Prisonniers politiques, droits de l'homme... Trois choses que Ségolène Royal semble avoir oubliées sur Cuba
Représentant la France aux funérailles de l'ancien président cubain, la ministre de l'Environnement a défendu le bilan de Fidel Castro, estimant qu'il y avait "de la désinformation" à ce sujet.
Ségolène Royal a essuyé une vague de critiques, dimanche 4 décembre, après avoir défendu le bilan de Fidel Castro. "Il faut savoir regarder les choses positivement même si ça dérange", a déclaré la ministre de l'Environnement devant des journalistes avant d'assister aux funérailles de l'ancien dirigeant cubain, mort à l'âge de 90 ans le 25 novembre.
1Pas de prisonniers politiques ?
Ce que dit Royal. "Il y a toujours du positif et du négatif dans les histoires, mais certains ne vont pas se rhabiller à bon compte au nom des droits de l'homme alors qu'on sait qu'ici, quand on demande des listes de prisonniers politiques, on n'en a pas. Et bien fournissez-moi des listes de prisonniers politiques, à ce moment-là on pourra faire quelque chose", a déclaré la numéro 3 du gouvernement.
Ce qui se passe. En janvier 2015, lors du réchauffement des relations entre les Etats-Unis et Cuba, le gouvernement cubain a libéré les dernières personnes officiellement détenues pour des motifs politiques. "Le gouvernement cubain nous a indiqué qu'il avait libéré les 53 prisonniers politiques qu'il s'était engagé à libérer", avait indiqué un haut responsable de l'administration américaine.
"Je suis prêt à lui [Ségolène Royal] fournir une liste immédiatement. Je crois qu'elle reprend les propos de Raul Castro, répondant à un journaliste lors de la visite de Barack Obama. Raul Castro avait répondu 'Donne-moi cette liste, je les fais libérer immédiatement'. On lui a fourni cette liste, mais les prisonniers croupissent toujours dans les geôles castristes", s'insurge sur franceinfo l'écrivain cubain exilé Jacobo Machover.
La Commission cubaine des droits humains et de la réconciliation nationale a recensé, dans son bilan annuel, plus de 8 600 militants et opposants au régime, placés en détention pour des motifs politiques.
2Un pays respectueux des droits de l'homme ?
Ce que dit Royal. "Je sais que ça dérange parce que justement voilà un pays insulaire qui protège son patrimoine, qui interdit les prédateurs, qui a réussi aussi à faire en sorte qu'il y ait une propreté, une sécurité vraiment remarquables, que l'on n'atteint pas dans beaucoup de pays qui donnent aujourd'hui des leçons de droits de l'homme."
Ce qui se passe. La sécurité est si efficace que l'on peut qualifier le régime d'autoritaire. Des opposants au régime ont été poursuivis, ou menacés de poursuites, pour des raisons politiques, au titre des lois relatives au "trouble à l’ordre public", à l’"outrage", au "manque de respect", à la "dangerosité" et à l’"agression", écrit Amnesty International dans son rapport annuel 2015-2016.
"La censure et la pression s’exercent aussi dans la culture", écrivait Le Monde, en décembre 2015. "Je vais vous prendre l'exemple d'un jeune homme qui est un graffeur. Il est actuellement en prison pour avoir écrit 'il est parti' quand on a appris la mort de Fidel Castro", renchérit l'auteur Jacobo Machover auprès de franceinfo.
Des musiciens cubains opposés aux dirigeants sont censurés, comme l'expliquait franceinfo, en mars. C'est le cas de Porno para Ricardo. "Ce groupe clandestin, aux chansons explicitement hostiles à Fidel Castro, existe depuis les années 1990. Ils ont été interdits sur les radios et à la télévision", détaille Ivan Darias Alfonso, journaliste et chercheur cubain. L'un des membres de la formation, Gorki Aguila, a même fait de la prison.
Dans un communiqué publié au lendemain de la mort de FIdel Castro, Amnesty International est implacable sur son bilan.
L’état de la liberté d’expression à Cuba, où les militants continuent d’être arrêtés et harcelés lorsqu’ils critiquent le gouvernement, est l’héritage le plus sombre de Fidel Castro.
3Une liberté religieuse ?
Ce que dit Royal. Interrogée sur les violations des droits de l'homme reprochées par l'ONU et l'opposition au régime cubain, Ségolène Royal a souligné au contraire l'existence sur l'île d'"une liberté religieuse" et d'"une liberté de conscience".
Ce qui se passe. L'ONG Christian Solidarity Worldwide rappelait (en anglais), en août, qu'il régnait toujours à Cuba de sérieuses violations de la liberté de religion ou de croyance. L'organisation dit en avoir recensé 1 606 en plus de six mois.
L'Observatoire des libertés religieuses souligne qu'à Cuba, une peine d'emprisonnement d'un an peut être prononcée "lorsque l'exercice du culte entre en conflit avec des domaines tels que l'éducation, les droits reliés au travail et la défense nationale".
Interrogée dimanche à propos de la polémique née après ses déclarations, Ségolène Royal a répondu que celle-ci était "déplacée" et qu'elle n'avait "pas lieu d'être". "Le jour des funérailles, je pense qu'il y a un respect à avoir à l'égard de tout un peuple et de tout un pays qui est en train justement de s'ouvrir et d'évoluer", a-t-elle précisé. Interrogée sur les violations des droits de l'homme reprochées par l'ONU et l'opposition au régime cubain, Ségolène Royal a déclaré que "ce problème-là doit être réglé, effectivement". Avant de conclure : "Je ne suis pas venue ici pour faire le bilan de la période de Fidel Castro, mais personne ne peut nier qu'il y a du négatif et du positif."
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