COP28 : "Le nucléaire redevient une solution" pour éviter les énergies fossiles, assure un spécialiste des matières premières et de l'énergie
"Le nucléaire redevient une solution" pour éviter les énergies fossiles, assure samedi 2 décembre sur franceinfo Philippe Chalmin, professeur d’histoire économique à l’université Paris-Dauphine et spécialiste des matières premières et de l’énergie. Une vingtaine de pays, dont les Etats-Unis, la France et les Emirats arabes unis, ont appelé samedi à tripler les capacités de l'énergie nucléaire dans le monde d'ici 2050 par rapport à 2020, pour réduire la dépendance au charbon et au gaz. Selon Philippe Chalmin, il faut s'appuyer sur des énergies de "transition" et "se battre pour le nucléaire en Europe".
franceinfo : Vendredi, depuis Dubaï, Emmanuel Macron a appelé à la fin du charbon dans les grands pays développés. Vœu pieux pour 2030 ?
Philippe Chalmin : Certainement, mais tout dépend ce que vous entendez par grands pays développés. Le problème du charbon, c'est avant tout celui de l'Inde et de la Chine. Mais dans les pays du G7, il y a encore quand même une exploitation charbonnière importante. Aux États-Unis, ils sont d'ailleurs des exportateurs nets de charbon. En Europe, rappelons quand même qu'il y a toujours du charbon et même pire, de la lignite, que ce soit en Allemagne et en Pologne.
Mais nous sommes quand même sur la fin du charbon en Europe, et on peut imaginer que le charbon va décliner assez rapidement aux États-Unis. Donc, effectivement, il n'y aura pratiquement plus de charbon vers 2040 dans les pays du G7. Le problème majeur, il reste celui de l'Inde et de la Chine qui, eux, sont toujours en train d'investir dans des centrales à charbon pour satisfaire leurs besoins en électricité.
Dans un pays comme la Pologne, c'est 70% de l'électricité qui provient du charbon. L'Allemagne promet qu'elle sortira en 2030 du charbon grâce à 40 milliards d'euros pour financer la transition. Est-ce juste une histoire de volonté politique ?
Disons qu'il est clair que le charbon, en Allemagne comme en Pologne, continue à jouer un rôle important, y compris, soyons honnêtes, un rôle social. Et puis, si on enlève le charbon, il faut le remplacer. Les énergies renouvelables, c'est bien, mais cela a quand même le défaut, pour l'instant, de rester intermittent. Il y a de fortes chances que si le charbon décline vraiment, notamment en Allemagne, ils le remplaceront par le gaz naturel. C'est moins polluant que le charbon, mais ça reste quand même une énergie fossile.
Est-ce que le nucléaire revient réellement à la mode au niveau mondial ?
Au niveau mondial, c'est peut-être un petit peu excessif. Ce qui est clair, c'est que pour un certain nombre de pays qui en ont les capacités technologiques, qui d'autre part, présentent un environnement géopolitique stable, le nucléaire redevient aujourd'hui une solution. En revanche, le nucléaire, par son coût, par les exigences qu'il implique en termes de sécurité, que celle-ci soit technologique et géopolitique, le nucléaire ne peut être une solution que pour quelques pays qui en ont les capacités. C'est le cas en Europe, donc il faut se battre pour le nucléaire en Europe, dans les pays du G7. Cela peut être le cas pour la Chine. L'Inde n'y est pas encore.
"Il y a énormément de pays dans le monde qui n'ont ni les capacités techniques et technologiques, ni les garanties de sécurité suffisantes pour que l'on puisse y développer le nucléaire. Le nucléaire, c'est quand même quelque chose de beaucoup plus complexe et de beaucoup plus dangereux que ne l'est une vulgaire centrale à charbon."
Philippe Chalmin, professeur d’histoire économique à l’université Paris-Dauphineà franceinfo
Est-ce que des pénuries au niveau de l'approvisionnement en uranium son à craindre ?
Non, parce que les réserves en uranium, au niveau de la planète sont quand même très importantes. Alors oui, actuellement le principal producteur d'uranium, c'est le Kazakhstan, mais il y a des potentiels d'uranium dans des pays comme le Canada. Je dirais que le problème n'est pas au niveau de l'uranium. On voit par exemple ce qui se passe autour de la centrale de Zaporijia, en Ukraine. On se rend bien compte que le nucléaire est quelque chose d'extrêmement dangereux qu'on ne peut pas mettre dans toutes les mains. Je dirais même qu'aujourd'hui, construire des centrales nucléaires dans le golfe Arabo-Persique, c'est dangereux dans la mesure où nous sommes dans une zone dans laquelle la guerre n'est pas exclue.
Cette COP a déjà étonné avec son premier accord sur le fond des dommages climatiques au premier jour. Est ce que vous pensez qu'elle peut nous surprendre sur la promesse de fin des énergies fossiles dans le traité final ?
Non, je pense que, comme à Glasgow, on va dire qu'il faudra tendre vers la fin des énergies fossiles. Il n'y aura pas d'engagement en tant que tel et de toute manière, la question est beaucoup plus compliquée. J'espère, par exemple, que l'on arrivera à décréter la fin du charbon, ce serait important. On aura toujours besoin, quand même, du gaz naturel, comme énergie de transition. Donc tendre vers la fin des énergies fossiles, pourquoi pas ? Je ne suis pas sûr que la COP ira vers une déclaration finale beaucoup plus contraignante.
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