Délit d'écocide : "Aura-t-on les moyens pour les poursuivre et les sanctionner ?", questionne l'avocat Arnaud Gossement
L'avocat spécialiste des questions environnementales dit attendre "des moyens" pour la justice. Selon lui, ces nouveaux délits supposent des juges spécialisés, en nombre suffisant, mais aussi des moyens d'enquête.
La ministre de la Transition écologique Barbara Pompili et le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti ont annoncé, dimanche 22 novembre, la création d'un délit d'écocide visant à prévenir et sanctionner les atteintes graves à l'environnement, dérivé d'une proposition de la Convention citoyenne pour le climat qui préconisait la création d'un crime d'écocide. Les ministres ont évoqué la création d’un délit général de pollution et d’un délit de mise en danger de l’environnement.
"Ces deux délits annoncés par les ministres sont intéressants" mais la Justice "attend des moyens", réagit sur franceinfo Arnaud Gossement, avocat spécialiste des questions environnementales, lundi 23 novembre. "La vraie question est de savoir si ce seront des délits de papier ou est-ce qu'au contraire, on aura les moyens pour les poursuivre et les sanctionner", ajoute-t-il.
Enterrement du crime d'écocide (pour un délit sans aucun rapport), des limites planétaires et du parquet national spécialisé.
— Arnaud Gossement (@ArnaudGossement) November 22, 2020
Mais : @barbarapompili et @E_DupondM annoncent la création très intéressante de deux nouveaux délits environnementaux #Thread https://t.co/yLP4uhCa0B
Des juges trop peu nombreux
Arnaud Gossement salue le fait de "spécialiser des juges sur le droit de l'environnement". Mais selon lui, les juges "ne sont pas en nombre suffisant. Aujourd'hui, la quasi-totalité des poursuites n'aboutit pas à des sanctions, mais plutôt à des transactions". Il souligne que "c'est beaucoup plus facile de rédiger une transaction avec l'auteur d'un fait de pollution plutôt que d'aller jusqu'au procès. Cela dégage du temps de magistrat."
Ces nouveaux délits supposent également "des moyens d'enquête et des moyens pour la défense", explique Arnaud Gossement. "Beaucoup d'actions sont engagées par des associations de défense de l'environnement. Cela a un coût. Qui va supporter ce coût ?", s'interroge-t-il. Il se demande aussi "comment aider" ces associations. "Quels sont les moyens qui sont alloués aux associations pour avoir une défense qui soit la plus pertinente possible, en face d'autres acteurs économiques qui peuvent avoir les moyens de se défendre de manière tout à fait incomparable ? Plus généralement, l'avocat pointe une justice "qui a déjà du mal à poursuivre les infractions pour les biens et pour les personnes."
"Quand est-ce qu'on va donner à la justice les moyens pour s'occuper de la nature ? Aujourd'hui, on est encore loin du compte."
Arnaud Gossement, avocatà franceinfo
Arnaud Gossement fait remarquer par ailleurs "qu'il ne faut pas penser que la réponse pénale est la seule réponse. La formation, l'éducation, la sensibilisation, le dialogue, l'écoute sont autant de missions extrêmement importantes pour aider les acteurs économiques". À ce sujet, il souligne que "certains acteurs économiques, lorsqu'ils sont à l'origine de cette pollution, c'est aussi parce qu'ils ont des difficultés sociales et économiques qui peuvent être très importantes. Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur les entreprises."
Mais l'avocat espère que "le délit de mise en danger de l'environnement va peut-être les amener à réfléchir". Pour certaines entreprises "minoritaires qui font un calcul atroce qui consiste à dire 'est-ce que je vais gagner de l'argent en violant le droit de l'environnement', on peut espérer que ce soit en voie de disparition."
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