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En Indonésie, la famille enfin réunie, 10 ans après le tsunami

La famille Rangkuti était sans nouvelles de deux de ses enfants depuis le tsunami du 26 décembre 2004. Mais les parents ont toujours voulu croire que Raudhatul, 4 ans à l’époque, et Arif, 7 ans, avaient survécu. La famille, qui vit sur l’île de Sumatra, en Indonésie, a finalement retrouvé les deux enfants disparus, l’été dernier. Dix ans après le passage de la vague meurtrière.
Article rédigé par Sébastien Baer
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
  (La famille Rangkuti au complet devant leur maison (Arif à gauche et Raudhatul à droite) © photo Sébastien Baer / RF)
  (La famille, qui vit sur l’île de Sumatra, en Indonésie © S.Baer / RF)

Pour rencontrer la famille Rangkuti, il faut emprunter une piste défoncée par les intempéries, les glissements de terrain. A cause du tsunami, les Rangkuti ont tout perdu. Alors ils sont partis s'installer dans un tout petit village, au milieu de l'île de Sumatra, là où le père de famille a grandi, à mille kilomètres de leur ancien village. Ils habitent dans une maison modeste, au milieu d'une forêt de palmiers. Et c'est dans cet environnement qu'ils ont attendu, patiemment, des nouvelles de leurs enfants. Sans jamais perdre espoir explique Jamaliah, la mère de famille.

 

"Mon instinct de mère me disait que les enfants étaient vivants, quelque part, que quelqu'un les avait sauvés. Chaque jour, je priais Dieu, pour les retrouver. Tout cela ressemble à un rêve, mais c'est la réalité".

Jamaliah : "Mon instinct de mère me disait que les enfants étaient vivants"
  (Leur fille avait été baptisée Wennie par sa mère adoptive © S.Baer / RF)

Retrouvailles

C'est l'oncle maternel de Raudhatul qui a reconnu la jeune fille. Il l'a croisée alors qu'elle rentrait de l'école, dans un village pas très éloigné de celui où elle vivait avec ses parents, avant le tsunami. L'oncle l'a prise en photo. Et en découvrant l'image, Septi -le papa- n'a eu aucun mal à reconnaître sa fille, aujourd'hui âgée de 14 ans.

 

"C'était ma fille, avec la même attitude, la même façon de se tenir assise, comme quand elle avait 4 ans. Quand on s'est retrouvé, j'en ai eu vraiment la certitude car j'ai reconnu la tâche de naissance qu'elle a, sous le pied. On s'est aussi rendu compte qu'elle se souvenait du terrain de volley qui se trouvait près de notre ancienne maison, là où on habitait, avant le tsunami. Donc ça a levé tous les doutes. Vous savez, je n'ai jamais perdu espoir de retrouver mes enfants, j'avais le sentiment qu'ils étaient en vie et que quelqu'un s'en occupait, quelque part".

 

Septi : "C'était ma fille, avec la même attitude"

Après les retrouvailles -début août, la jeune fille a expliqué son parcours. Elle a été recueillie par une femme, avec qui elle a vécu pendant 10 ans, tout près de l'endroit où vivait la famille. Elle avait été baptisée Wennie par celle qui était devenue sa mère adoptive.

  (Arif, 17 ans, vivait dans une petite ville de l'ouest de Sumatra © S.Baer / RF)

Deuxième "miracle"

Quinze jours plus tard, c'est leur fils que les parents Rangkuti vont retrouver. Grâce à l'appel à témoin qu'ils lancent à la télévision, après la découverte de leur fille. Un couple le reconnaît sur une photo d'époque.  Arif, 17 ans, vit dans une petite ville de l'ouest de Sumatra. Il est sans abri. Et le dernier souvenir qu'il garde, quand on l'interroge aujourd'hui, c'est cette énorme vague qui l'emporte, ce 26 décembre 2004.

