10 ans après "la tempête du siècle", est-on mieux armé contre les rafales ?
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Des prévisions plus fines ?
Les météorologistes ne peuvent toujours rien contre la force du vent. Mais ils peuvent de mieux en mieux la prévoir et l'annoncer.
En 1999, dès le 23 décembre, Météo France lance un simple avis de tempête. Le 24, elle parle de "fortes rafales" et de "très fortes vagues". Le 26, spectacle de désolation. Polémique : les météorologues sont à côté de la plaque !Pourtant, selon le service national de météorologie, "la première tempête était bien prévue, tant en trajectoire qu'en timing, mais son intensité fut sous-estimée". Pourquoi ? Parce qu'"un phénomène pareil n'avait aucune référence dans les archives". Concrètement, les logiciels qui modélisent les phénomènes météorologiques ne pouvaient pas envisager des vents à plus de 160 km/h à l'intérieur des terres.
Depuis, les modèles se sont améliorés. Les mesures sont plus précises. On sait mieux, par exemple, utiliser les données recueillies par les "profileurs" (ce sont les instruments qui mesurent le vent en altitude). Un site internet a même été créé les veilleurs du temps, pour collecter, en temps réel, les observations visuelles des particuliers, en cas d'évènements météorologiques. Après tout, rien ne vaut parfois passer la main par la fenêtre, pour savoir s'il pleut !
Résultat : les prévisions s'affinent, d'année en année. Selon les statistiques de Météo France, la prévision à 4 jours est aujourd'hui aussi fiable qu'à 3 en 1998. Ou encore, l'erreur moyenne de prévision à 24 heures de la position du centre d'un cyclone tropical est de 100 km contre 200, il y a dix-huit ans !
Reste qu'aussi perfectionnés soient-ils, ces instruments et modèles numériques ont des limites. Selon les ingénieurs de Météo France, la prévisibilité intrinsèque d'une tempête serait de l'ordre d'un ou deux jours, par moins...Outre la prévision affinée, le système d'alerte a complètement changé. C'est de cette double "tempête du siècle" qu'est née la fameuse vigilance météorologique. Une carte en quadrichromie, graduant la gravité du phénomène attendu. Vert et jaune : RAS. Orange, attention ! Rouge, aux abris ! Il suffit d'annoncer la couleur : tout le monde comprend.
Cependant, ce sont rarement les vents qui font virer la teinte de la carte. Depuis Lothar et Martin, Météo France n'a déclenché qu'une fois l'alerte rouge, pour une tempête, Klaus, le 24 janvier dernier. Alerte avec quatorze heures d'avance. Ce qui permettra de fermer les aéroports à temps. De stopper les trains. D'interdire même totalement la circulation dans l'Aude.
_ Klaus fera malgré tout 12 morts et des millions d'euros de dégâts. De l'avis des prévisionnistes, ce fut un moindre mal.
Lire (en cliquant sur l'image) le dossier complet "1999... 2009 : d'une tempête à l'autre" réalisé par Météo France.
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Une forêt plus résistante ?
Les forestiers ne se remettent toujours pas du choc des passages de Lothar et Martin. L'inventaire des dégâts est catastrophique. En l'espace de deux jours, l'emblématique parc du château de Versailles est par terre. En Lorraine, sept années de récoltes sont bousculées, soit 20 millions de m3 de bois. Dans le Sud-Ouest, ce sont plus de 230.000 hectares de forêts qui sont dévastés.
_ Selon l'ONF, les cours du bois, qui se sont effondrés dès le lendemain de la tempête, n'ont jamais retrouvé leur niveau d'avant 1999.Néanmoins, après avoir pleuré leurs arbres centenaires, forestiers et bûcherons ont retroussé leurs manches et privilégié la "régénération naturelle". Il s'agit de laisser les essences indigènes se ressemer toutes seules.
_ Priorité aussi à la diversification : plus le boisement est hétérogène, mieux il résiste au vent. Au lieu de soigner des forêts uniformes, où pas une tête ne dépasse, on plante côte à côte des arbres d'âges, de tailles et de races différents, qui laissent passer les rafales, au lieu de faire paravent et de s'écrouler comme un château de cartes.Malgré ces efforts, les bois mettront 40 à 60 ans à retrouver leur aspect d'avant 1999. Mais, selon l'ancien conservateur du bois de Vincennes, si une nouvelle tempête comme Lothar devait arriver, les bois seraient "mieux armés qu'à l'époque".
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Un réseau électrique moins fragile ?
En 1999, au plus fort de la crise, 3 millions 450.000 foyers se retrouvent privés d'électricité. Des coupures qui vont durer trois semaines. À tempêtes équivalentes, saurait-on faire mieux aujourd'hui ? Pas sûr.
Le débat sur l'enfouissement ou non des lignes électriques est toujours vif. Le cas de la France est particulier, en Europe, puisque son réseau est majoritairement aérien, quand 80% des lignes sont souterraines en Allemagne et 50% en Angleterre.
Certes, le pays depuis 1999 a enterré plusieurs dizaines de milliers de kilomètres de lignes, à moyenne tension essentiellement, mais il reste 1,3 million de kilomètres de câbles suspendus à des pylônes, vulnérables aux coups de vent.Pour autant, l'enfouissement en France est loin d'être considéré comme la panacée. Car il coûte cher et les câbles deviennent alors sensibles aux glissements de terrain, tremblements de terre ou simples inondations. Or, une fois enfouies, réparer les lignes,devient plus laborieux en cas de panne.
Alors à défaut d'enterrer, on sécurise. D'abord les fils. On remplace les fils nus des lignes à basse tension par des câbles isolés torsadés. En cas de grosses rafales ou de chutes d'arbres, si les câbles se touchent, ça ne provoque pas de court-circuit.
On sécurise enfin les pylônes : RTE (Réseau de transport d'électricité) affirme avoir installé les trois quarts des pylônes "anti-cascades" , prévus d'ici à 2013, sur les lignes à très haute tension. En cas d'avarie, ils permettraient de limiter le risque d'effet "château de cartes".
_ L'objectif : que chaque point de livraison des clients RTE soit raccordé au réseau par au moins une ligne capable de résister à des vents tels que ceux de 1999.En attendant, selon ERDF, qui gère le réseau électrique, "on réalimente aujourd'hui deux fois plus de clients en deux fois moins de temps". À défaut de pallier la casse, on accélère la réparation.
_ Depuis l'automne 2000, en effet, EDF a mis sur pied la Force d'Intervention Rapide Électricité (Fire). Elle compte une cohorte de 150 personnes par région, du personnel d'alerte, mobilisé en cas de besoin.
D'autre part, EDF s'est doté d'un parc de milliers de groupes électrogènes "de réserve", capable chacun de réalimenter un village, le temps de réparer le réseau.De quoi, selon EDF, gérer le mieux possible la tempête Klaus de janvier dernier... même si tout le monde (en particuliers, la site écologique et citoyen Voie militante) n'est pas d'accord.
Cécile Quéguiner
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