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Mort de Balou : inceste et consanguinité, les deux plaies des ours des Pyrénées

L'ours Balou représentait le principal espoir pour apporter un peu de diversité génétique dans la population des ours des Pyrénées et mitiger le règne sans partage d'un mâle dominant : Pyros.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'ours Pyros au pied des Pyrénées. Illustration. (PASCALE BOUDEVILLE / FRANCETV INFO)

Un mâle de moins dans les Pyrénées : l'ours Balou, réintroduit dans le massif en 2006, a été retrouvé mort lundi 9 juin près de Melles. Une perte qui vient souligner une situation préoccupante pour les ours dans la région

Outre le nombre restreint d’individus, un facteur en particulier menace leur survie,  : leur "fort taux de consanguinité", pointé par Faune sauvage, la revue technique de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), dès septembre 2007 (PDF). Francetv info vous présente la drôle de famille qui vit dans les Pyrénées.

Pyros, père de (presque) tous les ours

Le mâle Pyros est le père de 24 des 28 oursons identifiés dans le massif entre 1997, date des premières naissances après les réintroductions d’ours slovènes, et 2012, selon un rapport du Muséum d'histoire naturelle rendu au ministère de l’Ecologie fin janvier (PDF)

Le règne de Pyros sur les Pyrénées centrales, du sud de la Haute-Garonne au sud de l'Ariège, et, côté espagnol, du Val d'Aran à la frontière d'Andorre, est sans partage. Il a conçu sa descendance avec deux ourses et avec les filles de l'une d'elles, mais aussi avec ses propres filles et avec sa petite-fille, Caramellita, donnant lieu à un arbre généalogique quelque peu complexe.

Lorsqu'il vivait en Slovénie, Pyros était déjà un mâle dominant. Il n'a pas changé de tempérament depuis son lâcher à Melles (Haute-Garonne) en 1997. "Pendant ses dix premières années dans les Pyrénées, il n'y a eu aucun autre mâle dans son secteur. On a pensé qu'il les avait chassés. Ou peut-être, pour certains, qu'il les avait tués", explique à francetv info François Arcangeli, président de l'association Pays de l'Ours-Adet et conseiller régional écologiste de Midi-Pyrénées. Car Pyros est une force de la nature : 235 kilos à sa capture. "Un gros spécimen", confirme le défenseur de l'ours. Débarrassé de la concurrence, Pyros a eu seul accès aux femelles.

Caramelles et Hvala, les principales reproductrices

Pyros n'est pas le seul responsable de cette consanguinité. Afin de repeupler les Pyrénées en ours, huit plantigrades slovènes, mâles et femelles, ont été réintroduits : trois en 1996 et 1997 et cinq en 2006. Mais seuls quatre d'entre eux ont fait des petits. Ce "nombre réduit d’individus fondateurs", comme les appellent les scientifiques, renforce le phénomène, analyse le Muséum.

Ainsi, en 2013, quatorze ours adultes vivaient dans les Pyrénées centrales. Parmi eux, huit femelles. Las, la majorité descendent de Pyros et seules quatre ont donné la vie à des oursons. Depuis sa naissance en 1997 dans les Pyrénées, Caramelles a déjà eu six portées, toutes avec son père Pyros. Et Hvala, reconnaissable à sa bosse sombre sur le dos et à ses pattes plus foncées que le reste du corps, a eu neuf petits depuis 2007 (dont sept avec Pyros), au rythme d’une portée tous les deux ans. Pas de quoi apporter plus de diversité dans le patrimoine génétique des ours pyrénéens.

La relève pas encore assurée

Le règne de Pyros touche à sa fin. A 26 ans, un âge avancé pour un ours, le mâle dominant mais vieillissant voit arriver de nouveaux prétendants au rôle de géniteur. "Depuis quelques années, certains mâles qui avaient quitté le territoire de Pyros sont revenus", précise le président de l'association Pays de l'Ours-Adet. Il y a notamment Moonboots - qui doit son nom à la largeur de ses empreintes - et Bonabé. Problème : Pyros est à la fois leur père, leur grand-père, voire leur arrière-grand-père.

Seul Balou, un ours slovène lâché en 2006, reconnaissable au collier émetteur qu'il porte encore, était susceptible d'apporter de la diversité génétique dans les Pyrénées. Il détenait le deuxième plus grand territoire dans le centre du massif, à l'est de celui de Pyros. Las, il est mort sans descendants...

Une chose est sûre : le brassage des gènes ne viendra pas de la sous-espèce ours brun des Pyrénées. Cannelle était la dernière femelle. Un chasseur l’a abattue en 2004. Avant de mourir, elle a bien eu un descendant, Cannellito. Mais cet ours a hérité des gènes de son père : un mâle slovène, Néré. Et aujourd'hui, père et fils vivent isolés dans le Béarn, loin de toute femelle. "Côté Pyrénées occidentales, la situation est désespérée", résume François Arcangeli.

La situation n'est pas près de s'arranger. Compte tenu de ces facteurs, le Muséum table sur "un accroissement de la consanguinité à moyen terme", d’ici "10-15 ans". Et, par conséquent, sur une augmentation des "risques génétiques" et de leurs "effets".

"Cette situation est susceptible de réduire les capacités de survie des jeunes, d’adaptation à de nouvelles conditions de vie et de fécondité des femelles", détaille l'ONCFS. "A court terme, la consanguinité pourrait altérer la survie des ours", prédisent les équipes de suivi de l'espèce. Seule solution : la réintroduction de nouveaux individus.

Les adversaires de l'ours, qui ne veulent pas en entendre parler dans les Pyrénées françaises, risquent d'être pris à revers par un lâcher côté espagnol. Les autorités catalanes ont en effet monté un projet qui prévoit l'introduction d'un ours mâle au printemps 2015.

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