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Dans les Pyrénées, un bras de fer entre la justice et les éleveurs autour de "l'effarouchement" des ours bruns

Neuf arrêtés préfectoraux ont été suspendus par la justice administrative, qui estime que les conditions pour cette méthode d'éloignement des prédateurs ne sont pas réunies. 

Article rédigé par Etienne Monin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2min
Un ours brun dans les Pyrénées près de Melles, capturé par un piège photographique de l'association Pays de l'Ours en 2020. (PAYS DE L'OURS / AFP)

Au total, neuf arrêtés préfectoraux ont été suspendus par la justice administrative, dont deux par le tribunal de Toulouse, le 31 août dernier. Ces arrêtés autorisaient une intervention pour éloigner les ours bruns des troupeaux, dans deux secteurs de l’Ariège, une demande faite par les éleveurs depuis le début de l'été. Ce qui alimente les tensions, c'est la méthode d'éloignement choisie : l'effarouchement. Une méthode institutionnalisée par l'Etat en 2019, mais dénoncée par les associations de défense de l’ours brun parmi lesquelles l’association Pays de l’Ours-Adet, dont Alain Reynes est directeur, qui condamne le fait "d'intervenir directement sur les animaux".

"Le pire, c'est évidemment les balles en caoutchouc, parce que potentiellement, ça peut blesser un animal. Il y a aussi un risque de séparation d'une femelle avec les oursons de première année par exemple."

Alain Reynes, association du Pays de l'Ours-Adet

à franceinfo

L'an passé, les ours ont tué 570 bêtes, et cet été les éleveurs les accusent d'avoir provoqué la mort de 45 moutons, qui ont chuté d'une falaise. "Il faut recréer de la peur chez cet ours, et on la recrée avec l'effarouchement, explique Philippe Lacube, président de la chambre d’agriculture en Ariège. Ce n'est pas une mesure miraculeuse, mais quand même un effarouchement lumineux, un effarouchement avec des pétards...Vous croyez qu'une balle non létale, qu'un peu de plomb dans le cul d'un ours, ça va lui faire si mal que ça ?"

Neuf arrêtés suspendus par la justice

L’effarouchement est interdit en France, sauf en cas de dérogation. C’est ce que les éleveurs ont demandé à la préfète de l’Ariège, et qu'ils ont obtenu. Mais la situation a créé un bras de fer assez étonnant, entre la préfète qui a pris des arrêtés d'effarouchement à tour de bras et le tribunal administratif qui les a suspendus les uns après les autres.

Ces neuf arrêtés ont été attaqués par l'association One Voice, dont Muriel Arnal est la présidente. "Les arguments sont imparables, la justice est passée, et malgré cela, la préfète n'a pas respecté cette décision de justice, pour faire plaisir aux éleveurs qui sont vent debout mais qui font aujourd'hui de l'élevage industriel, détaille-t-elle. Nous ne sommes plus sur le pastoralisme d'antan qui respectait la nature et qui respectait les animaux."

De son côté, la justice estime que les conditions pour justifier un effarouchement ne sont pas réunies. 70 ours bruns ont été recensés dans les Pyrénées : ils sont considérés comme animaux en danger critique d’extinction.

La difficile cohabitation entre les ours et les éleveurs dans les Pyrénées : reportage d'Etienne Monin

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