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A-t-on tout essayé contre la Corée du Nord ?

Alors que Pyongyang brandit de nouveau la menace nucléaire et que la Corée du Sud évoque une réponse militaire, francetv info revient sur les cartes déjà abattues et les pistes envisagées.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Photo non datée et non localisée du dirigeant de la Corée du Nord, Kim Jong-un, lors d'une réunion. Le cliché a été diffusé le 27 janvier 2013 par l'agence officielle nord-coréenne KCNA. (AP / SIPA)

Les Américains seront "écrasés" par des "moyens de frappe nucléaire". L'état-major de l'armée nord-coréenne n'a pas mâché ses mots pour annoncer, mercredi 3 avril, son projet d'opérations militaires contre les Etats-Unis, projet ratifié par Pyongyang. "La Corée du Nord devrait arrêter ses menaces provocantes et plutôt essayer de se conformer à ses obligations internationales", a répliqué la porte-parole du Conseil de sécurité nationale des Etats-Unis. Ces derniers avaient averti peu auparavant de l'envoi d'une batterie antimissile sur l'île de Guam, dans le viseur de la Corée du Nord. 

Lundi déjà, la présidente sud-coréenne, Park Geun-hye, avait évoqué une réponse militaire forte et rapide en cas de nouvelle provocation de Pyongyang. Le recours aux armes est-il la seule solution pour calmer la situation ? Francetv info revient sur les cartes déjà abattues et les pistes envisagées.

Adopter des sanctions en pagaille

L'ONU a adopté le 7 mars de nouvelles sanctions à l'encontre de la Corée du Nord après son essai nucléaire du 12 février. Elle ajoute ainsi un nouveau train de mesures après de nombreux précédents. Ces sanctions s'additionnent à celles prises par l'Union européenne, rapporte le quotidien La Croix, comme la surveillance des activités d’institutions financières européennes avec des banques domiciliées en Corée du Nord.

Des pays ont également pris leurs propres mesures, notamment après sept tirs d'essai de missiles de Pyongyang, en 2006. Le Monde explique que les Etats-Unis ont décidé le 11 mars d'entraver les activités de la banque du commerce extérieur de Corée du Nord, la principale banque de change de devises étrangères. De son côté, le Japon n'accorde pas de visas aux ressortissants nord-coréens depuis 2006. Un exemple parmi d'autres.

Quels effets ? Les sanctions visent soit l'isolement d'un pays soit un changement de politique. Mais elles sont peu efficaces car la Corée du Nord "est passée experte dans l'art de se procurer clandestinement de l'argent par le biais de trafics d'armes et de drogues et de fraudes diverses, non seulement pour financer ses programmes militaires mais aussi le style de vie opulent de ses dirigeants", écrivait en 2006 l'agence Reuters.

Du coup, ces mesures sont souvent critiquées. "Je ne crois pas que des nouvelles sanctions contre la Corée du Nord soient efficaces", a déclaré en février le vice-Premier ministre russe, rapportait alors l'agence russe Ria Novosti. De son côté, Nicolas Tenzer, spécialiste des questions internationales estime, sur le site Atlantico.fr que si elles sont nécessaires, leur portée reste limitée. Pire, il estime que "non seulement elles ne font pas fléchir les dictateurs, mais parfois renforcent aussi le soutien d'une partie de la population". Autre conséquence fâcheuse : L'Express écrivait en 2009 que les sanctions peuvent servir les dirigeants, qui peuvent y trouver "une source non négligeable d'enrichissement".

Mettre la Chine en première ligne

C'est le chantier actuellement mené par les diplomates. "Nous demandons en particulier aux Chinois qui ont un poids sur la Corée du Nord d'intervenir", a indiqué Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères français, mercredi sur BFMTV.

Fabius réclame l'intervention des Chinois (BFMTV)

La Chine est un allié historique de la Corée du Nord. "C'est elle qui aide financièrement le pays, qui lui fournit de l'énergie, qui lui achète le peu de produits qu'il peut exporter", explique à francetv info Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de l'Asie. C'est donc Pékin qui est en mesure de peser dans les négociations et de faire baisser la température. Mais la Chine manque souvent de zèle dans l'application des sanctions à l'égard de son partenaire. Elle a d'ailleurs souvent été critiquée pour sa stratégie d'obstruction systématique au Conseil de sécurité.

Toutefois, elle a récemment montré une attitude "coopérative", selon un responsable américain, en soutenant les sanctions adoptées par l'ONU le 7 mars. Le ministre des Affaires étrangères chinois a d'ailleurs déclaré que Pékin soutenait là une réaction "nécessaire et appropriée" à l'essai nucléaire, souligne le quotidien chinois Global Times traduit par Courrier International. Mais il ne faut pas y voir le signe d'un changement radical dans sa politique. "La Chine est très embarrassée. (...) Pékin met la pression sur Pyongyang en coulisse mais ne va pas jusqu'à lui couper les vivres", a temporisé lors d'un chat le correspondant à Séoul du quotidien belge Le Soir.

Intervenir militairement ?

S'il devait y avoir une intervention, elle ne serait certainement pas menée par l'ONU, estime Jean-Vincent Brisset. Pour que les Nations unies agissent, l'unanimité du Conseil de sécurité est nécessaire. Or, "il y aura toujours un veto", pronostique le spécialiste.

"La Corée du Sud a des moyens de tirs de précision", poursuit Jean-Vincent Brisset. Toutefois, pour lui, les plus prompts à agir seraient les Etats-Unis, eux aussi directement menacés par Pyongyang : "Si les Nord-Coréens vont un peu trop loin dans la provocation, Washington pourrait frapper. Un dérapage de trop, comme un hélicoptère abattu ou une agression de ressortissants sud-coréens, pourrait les décider."

Mais le spécialiste, comme d'autres, n'y croit pas : "Ces joutes verbales et ces menaces sont monnaie courante de la part de la Corée du Nord. Il n'y a rien de plus que d'habitude. C'est un copier-coller pour la cinquantième fois."

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