"Une société qui ressemble à un navire sans gouvernail" : les propriétaires chinois de la cristallerie Baccarat sont introuvables
La cristallerie Baccarat, dont l'usine se trouve en Meurthe-et-Moselle, a été placée sous administration provisoire, car les propriétaires chinois ne remboursent plus le prêt contracté pour racheter l'entreprise en 2018.
Ses lustres imposants ou ses verres soufflés par des maîtres verriers font sa renommée depuis sa création en 1764. La cristallerie Baccarat, dont l'usine se trouve en Meurthe-et-Moselle dans la ville du même nom, se porte plutôt bien. Elle a pourtant été placée sous administration provisoire par le tribunal de commerce de Nancy lundi 7 septembre. Deux administrateurs judiciaires vont devoir déterminer qui contrôle l'entreprise et l'état réel des comptes, car depuis quelques mois, les propriétaires ne remboursent plus le prêt contracté pour racheter l'entreprise en 2018 et ils sont introuvables.
Une famille millionnaire et introuvable
À l'époque, la cristallerie à la renommée mondiale est rachetée par une famille chinoise : Coco Shu, une quadragénaire chinoise millionnaire et fan de luxe à la française, sa mère Anna Wang et son compagnon Jack Sun.
Tout le monde est sous le charme, y compris les élus, comme Christian Gex, maire de Baccarat, lui même ancien salariés de la cristallerie pendant douze ans. "On avait confiance en eux", témoigne l'élu. "Ils avaient annoncé un certain nombre de choses. Donc on était tous très confiants, on y croyait vraiment. Certains disaient 'Ça ne pourra pas être pire que les Américains'," sourit Christian Gex.
Un investissement qui n'arrive pas
Baccarat était en effet détenue depuis treize ans par un fond de pension américain, Starwood, bien heureux de revendre à prix d'or cette marque emblématique. Coco Shu a promis aux salariés des investissements, entre 20 et 30 millions, mais les salariés ne voient rien venir et commence à s'interroger. Eric Rogue, porte-parole de l'intersyndicale des salariés se rappelle qu'on leur avait alors expliqué "qu'elle avait eu des retours de fortune en Chine sur les investissements, et que les projets pour Baccarat étaient différés, mais qu'elle avait de l'argent aux États-Unis. Que ce n'était qu'une question de temps."
L'entreprise rachetée en partie en empruntant
Les salariés tombent de leur chaise quand ils découvrent que la famille chinoise a en fait racheté l'entreprise en empruntant la moitié des 185 millions d'euros nécessaires via une holding basée à Hong Kong et qu'ils ne remboursent plus leurs emprunts. Un représentant d'un des emprunteurs, une société hongkongaise nommée Sammasan Capital, qui souhaite rester anonyme, nous assure avoir pourtant vérifié la solvabilité de leur clients.
"Nous avons réalisé ce qu'on appelle une 'due diligence', un ensemble de vérifications portant sur la probité des clients ou leurs portefeuilles d'actifs par exemple", explique-t-il. "On avait conclu à l'époque que tout allait bien. Mais assez vite après le prêt, ils ne nous ont plus répondu. Ils ont ensuite remplacé la PDG par l'actionnaire lui-même, Jack Sun. Il n'avait aucune expérience dans le domaine et c'était interdit dans notre accord de prêt."
"Une société qui ressemble à un navire sans gouvernail"
Même si l'entreprise ne semble pas menacée, le tribunal de commerce de Nancy évoque dans sa décision "une société qui ressemble à un navire sans gouvernail". Aux dernières nouvelles, les propriétaires chinois tentent de se faire oublier en Angleterre.
Et le feuilleton risque de continuer. Jeudi 10 septembre, les deux administrateurs nommés en début de semaine sont à Paris pour rencontrer le comité de direction de Baccarat et les avocats des prêteurs.
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