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Daech : la fabrique des "kamikazes"

Notre journaliste a enquêté sur le recrutement et le traitement de ceux qui deviennent kamikaze, prêts à mourir au nom de Daech.
Article rédigé par Elodie Guéguen
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Bilal Hadfi, kamikaze du Stade de France, il s'est fait explosé aux abords du Stade le vendredi 13 novembre © REX Shutterstock/SIPA)

Vendredi 13 novembre 2015. Pour la première fois, la France connaît des attentats-suicides sur son sol. Ce type d’action était pourtant redouté par les autorités depuis plusieurs mois. En juin dernier, un rapport parlementaire sur la surveillance des filières djihadistes décrivait comme une évolution marquante "le fait que les terroristes, du fait de leur endoctrinement, ont la volonté de mourir ." Toujours selon ce rapport, ce "terrorisme sans retour " implique des actions-suicides contre lesquelles il est particulièrement difficile de lutter.

Les experts le savent, dans les rangs de Daech, il y a une banalisation de l’utilisation des ceintures explosives. L’organisation Etat islamique a même, dès le début de la guerre en Syrie, "conceptualisé" ce type d’opérations avec un terme qui désigne un "candidat au martyr", qui, arme à la main, se rapproche de la foule ou d’une cible et déclenche sa ceinture d’explosifs, soit parce qu’il est encerclé, soit parce qu’il n’a plus de munition.

Daech aurait donc exporté de Syrie ce type d’opération-suicide en France, avec, on l’a constaté, des terroristes très préparés, extrêmement bien organisés. Pour les attaques de vendredi dernier à Paris, plusieurs commandos ont été recrutés. Dans ces groupes, il y a avait au moins sept candidats au suicide.

Des "listes d’attente" de candidats

L’organisation Daech s’en vante : dans ses rangs, les djihadistes, qu’ils viennent d’Europe ou du monde arabe, se bousculent au portillon pour mourir en martyrs. "Ce n’est pas de la propagande, c’est une réalité ", explique le chercheur Romain Caillet, spécialiste des mouvements djihadistes. "En Syrie et en Irak, il y a des listes d’attente de gens qui sont prêts à faire des opérations-suicides ! Ce sont aussi bien des jeunes de quartiers sensibles en France que des gens de bonne famille, aussi bien des personnes fortunées des pays du Golfe que des jeunes issus des quartiers déshérités de Tunisie ."

Si les origines et les profils de ces candidats aux attaques-suicides sont variés, ces djihadistes ont pour point commun d’être tous volontaires. Ils manifestent leur arrivée dans les rangs de Daech explique le journaliste de RFI David Thomson, auteur de Les français jihadistes (Editions Les Arènes). "On pose la question aux combattants : 'Voulez-vous être un combattant 'classique' ou un combattant pour une opération kamikaze ?'", raconte le journaliste. "Ensuite, ces djihadistes suivent une sélection particulière car l’Etat islamique ne peut pas se permettre de voir au dernier moment un kamikaze flancher. Il y va de sa crédibilité ."

Les futurs kamikazes seraient "mieux traités" par Daech

Les candidats aux opérations-suicides sont placés dans une "katiba", un camp d’entraînement spécifique. Ils recevront, comme les autres combattants, une formation théologique et ils suivront un entraînement militaire. Mais ils seront mieux encadrés psychologiquement, expliquent plusieurs spécialistes.

Ces candidats aux attaques-suicides seraient aussi plus respectés et mieux traités par les cadres de l’Etat islamique. C’est d’ailleurs peut-être aussi l’une des raisons qui motive ces djihadistes, estime le chercheur Romain Caillet.

L’enquête sur les attentats du 13 novembre 2015 devra déterminer comment est né le projet d’attaques-suicides à Paris et Saint-Denis. On sait déjà que la plupart des terroristes qui sont morts étaient passés par la Syrie. Il est fort probable qu’ils aient été soigneusement sélectionnés par Daech, il y a plusieurs mois déjà.

 

Comment Daech fabrique des kamikazes ? Enquête d'Elodie Guéguen pour France Info
 

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