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Assemblée générale de TotalEnergies : le groupe français "se place hors du bien commun", déplore un économiste

Maxime Combes dénonce "une inadéquation entre ce que fait TotalEnergies et les recommandations des climatologues du GIEC."
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Les locaux de TotalEnergie à La Défense. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS)

"TotalEnergies se place hors du bien commun, hors des objectifs qui visent à maintenir les conditions de pérennité, d'habitabilité de la planète", estime vendredi 26 mai sur franceinfo, Maxime Combes, économiste à l'Observatoire des multinationales et ancien membre d'Attac, alors que l'Assemblée générale de TotalEnergies se tient ce vendredi sous haute tension. Le premier groupe français a obtenu en 2022 des résultats record en engrangeant près de 5 milliards d'euros. Des ONG de défense du climat appellent à bloquer l'Assemblée générale. Des militants ont forcé vendredi des barrages de sécurité pour atteindre la salle Pleyel à Paris où se déroule l'Assemblée générale. Selon l'économiste, "il y a une inadéquation entre ce que fait TotalEnergies et les recommandations des climatologues du GIEC. Les investissements dans les énergies fossiles vont continuer à être prépondérants. 70% de ces investissements d'ici à 2030 resteront dans les énergies fossiles", a-t-il regretté.

franceinfo. Comprenez-vous que TotalEnergies soit contrainte de se barricader pour tenir son AG ?

Maxime Combes. TotalEnergies pendant des années a minoré, voire fait comme si le risque climatique n'existait pas. Ça a duré très longtemps dans les années 70-80-90, au début des années 2000. Aujourd'hui, TotalEnergies fait comme si elle pouvait continuer à investir massivement dans les énergies fossiles, comme s'il était possible d'aller toujours extraire plus de pétrole et de gaz. Les investissements de TotalEnergies dans les énergies fossiles vont rester primordiaux. En fait, il y a une inadéquation entre ce que fait TotalEnergies et les recommandations des climatologues du GIEC qui montre qu'il faut laisser des énergies fossiles dans le sol. À partir de là, effectivement, il y a un hiatus entre la communication du groupe, la réalité de ces investissements et ce qu'en attend d'une partie de l'opinion publique.

TotalEnergies affirme être de plus en plus vert en investissant notamment dans les énergies renouvelables. Ce n'est pas le cas ?

Les investissements dans les énergies renouvelables de TotalEnergies augmentent, mais ils restent trop faibles. Ils ne représentent aujourd'hui qu'un tiers de ce que TotalEnergies met à disposition de ses actionnaires en termes de rémunération. Par ailleurs, les investissements dans les énergies fossiles vont continuer à être prépondérants. 70% de ces investissements d'ici à 2030 resteront dans les énergies fossiles, si bien que la production de pétrole et de gaz de TotalEnergies va continuer à augmenter, sans doute de plus de 8% d'ici à 2030. Pourtant, le rapport de l'Agence internationale de l'énergie montre très clairement que si l'on veut rester sur une trajectoire d'un degré et demi, il faut réduire pas simplement la consommation, mais la production de pétrole et de gaz de 3 à 4% par an chaque année dans les prochaines années. En fait, TotalEnergies se place hors du bien commun, hors des objectifs qui visent à maintenir les conditions de pérennité, d'habitabilité de la planète et attire donc la vindicte de celles et ceux qui considèrent qu'effectivement, il faut avoir des politiques climatiques qui soient à la hauteur des enjeux.

Finalement, d'un point de vue économique, Total pourrait-elle se désengager vraiment ?

II y a plusieurs scénarios. Il y a le scénario qui consiste à laisser TotalEnergies faire ses choix tout seul dans son coin. On voit que ça ne marche pas puisque TotalEnergies va augmenter sa production de pétrole et de gaz. Il y a la possibilité de demander gentiment aux actionnaires de voter des résolutions climat plus ambitieuses. On verra bien si ça fonctionne aujourd'hui. Cela n'avait pas fonctionné l'année dernière. Il y a effectivement un autre type de scénario qui consiste à dire que finalement, chaque euro investi par TotalEnergies concerne notre avenir commun collectif à tous. Et dans ce cas-là, effectivement, il y a un hiatus. On a l'impression que finalement, ce sont des choix d'investissement d'une entreprise privée sur lesquels les pouvoirs publics n'auraient rien à dire, alors que ces investissements privés vont avoir des conséquences extrêmement fortes sur la réalité dans laquelle nous allons toutes et tous vivre. Du coup, cela plaide plutôt pour que les pouvoirs publics aient un droit de regard, puissent intervenir dans ces choix d'investissement d'une entreprise privée. On a quelque chose qui est de nature problématique parce que nous n'avons ni les outils juridiques ni les outils économiques pour des pouvoirs publics, en plus du manque de volonté politique d'intervenir dans les choix d'investissement de grandes entreprises.

Si TotalEnergies arrête toutes les énergies fossiles, d'autres majors du pétrole le feront. Vous comprenez cet argument du groupe français ?

Effectivement, il faut une réponse mondiale qui soit à la hauteur des enjeux. Elle n'est pas là aujourd'hui. Mais cela ne dédouane aucunement TotalEnergies ni les pouvoirs publics français de leur propre responsabilité. La question qui se pose aujourd'hui pour TotalEnergies, ce n'est pas simplement d'augmenter ses investissements dans les énergies renouvelables. Du point de vue du climat, que TotalEnergies investisse ou pas dans les énergies renouvelables, ça n'a aucun effet. Ce qui compte, ce sont les investissements qui sont maintenus dans les énergies fossiles et ceux-là sont totalement excessifs. La question, c'est de savoir si effectivement, on laisse TotalEnergies faire ce qu'elle veut ou est-ce qu'on agit à la fois sur les niveaux de consommation en France en essayant d'intervenir favorablement du point de vue des pouvoirs publics pour offrir des alternatives aux déplacements et à l'usage immodéré du pétrole et du gaz, mais également du point de vue de la construction de l'offre de pétrole et de gaz, c'est-à-dire sur les choix d'investissements de ces grandes multinationales. La plupart de ces grandes multinationales sont européennes, donc il y a une possibilité d'intervenir, mais il faut s'en donner les moyens.

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