Sur la route du convoi funéraire de Fidel Castro, une société cubaine en mutation
Les cendres de Fidel Castro arrivent samedi à Santiago, bouclant ainsi leur traversée de Cuba. Durant plusieurs jours, Gaële Joly a suivi le convoi pour franceinfo, à la rencontre d'une société cubaine, qui change lentement... mais sûrement.
Des visages à perte de vue, alignés sur les bords de la route. Paysans, écoliers en uniforme, médecins en blouse blanche... Tous ont un portable à la main et la photo de Fidel Castro dans l’autre. Tous viennent voir défiler le convoi transportant l’urne funéraire de l'ancien leader cubain, qui arrive samedi 3 décembre à Santiago de Cuba après quatre jours de route et 1 000 kilomètres parcourus depuis La Havane.
Les réformes économiques ont bénéficié à de nombreux Cubains
Les drapeaux s’agitent au passage du cortège. Les sourires se mêlent aux larmes. "C’est incroyable", réagit Amaury, submergé par l'émotion. Ce chauffeur de taxi a parcouru des centaines de kilomètres depuis La Havane : "Je savais qu’il y aurait du monde sur les routes... Mais à ce point-là ! Je ne pensais pas que les Cubains aimaient autant Fidel."
C’est tout le peuple cubain qui est dans la rue
Les mêmes scènes se répètent à chaque passage du convoi funéraire, sous la surveillance d’un hélicoptère. Fidel Castro n'est plus. Mais ceux qui sont venus l'acclamer se disent prêts à défendre coûte que coûte la révolution. "Il y a des gens qui n’y croient plus. Il y a aussi des contre-révolutionnaires. Mais il faut les convaincre, nous confie un Cubain à Santa Clara, à 300 kilomètres de La Havane. On a l’école gratuite, on a la santé gratuite. Personne ne paie rien dans notre pays."
Les petits-enfants de la révolution boudent le cortège
À quelques pâtés de maison, Fransisco se contente de regarder le convoi à la télévision, assis dans la cuisine de sa coquette maison d’hôte. Cette maison, il a pu l’acheter il y a deux ans grâce aux réformes économiques engagées par Raùl Castro. Les affaires sont florissantes. "C’est sûr qu’aujourd’hui, la vie est plus facile", acquiesce-t-il. Les cars de touristes affluent. Il pourra bientôt faire construire une belle terrasse dans son jardin en friche.
"Je peux me faire plaisir", commente Fransisco. "La semaine dernière, j’ai passé une semaine à Miami. Je vais à l'hôtel, au restaurant... Je travaille beaucoup. Mais ça en vaut la peine. Je suis beaucoup plus à l’aise économiquement", ajoute-t-il.
Dans les campagnes traversées par le cortège, le décor est resté figé dans le passé. À l’ombre d’un grand panneau rouillé à la gloire de Fidel Castro, Armando affirme lui aussi avoir profité de l'ouverture du régime. "Moi, ils m’ont donné une terre. L’État me l’a donnée, confie ce paysan. Avant, ça n’aurait pas été possible. Et maintenant, j’ai aussi le droit d’entrer en contact avec les touristes, de leur vendre des fruits." Il y a un an, Internet a même fait son apparition dans ce village.
Oui il y a des changements. Mais il faut qu’ils restent dans l’esprit de la révolution
Direction Camagüey, à 350 kilomètres de Santiago de Cuba, pour un nouveau passage du cortège funéraire. Sur la place, de jeunes Cubains ont boudé le convoi. "Moi, je préfère rester sur Internet", nous explique l'un des garçons. Accrochés à leur portable, ces petits-enfants de la révolution rêvent d’un avenir meilleur. "On n'a pas la liberté d’expression ici", nous souffle une autre femme à demi-mot.
"Moi je rêve d’une vie meilleure pour ma fille", explique Norma, qui préfère nous confier en anglais qu'elle souhaite quitter Cuba. Voilà trois ans qu'elle attend ses papiers pour rejoindre Miami, aux États-Unis : "Là-bas je pourrai travailler. On n’est pas si pauvre... Mais je veux plus pour ma fille." Peu importe s’il faut financer les études, peu importe s'il faut renoncer à la santé gratuite... Norma rêve de Floride, pendant que d'autres continuent d'agiter les drapeaux cubains au bord de la route. Les cendres de Fidel Castro seront mises en terre dimanche lors de ses funérailles.
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