"On attendait une réaction" : la prise de position française sur la situation des Ouïghours saluée par des spécialistes de la Chine
La minotité musulmane ouïghoure, constituant le principal groupe ethnique du Xinjiang, une immense région qui a notamment des frontières communes avec l'Afghanistan et le Pakistan, est sous haute surveillance policière.
Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a pris position mardi 21 juillet en condamnant les agissements de la Chine vis-à-vis de la minorité musulmane ouïghoure. Il a réclamé l'envoi d'observateurs indépendants dans la région occidentale chinoise. La Chine a dénoncé mercredi des "mensonges" après les critiques de la France.
"Jusqu'à présent, la France n'a pas été en pointe pour les protestations contre les violations des droits de l'Homme en Chine", a réagi sur franceinfo Marie Holzman, sinologue et présidente de Solidarité Chine. "Depuis 2012, les choses n'ont pas arrêté d'empirer. Non seulement pour les Ouïgours, les Tibétains mais aussi pour les Chinois en général. Le Nobel de la paix Liu Xiaobo est mort en détention. Un phénomène qu'on n'avait pas vu depuis l'Allemagne nazie", alerte la spécialiste de la dissidence chinoise.
Je crois que la Chine est un grand pouvoir totalitaire, qui n'est plus communiste maintenant mais qui vire carrément au fascisme
Marie Holzman, sinologueà Franceinfo
"Au point où on en est maintenant, je doute que la Chine autorise des personnalités indépendantes à venir faire une investigation là-bas." Outre la question des camps, la crainte est celle d'une généralisation du travail forcé dans la région. "Est-ce que le Xinjiang tout entier n'est pas en train de devenir un vaste camp de concentration ? On est en train de viser une ethnie. En 2018, 80% des stérilets posés en Chine l'ont été au Xinjiang. On vise les femmes Ouïghours pour les empêcher de procréer. On assiste à une forme de génocide."
La Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont aussi réagi
"Cette prise de position m'étonne" a réagi de son côté Jean-Philippe Béja, directeur de recherche émérite au CNRS-CERI-Sciences-Po. "Cela fait au moins trois ans qu'on a des informations sur ce qui se passe. On attendait une réaction de la France. Je suis très heureux qu'elle ait lieu. Peut-être que l'accumulation des interventions de plus en plus fortes de Xi Jinping a mis la puce à l'oreille de nos dirigeants. L'internement de plus d'un million de Ouïghours, ce n'est pas anodin, et plus récemment avec l'adoption de la loi de sécurité nationale à Hong Kong, la Chine viole des engagements qu'elle avait pris en 1984.
Si on ne le fait pas maintenant, quand est-ce qu'on le fera ?
Jean-Philippe Béjaà franceinfo
D'autres pays comme la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont aussi réagi à la situation actuelle. "C'est assez réconfortant, dans une certaine mesure, qu'on ait enfin une réaction, sur une question qui est énorme quand même. Il y a plus d'un million de Ouïgours et de Khazars qui sont internés pour rien, il y a une entreprise d'éradication de la culture ouïghoure et kazhare, qui est extraordinairement grave et qui n'a pas été du tout été remarquée par la communauté internationale."
Pour le spécialiste de la Chine, le pays asiatique se trouve peut-être à un tournant. "C'est peut-être le moyen de rendre la Chine plus adaptable, plus respectueuse. Il y a un certain nombre de réactions qui sont de plus en plus fortes. La Chine a besoin du reste du monde pour continuer à devenir une grande puissance. Si elle est toute seule, elle ne réussira pas."
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