Des dizaines de milliers d'opposants au régime yéménite ont manifesté jeudi dans le calme à Sanaa
"Nous poursuivrons notre lutte pacifique jusqu'à la chute de ce régime injuste" ont déclaré les orateurs du Forum commun, l'alliance de l'opposition parlementaire qui appelait à manifester.
Le président Saleh a annoncé mercredi qu'il ne briguerait pas de nouveau mandat, mais cela n'a pas suffi pour calmer l'opposition, qui réclame des réformes.
Les organisateurs de la manifestation à Sanaa estiment à 100.000 le nombre de manifestants dans la capitale. Il s'agit du plus grand rassemblement contre le régime du président Saleh, au pouvoir depuis 32 ans.
Le parti au pouvoir, le Congrès populaire général (CPG), a organisé une contre-manifestation sur la place al-Tahrir (place de la Libération). L'opposition avait prévu de manifester sur cette même place, qui porte le même nom que la grande place du Caire où se rassemble l'opposition égyptienne. Mais les partisans du CPG l'avaient investie tôt le matin.
Les protestataires ont alors changé de lieu, pour se rendre près de l'Université de Sanaa, dans l'ouest de la capitale yéménite. "Le peuple réclame un changement" de régime, clamaient les opposants à la politique gouvernementale.
L'opposition appelé à une "Journée de la colère" jeudi dans tout le pays. 16.000 Yéménites, inspirés par la Tunisie et l'Egypte, avaient déjà manifesté jeudi dernier à Sanaa pour réclamer le départ du chef de l'Etat.
Des centaines de manifestants à Aden
Des centaines d'opposants se sont rassemblés à Aden (sud), mais les forces de l'ordre les ont dispersé quand ils ont voulu défiler, tirant des balles réelles et des grenades lacrymogènes, selon le correspondant de l'AFP. Dans le même temps, une trentaine de militants séparatistes ont été arrêtés.
Des milliers de personnes ont également manifesté, certaines à l'appel du Mouvement sudiste pour réclamer l'indépendance du sud et d'autres à l'appel du Forum Commun pour réclamer le départ du président Saleh, dans différentes villes du sud du Yémen, notamment à Ibb et à Taez, selon l'AFP.
Le président annonce qu'il ne se représentera pas
Le chef de l'Etat yéménite, Ali Abdallah Saleh, a annoncé mercredi qu'il ne chercherait pas à briguer un nouveau mandat.
Confronté à des mouvements populaires hostiles, Ali Abdallah Saleh s'est engagé à ne pas transmettre les rênes du pouvoir à son fils, et a demandé en échange à l'opposition de suspendre ses manifestations et de reprendre le dialogue.
En vertu de la constitution, Saleh, au pouvoir depuis 32 ans, doit le quitter au terme de son mandat en 2013.
Il avait indigné l'opposition en 2010 en laissant entendre que la Constitution pourrait être modifiée pour lui permettre de se représenter sans limites. Le président Saleh a également appelé à la formation d'un "gouvernement d'union nationale".
Lors d'un discours devant le parlement, Ali Abdallah Saleh a, en outre, annoncé le report des élections législatives prévues pour le 27 avril et dont la tenue en l'absence d'une réforme politique était contestée par l'opposition.
"Je suis contre un renouvellement de mon mandat, et contre la transmission héréditaire du pouvoir", a déclaré Ali Abdallah Saleh, précisant qu'il demandait "le gel des amendements constitutionnels dans l'intérêt national".
Les Etats-Unis ont salué les "déclarations positives" du président yéménite. "Nous accueillons favorablement toutes les décisions du président Saleh faisant progresser politiquement le Yémen par des moyens non violents et démocratiques", a déclaré Philip Crowley, le porte-parole de la diplomatie américaine.
Situation explosive au Yémen
Le Yémen est la seule république de la péninsule arabique. Mais l'opposition dénonce la dérive autocratique et dynastique du régime. Au pouvoir depuis 1978, Ali Abdallah Saleh, 68 ans, a été élu une première fois en 1999 au suffrage universel direct pour un mandat de sept ans. Il a été réélu en 2006 pour un mandat qui arrive à expiration en 2013. L'opposition le soupçonne de vouloir transmettre le pouvoir à son fils aîné Ahmed, chef de la garde républicaine, unité d'élite de l'armée.
Le chef de l'Etat a multiplié les mesures sociales et économiques, dont une augmentation des salaires, face à la montée de la grogne populaire dans ce pays pauvre de 24 millions d'habitants. Il a ainsi annoncé lundi la création d'un fonds pour l'emploi des diplômés de l'université et l'extension de la couverture sociale à un demi-million de personnes, ainsi qu'une réduction de l'impôt sur le revenu.
Quatre tentatives d'immolation par le feu, dont un cas mortel le 20 janvier, ont été signalées au Yémen.
Le Yemen est en proie actuellement à un regain d'activité des islamistes radicaux, à des troubles séparatistes au Sud et à un soulèvement chiite dans le nord, le tout sur fond de pauvreté endémique. Un tiers des Yéménites souffrent régulièrement de la faim.
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