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Des torpilles américaines au Vietnam

Plus de 50 ans après l'incident du golfe du Tonkin entre des torpilleurs nord-vietnamiens et le destroyer USS Maddox, qui avait précipité les Etats-Unis dans la guerre du Vietnam, les Etats-Unis s'apprêtent à reprendre la vente d'armes létales à la République socialiste. Un accord sur lequel planent l'ombre de la Chine et des droits de l'Homme bafoués.
Article rédigé par Titouan Lemoine
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le Secrétaire d'Etat américain John Kerry reçoit son homologue vietnamien Phan Binh Minh à Washington, dans le cadre de la négociation de ventes d'armes maritimes au Vietnam par les Etats-Unis. (MANDEL NGAN / AFP)

Pour la première fois depuis la fin de la guerre du Vietnam, les USA s’apprêtent à vendre des armes à Hanoi. Une mesure d’assouplissement de l’embargo, effectif depuis 1984, a été annoncée lors de la visite du ministre vietnamien des Affaires étrangères Pham Binh Min à Washington le 2 octobre 2014.
 
Le premier accord concerne surtout la marine et les garde-côtes vietnamiens. Les ventes seront réalisées «au cas par cas» du côté américain. Elles pourront comprendre des armements létaux (torpilles, canons de marine…) et des technologies de surveillance maritime et aérienne.
 
Le problème des droits de l’Homme.
De nombreux observateurs, dont l’ONG Human Rights Watch, se sont alarmés de ce retournement de position américain. L’association souligne le piètre bilan du pays en matière de droits de l’Homme et s’inquiète de la création d’un précédent dangereux. Comme la Chine, le Vietnam est toujours dirigé par un parti unique et le rapport de l'association note que «la situation des droits de l'Homme au Vietnam reste alarmante dans tous les domaines. Le gouvernement supprime virtuellement toutes les formes de dissidence politique, utilisant un vaste arsenal de mesures repressives.»
 
Un avis partagé par John Sifton pour Foreign Policy dans un article titré : Les torpilles ne tuent pas, Hanoi tue (référence au slogan de la NRA : Les armes ne tuent pas, les gens tuent). L’auteur considère que les Etats-Unis favorisent l’aspect stratégique de la vente en abandonnant leurs considérations humanitaires. A l’inverse, le Wall Street Journal considère plutôt que la reprise des échanges pourrait donner à Washington une nouvelle monnaie d’échange, forçant Hanoi à des réformes en faveur des droits de l’Homme à chaque nouvel échange.
 
L’ombre de la Chine
Il existe en revanche un point sur lequel tous s’accordent : l’acquisition de matériel militaire maritime par le Vietnam vise à donner au pays des arguments contre l’expansion des ambitions chinoises dans le sud de la mer de Chine. En juin 2014, une crise diplomatique a éclaté entre Hanoi et Pékin, avec l’installation dans cette zone d’une plate-forme pétrolière dans la zone économique exclusive vietnamienne. Les escarmouches à coups de canon à eau entre garde-côtes vietnamiens et marine chinoise ont fait plusieurs blessés et démontré un large sous-équipement côté vietnamien. La Chine a notamment employé plusieurs vaisseaux de guerre et chasseurs à réaction autour de la plate-forme pétrolière, des missions d'intimidations documentées par les médias vietnamiens. La crise a été résolue de manière pacifique, avec le retrait de la plate-forme sous la pression internationale, mais Washington a su profiter de la brèche ouverte entre les deux pays.
 
Toutefois, la vente de matériel militaire américain ne change pas fondamentalement la donne dans la région. Même si les américains profitent d’une période de tensions, la Chine reste le principal partenaire des deux membres de l’échange. Ni les Etats-Unis, ni le Vietnam ne sont prêts à trop froisser le dragon chinois. Washington, qui doit préserver ses bonnes relations avec la République populaire tout en contenant son expansion en mer de Chine, a d'ailleurs entouré l'accord de toutes les mesures de sécurité imaginables et chaque vente sera soumise à l'approbation du secrétariat d'Etat américain.
 
Avant que les évènements du Moyen-Orient et d’Europe de l’Est détournent les regards et les ressources, l’Asie devait être le «pivot» de la politique étrangère de l’ère Obama. Un «rééquilibrage» dont le principal objectif était, selon Hillary Clinton, alors secrétaire d’Etat, de «favoriser l’extension du marché libre, pour créer une variété de nouvelles opportunités pour les produits américains»

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