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Le conflit du Kokang, riche région de Birmanie, essaime en Chine

Le 8 mars 2015, des obus largués par l’armée birmane sont tombés sur le Yunnan, en Chine. Ils visaient des rebelles birmans qui se seraient réfugiés côté chinois. Ces derniers sévissent dans le Kokang, une région autogérée de Birmanie (Etat Chan). Cette affaire sur fond de guérilla empoisonne les relations entre Rangoun et Pékin.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Soldats birmans en patrouille dans la ville birmane de Laogaï, le 16 février 2015. (AFP / STRINGER)

Le bombardement birman en territoire chinois est à l'origine d’une rupture inédite dans les relations entre deux alliés de longue date. Pékin, qui a soutenu économiquement et politiquement Rangoun quand la junte était au pouvoir, avait alors carte blanche pour investir dans des barrages, mines et infrastructures énergétiques en Birmanie. Pays qui, depuis 2011 et l’arrivée de civils au pouvoir, cherche à réduire cette dépendance.

Les violences armées à la frontière chinoise secouent régulièrement la Birmanie depuis son indépendance en 1948. Les minorités ethniques «ne sont pas toutes dans une situation de lutte armée, mais une opposition historique entre l’Etat central et les régions frontalières perdure depuis plus de soixante ans. Certaines régions ont toujours demandé une reconnaissance et une autonomie à la sortie de la décolonisation, par nécessité identitaire et ensuite afin de se protéger d’un pouvoir militaire dévastateur et particulièrement dur», explique le site ijsbergmagazine.


Un sous-sol convoité et de nombreux trafics
Depuis des mois, le nord du pays (dans les Etats Chan, Palaung et Kachin) vit au rythme d’affrontements entre l'armée et les guérillas, pour le contrôle de territoires et de ressources. Mais la situation dans la région de Kokang, où l’état d’urgence est de mise, s'est encore dégradée depuis des semaines. Faisant ressurgir un conflit en dormance depuis environ six ans entre le pouvoir et l'Armée de l’Alliance démocratique nationale du Myanmar (appelée aussi rébellion kokang). Cette dernière a été créée par d'anciens membres du Parti communiste de Birmanie, soutenus par la Chine jusqu’en 1989. 

Les autorités de Rangoun, qui évoquent la présence de mercenaires chinois dans les rangs des rebelles, accusent les responsables du Yunnan de les aider (ce que nie Pékin). Et au premier chef, leur leader, Peng Jiasheng. Ce Birman d’origine chinoise de 83 ans fut un temps accepté par la junte malgré ses nombreux trafics (drogue, notamment) avant d'être chassé du Kokang en 2009 pour des raisons inconnues.

Son retour pourrait être une des causes de l’escalade de la violence dans la région. Selon le site ijsbergmagazine, citant InfoBirmanie (une ONG française), Peng aurait mobilisé ses troupes pour récupérer des terres, alors même que «ces zones sont concernées par des investissements que souhaite réaliser le gouvernement birman» en collaboration avec la Chine. Il s’agit d’«infrastructures, une voie ferrée et un port, qui donneraient accès à l’océan Indien au gouvernement chinois. Un gazoduc et un oléoduc doivent aussi être construits.»

RFI insiste sur un «autre point noir dans la région»: il y existe «un conflit d’intérêts entre les (combattants) kokang et les soldats. La minorité chinoise de l’Etat Chan est connue pour son rôle actif dans les trafics de stupéfiants, les jeux d’argent et la prostitution notamment. La culture du pavot a également connu un regain d'activité dans les zones contrôlées par l'armée. Sans compter le contrôle des ressources minières, autre facteur de tension dans la région.»
  
Des réfugiés de la région de Kokang traversent la frontière vers la province du Yunnan, au sud-ouest de la Chine, le 11 février 2015. (Stringer / Imaginechina/AFP)

Des pourparlers de paix dans l'impasse
Les derniers combats ont débuté en février 2015, à quelques jours de la reprise de négociations de paix (le 17 mars) avec les mouvements indépendantistes ou ethniques de Birmanie (135 ethnies officielles). Pour l’heure, seuls quatre groupes sur treize ont signé l'accord.

Quant au président birman Thein Sein, il se refuse à toute discussion avec les séparatistes. Lesquels se seraient alliés à d’autres armées indépendantistes plus puissantes (Armée pour l’indépendance kachin, Shan State Army, Ta’ang National Liberation Army ou armée Wa).
 
On le voit, les pourparlers de paix ont du plomb dans l'aile. Et «Laogaï, ville frontalière où s’échangeaient les billets de banque chinois entre marchands et acheteurs et où les casinos se faisaient concurrence, est aujourd’hui une cité fantôme», précise ijsbergmagazine. 

Conséquence directe des affrontements: 100.000 déplacés à l'intérieur du pays ou hors de ses frontières. Selon le site DVB, 60.000 Birmans de l'ethnie han (minoritaire en Birmanie) ont fui vers le Yunnan, où la plupart des réfugiés ont des liens familiaux (ils parlent le même dialecte et utilisent le yuan comme monnaie dans leur région du Kokang).

Pékin réagit 
La Chine, qui ne veut pas s’impliquer dans le conflit à part en assistance humanitaire, a promis d'empêcher les rebelles d'utiliser son territoire et demandé au gouvernement birman de maintenir la sécurité sur les 2000 kilomètres de frontières communes. Par la voix du Global Times, son organe de presse officiel, Pékin a également coupé court à toute supputation sur de supposées velléités hégémoniques chinoises sur le nord de la Birmanie qui «n’est pas la Crimée»

Aujourd'hui, qui de l’armée ou des rebelles birmans aura le dernier mot? Difficile à dire: la première est super équipée, les seconds connaissent bien le terrain. Une chose est sûre, «avec l’arrivée massive de populations, le prix des denrées alimentaires, de l’eau et des produits de première nécessité a augmenté, provoquant de nombreux mécontentements dans la population» chinoise, affirme ijsbergmagazine.

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