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Édito L'Angle éco : "Un monde sous surveillance, Orwell avait raison"

De la libéralisation de la consommation à la surveillance du consommateur, nous entrons dans la deuxième ère des technologies de l'information, celle du contrôle. François Lenglet pose la question : "Et si Georges Orwell avait raison ?"

Article rédigé par franceinfo - François Lenglet
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Des personnes utilisent des téléphones d'Apple, à Saint-Herblain (Loire-Atlantique), le 5 novembre 2012. (JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP)

L'entreprise la plus cool du monde, Apple, vient d'être à nouveau prise sur le fait : elle surveillait les salariés de ses magasins, sans les avoir prévenus, jusque dans les salles de repos. Dans l'entreprise, sur la voie publique, lorsque nous utilisons notre téléphone ou internet, nous sommes désormais espionnés. Bientôt, nous n'aurons plus jamais la certitude de ne pas être observés, quel que soit l'endroit de la planète où nous nous trouvons. C'est le deuxième âge des nouvelles technologies qui commence. Celui du contrôle.

Les technologies de l'information, c'est l'histoire du libéralisme des années 1990

Pendant trente ans, les technologies de l'information ont, au contraire, offert de la liberté à nos sociétés. Leur histoire se confond d'ailleurs avec l'extraordinaire essor du libéralisme, à compter du début des années 1980. L'un des premiers secteurs qu'ouvre à la concurrence Ronald Reagan, président des Etats-Unis élu en 1980, ce sont les télécommunications. L'éclatement d'ATT, le monopole américain, va libérer l'innovation et faire chuter considérablement les coûts. En Europe, l'invention de la norme GSM fera décoller l'usage du téléphone portable au milieu des années 1990. Au même moment, apparaît le "world wide web". Internet commence alors une gigantesque et silencieuse transformation du modèle économique de la distribution, de la banque, de la presse bien sûr, de la musique, du jeu vidéo, de l'édition, du transport...

Les nouvelles technologies de l'information abaissent les coûts, car elles suppriment les intermédiaires. Ou plutôt elles les transforment. Pour acheter un livre, on a moins besoin de l'intermédiaire classique qu'est le libraire, mais plus du livreur de colis. Ces outils révolutionnaires ont mis en présence la demande du monde entier avec l'offre du monde entier, pour tous les produits ou presque : le pouvoir et la liberté du consommateur n'ont jamais été aussi importants. Tout comme celui du citoyen. Les printemps arabes, et même la chute du Mur de Berlin, ne s'expliquent-ils pas, en partie au moins, par la diffusion de l'information via les satellites et ses avatars d'aujourd'hui ?

Moins de liberté ou plus de protection ?

Pourtant, cette ère de liberté semble s'achever sous nos yeux. Le consommateur est traqué, épié, analysé, au point que ses besoins et désirs sont désormais anticipés par les machines qui le sollicitent. Quant au citoyen, toutes les traces électroniques qu'il laisse à son insu permettent de connaître avec précision sa vie, ses habitudes, ses fréquentations. La liberté s'est insensiblement muée en asservissement, le secret en surexposition : Apple espionne ses vendeurs, les données privées de millions d'utilisateurs des réseaux sociaux sont désormais exposées au piratage, Google prépare des nanoparticules qui voyageront dans notre corps pour révéler aux assureurs les points faibles de notre santé...

Pourquoi un tel retournement ? Les nouvelles technologies n'ont pas d'inclination particulière, elles ne font que ce qu'on leur demande. Pendant un quart de siècle, on leur a demandé plus de liberté. Elles nous l'ont donnée. Aujourd'hui, la société semble leur demander plus de protection, de surveillance. Plus de sécurité et de contrôle à la fois. Elles vont une fois encore se soumettre à la demande qui leur est adressée, pour la satisfaire. 

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