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"Excusez-nous pour le dérangement" : les Hongkongais, ces "révolutionnaires" polis

Dans la rue depuis dimanche, les militants sont fiers d'avoir le "sens des responsabilités" qui donne du poids, disent-ils, à leur message.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Une manifestante pro-démocratie tient un panneau "Restez calmes", le 1er octobre 2014, à Hong Kong. (CARLOS BARRIA / REUTERS)

Ils s'excusent pour le bruit, ils recyclent leurs ordures et ils font leurs devoirs. Les manifestants pro-démocratie qui occupent les rues de Hong Kong prennent l'expression "campagne de désobéissance civile" au pied de la lettre.

Les dizaines de milliers de protestataires qui se déploient, depuis dimanche 28 septembre, dans les rues de l'ancienne colonie britannique ont comme souci absolu que la mobilisation se déroule de la manière la plus "civilisée" possible. "Excusez-nous pour le dérangement", peut-on lire sur de nombreux panneaux collés sur les barricades.

"Nous sommes des gens civilisés, explique Ricky Pak, un homme d'affaires de 46 ans descendu dans la rue en famille. Nous aimons Hong Kong, c'est quelque chose qui vient du cœur, qui vient des habitants eux-mêmes." Lam Tsi Yan, 23 ans, qui étudie pour devenir professeur, veut y voir en partie le résultat de l'héritage britannique. "L'éducation britannique était très bonne et nous savons aussi que le monde nous regarde", d'où la nécessité d'une certaine exemplarité, dit-elle.

Postes de tri sélectif

Dans le quartier d'Admiralty, près du siège du pouvoir, devenu le point de ralliement des manifestants, un des nombreux panneaux traduit ce sentiment : "La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui", peut-on lire, en français. Les manifestants veulent faire de leur mouvement une vitrine pour le monde entier et n'hésitent pas à internationaliser leurs slogans.

Les manifestants déambulent sur une deux fois quatre voies, d'ordinaire blindée de véhicules qui roulent pare-choc contre pare-choc. Aujourd'hui, elle appartient aux protestataires qui y ont érigé à intervalles réguliers des postes de premiers secours et des postes de tri sélectif pour s'occuper des déchets produits par la foule. Cette dernière occupe les lieux depuis six jours et met un point d'honneur à les garder propres, avec des piles d'ordures soigneusement empaquetées.

Des manifestants ramassent des bouteilles à recycler, le 1er octobre 2014, à Hong Kong. (TYRONE SIU / REUTERS)

Les protestataires ont également construit des escaliers de fortune, pour permettre le franchissement des glissières de sécurité sur cette artère qui s'apparente d'ordinaire à une immense autoroute. Une manifestante y "fait la circulation", c'est-à-dire qu'elle autorise les uns et les autres à passer dans un sens, puis dans l'autre, avec la régularité d'une horloge.

"Nous devons montrer que nous sommes pacifiques"

Malgré quelques épisodes tendus avec les policiers, auxquels ils ne font plus confiance depuis qu'ils ont été arrosés de gaz lacrymogène, les militants sont fiers d'avoir le "sens des responsabilités" qui donne du poids, disent-ils, à leur message : le désir d'avoir un vrai suffrage universel et de voir partir le chef de l'exécutif considéré comme une marionnette de Pékin.

Dans d'autres villes du monde, des vitrines auraient pu être cassées, des pavés voler. Mais "nous devons absolument montrer que nous sommes pacifiques, c'est comme ça qu'on va montrer qu'on est vraiment déterminés", dit Jan Lo, 18 ans. Cet étudiant en première année de sciences sociales voit dans l'expérience l'occasion d'observer en grandeur nature ce qu'il étudie à l'école. Il est d'ailleurs en train de plancher sur ses cours, comme de nombreux autres étudiants et lycéens pour qui la "révolution des parapluies" n'est pas une excuse pour se laisser aller.

Hong Kong est connue pour la discipline de ses plus de sept millions d'habitants. Les gens attendent le bus dans des files d'attente ordonnées et il ne viendrait à l'idée de personne de doubler son voisin. Les mauvaises manières supposées des Chinois du continent, auxquels ils reprochent de cracher par terre, délit passible d'une amende, ou de laisser leurs enfants faire pipi en pleine rue, sèment régulièrement la consternation. La ville figure parmi l'une des plus sûres du monde.

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