Christophe de Ponfilly et Massoud, l’ami afghan
Dans un courrier laissé à ses proches, Christophe de Ponfilly indiquait avoir été très affecté par la mort de Massoud, tué dans un attentat-suicide deux jours avant les attentats du 11-Septembre 2001.
Ce grand reporter à l’éthique chevillée au corps n’avait eu de cesse, depuis la disparition du chef afghan, de critiquer les puissances occidentales pour leur défaut de soutien à un homme «ô combien lucide sur l’avenir de son pays et sur le danger représenté par Ben Laden et les milices arabes».
Ponfilly connaissait bien ce guerrier charismatique à qui il avait consacré plusieurs livres et films, dont Massoud l’Afghan (1998). Il l’avait suivi durant vingt années de baroud passées à sillonner ce pays complexe et fascinant d’Asie centrale, dont il était tombé amoureux.
Il avait tissé avec la région une relation intime, décrite merveilleusement dans ses ouvrages, Poussière afghane (2001) ou Lettre ouverte à Joseph Kessel sur l’Afghanistan (2002). Ou encore dans ses documentaires, Vies clandestines, nos années afghanes ou Une vallée contre un empire (1981).
Le coup de foudre entre le journaliste et l’Afghanistan s'est produit en 1981 sous les auspices de la résistance à l’armée soviétique, qui avait envahi le pays, le 26 décembre 1979. Christophe de Ponfilly était alors un jeune reporter couvrant clandestinement une guerre peu médiatisée sur le terrain.
C’est à cette époque que Ponfilly tourne Une vallée contre un empire, son premier documentaire sur Ahmad Shah Massoud. Un homme debout, un chef de guerre courageux qui deviendra le symbole de la lutte contre l’oppresseur. D’abord soviétique, puis taliban.
Le journaliste n’a alors de cesse de suivre son parcours, découvrant la dureté du terrain, les difficultés «de périples clandestins» dans la montagne. L’épreuve au quotidien.
Le grand reporter admire «ce jeune homme aux allures de Che Guevara ou de Bob Dylan, à la fois charismatique et attentif à autrui, (qui) a toujours réussi à se faire aimer. C’est sa plus grande force, le secret de son étonnante longévité.»
Dans Lettre ouverte à Joseph Kessel sur l’Afghanistan, il évoque également l’engagement des moudjahidines afghans aux côtés de Massoud, «des hommes d’une race rude, habitués à la souffrance de l’effort, exigeant avec eux-mêmes».
La poignée de combattants galvanisés par leur leader tiendra tête à l’Armée rouge. Contre toute attente. «Impossible de prévoir que la résistance tiendrait dix années (…) en infligeant des revers cuisants à la puissance soviétique, jusqu’à l’ébranler dans ses soubassements», raconte encore Ponfilly.
Une amitié est née, doublée d’un immense respect. Elle s’installera durablement entre les deux hommes. Et ne s’arrêtera qu’à la mort de Massoud.
Lors d’un tchat organisé par Télérama en 2006, Christophe de Ponfilly avait lancé : «Personnellement, je pense qu’une caméra peut être une arme bien plus efficace qu’une Kalachnikov. Et j’ai trop horreur des armes et de ce qu’elles font subir aux hommes pour avoir la tentation de vouloir en saisir une.»
Avec sa mort, le métier a perdu un témoin vrai, intègre et engagé. Un reporter qui a su faire sortir de l’oubli la vallée du Panshir et ses héros en particulier et le drame afghan en général.
Grand reporter, cinéaste, écrivain, documentariste… cofondateur de l’agence de presse Interscoop avec Frédéric Laffont, Christophe de Ponfilly a réalisé onze films et écrit quatre livres sur l’Afghanistan. Après avoir eu un écho limité, ses travaux font aujourd’hui référence.
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