 

"Il y a eu un tremblement de terre, ma maison s'est effondrée et j'ai été emporté par le tsunami. Après, des gens m'ont aidé mais il ne me traitait pas bien alors je me suis enfui. Je dormais dans la rue, devant les magasins, je n'allais pas à l'école. Quand j'avais faim, je mendiais de la nourriture ou bien de l'argent. Je suis content d'avoir retrouvé ma famille. Quand j'ai eu ma mère au téléphone, je lui ai dit 'maman, viens me chercher, je veux aller à l'école et dormir dans un lit".

Arif : "Il y a eu un tremblement de terre, ma maison s'est effondrée et j'ai été emporté par le tsunami"
 

Là encore, les parents ont la certitude que le garçon est bien leur fils. Ils ont reconnu une cicatrice sur l'arête de son nez, conséquence d'une chute pendant l'enfance.

 

Réunis 10 ans après

 

La famille s'est réunie au grand complet pour la première fois depuis 10 ans à la mi-août, dans le village où la famille s'est réfugiée après avoir tout perdu. Et pour Raudhatul, la fille de 14 ans, ces premiers moments n'ont pas été très simples à vivre.

 

"C'était dur de changer de famille parce que mon ancienne mère, c'est celle qui m'a élevée. C'est elle qui s'est occupée de moi pendant 10 ans, donc elle était triste que je parte et moi aussi. Elle me manque et je ne l'ai revue qu'une seule fois... En plus, la première fois, je n'ai pas reconnu mon père et ma mère".

Raudhatul : "C'était dur de changer de famille"

 

Quatre mois se sont écoulés depuis que la famille est réunie. Il va falloir un peu de temps pour retisser les liens, pour effacer ces 10 années de séparation. Mais Jamaliah, la maman qui s'occupe de la petite épicerie installée devant la maison, considère que ça va déjà mieux.

 

"Avant qu'il nous retrouve, Arif était instable, turbulent, sauvage. Depuis, il s'est calmé. On lui apporte de la stabilité et il s'intègre bien dans la famille. Maintenant, il va à l'école. Pour notre fille, c'est pareil. La première fois que je l'ai vue, elle était traumatisée, effrayée. C'est comme si elle n'avait plus goût à la vie. Mais depuis ça va mieux, elle a repris confiance en elle".

 

Jamaliah : "Avant qu'il nous retrouve, Arif était instable, turbulent, sauvage"
  (Désormais, les Rangkuti s'investissent pour aider les parents qui se trouvent dans la même situation qu'eux. © S.Baer / RF)

Soutenir les autres familles

Désormais, les Rangkuti s'investissent pour aider les parents qui se trouvent dans la même situation qu'eux. Rien qu'en Indonésie, 1.500 enfants auraient été séparés de leurs parents après le tsunami. Beaucoup ont depuis retrouvé leur famille, mais pas tous. Et c'est à eux que Jamaliah veut venir en aide.

 

"Quand on a été réunis, des parents qui cherchent leurs enfants sont venus nous voir. On leur a dit de ne pas perdre espoir. J'ai essayé de les motiver. Je suis persuadée que de nombreux enfants du tsunami sont vivants mais que l'on ne sait tout simplement pas où ils se trouvent. Pour certains, cela pourra prendre 20 ans peut-être, mais ils les retrouveront. Nos enfants sont bien plus précieux qu'une montagne d'or".

Jamaliah : "Je suis persuadée que de nombreux enfants du tsunami sont vivants"

 

Plus tard, Raudhatul aimerait bien devenir institutrice, Arif, le garçon, veut être soldat. La famille Rangkuti est au grand complet. Les deux enfants rescapés du tsunami ont découvert en arrivant dans la famille l'été dernier leur petit frère, âgé de 8 ans.

Pas question, pour l'instant, pour les parents de réaliser des tests ADN. Ils n'en ont pas vraiment les moyens, et de toute façon, ils n'en voient pas l'intérêt.

 

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