Cet article date de plus d'onze ans.

Egypte : au moins 525 morts après l'assaut des camps des pro-Morsi par l'armée

Comme elle l'avait promis, l'armée a évacué les sit in des Frères musulmans au Caire. Une intervention violente qui a donné lieu à un véritable bain de sang dans la capitale égyptienne, mais également dans plusieurs provinces du pays. Un bilan officiel fait état de 623 morts, dont 43 policiers, selon le gouvernement, beaucoup plus selon les Frères musulmans. L'état d'urgence a été décrété.
Article rédigé par Pierrick de Morel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
  (Amr Abdallah Dalsh Reuters)

Après avoir longtemps menacé les Frères musulmans de faire évacuer leurs sit in par la force, l'armée égyptienne est passée à l'action mercredi. Une intervention qui a donné lieu à une nouvelle journée meurtrière.

Mobilisés depuis la destitution du président Mohamed Morsi au début du mois de juillet, les Frères musulmans avaient concentré leurs forces sur deux points de la capitale égyptienne : les places Rabaa al-Awadiya et Nahda.

Tôt dans la matinée, l'armée a lancé l'assaut sur les campements où les pro-Morsi étaient retranchés avec femmes et enfants. Des bulldozers ont commencé à enfoncer les barrages de fortune, et les militaires ont tenté de venir à bout de la résistance des manifestants avec des tirs à balles réelles et des gaz lacrymogènes.

623 morts et 3.572 blessés dans l'ensemble du pays

Deux heures après le début de l'opération, le ministère de l'Intérieur annonçait que la place Nahda était "totalement sous contrôle ". La place Rabaa al-Awadiya, le plus important des deux lieux de rassemblement, a finalement elle aussi été évacuée par la police en début de soirée. Des journalistes présents sur place ont raconté que cet épisode avait été également très violent.

Dans le même temps, les pro-Morsi répliquaient en s'en prenant à des églises coptes : au moins quatre édifices religieux ont été attaquées.

Les nouvelles de ce qui se passait au Caire n'ont pas tardé à se propager dans le reste du pays : mercredi soir, on recensait ainsi 41 morts dans la province de Minya (Moyenne Egypte), 35 dans le Fayoum (sud du Caire) ou encore 15 à Ismaïla.

Au total, le gouvernement a livré son bilan jeudi matin 623 morts, dont 43 policiers, et 3.572 blessés. Près de 200 personnes auraient été tuées au Caire.

Les Frères musulmans ont parlé de leur côté de près de 5.000 morts et plus de 10.000 blessés. Parmi les victimes, un journaliste de la chaîne britannique Sky News a perdu la vie. Un photographe de Reuters a également été blessé. 

Etat d'urgence

En fin d'après-midi, le gouvernement a fini par décréter l'état d'urgence, pour une durée d'un mois. Cette mesure a rapidement été suivie par l'instauration d'un couvre-feu, débutant à 19 heures et valable jusqu'à jeudi matin à 6 heures. Une mesure radicale et efficace selon la correspondante de France 24 au Caire Sonia Dridi :

Le calme a fini donc par revenir dans la capitale, et le journaliste de i> Télé Mathieu Cavada a constaté sur Twitter que les artères de la ville, d'habitude très embouteillées, étaient complètement vides mercredi soir.

La journaliste de France Info Perrine Mouterde, présente sur place, a dressé mercredi soir le bilan de cette journée sanglante, revenant sur les grands événements de ces dernières heures.

ElBaradei démissionne

Face à la vague de violences qui a traversé le pays, le prix Nobel de la paix et vice-président par intérim Mohamed ElBaradei a présenté sa démission dans l'après-midi. Dans une lettre (en arabe) adressée au président Adly Mansour, il a déclaré ne pouvoir "assumer les conséquences de décisions avec lesquelles il n'était pas d'accord ".

Mohamed Aboulgha, chef du parti dont est issu le Premier ministre intérimaire Hazem el Beblaou, a alors rapidement fait savoir qu'aucun ministre n'entendait quitter son poste après la décision des autorités égyptiennes de
disperser par la force les campements des partisans du président
déchu Mohamed Morsi.

Les Frères musulmans affaiblis

La journée de mercredi survient après un long bras-de-fer entre l'armée et la confrérie égyptienne. Mobilisés depuis la destitution de Mohamed Morsi, les Frères musulmans n'avaient cessé de réclamer le retour de "leur " président, avec souvent des manifestations violentes. En évacuant les sit in de Rabaa al-Awadiya et Nahda, l'armée a porté un coup à la capacité de résistance des Frères.

Deux des principaux dirigeants de la confrérie encore en liberté mercredi matin ont été arrêtés : il s'agit de Essam el Erian et de Mohamed el Beltagi. Ce dernier a même perdu sa fille de 17 ans, tuée dans l'assaut de la place Rabaa al-Awadiya. 

Malgré cette journée sanglante, la confrérie veut poursuivre sa mobilisation : elle a déjà appelé à des nouvelles manifestations.

Des élections en 2014 ?

Les réactions de la communauté internationale se sont succédé tout au long de la journée. Mercredi soir, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a qualifié l'intervention de l'armée de "lamentable ", et s'est inquiété de la tenue d'élections dans le pays. 

Une problématique à laquelle le chef du gouvernement intérimaire Hazem Beblawi a répondu dans la soirée, affirmant sa volonté de poursuivre la mise en oeuvre du processus qui doit conduire à des élections début 2014.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.