire quelque chose, et que sinon on se savait pas dans quel état la planète allait être d'ici 15 ou 20 ans, donc on doit tout tenter aujourd'hui. Et ça passe aussi par des recours juridiques pour contraindre l'Etat à prendre des mesures et des politiques publiques qui vont dans la bonne direction.

Avec le mouvement des "gilets jaunes", on a parfois entendu une opposition entre fiscalité écologique et pouvoir d'achat. Craignez-vous que toute fiscalité verte soit désormais taboue ?

Non, il n'y a pas que la fiscalité verte dans les mesures écologiques à prendre, et nous, on a beaucoup entendu dans la bouche des "gilets jaunes" un soutien à une transition écologique, mais une transition qui soit juste, équitable, redistributive, qui ne soit pas au détriment des plus démunis. Et à travers ce recours, c'est aussi cela que l'on veut porter, car on ne pourra pas réussir si on a une transition écologique qui est injuste. Il faut savoir que les plus démunis, dans le monde, sont aussi ceux qui sont les plus victimes de ce dérèglement climatique. Donc il ne faut pas opposer les deux, absolument pas.

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