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Chine : une tonalité critique dans la presse à propos du drame de Tianjin

Des médias officiels chinois dénonçaient le 17 août 2015 la piètre communication et le manque de transparence des responsables municipaux de Tianjin après les explosions dans cette ville du nord-est de la Chine. Une démarche pour le moins inhabituelle.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Vue du site de la catastrophe de Tianjin (nord-est de la Chine), le 17 août 2015 (REUTERS - Kim Kyung-Hoon)

En temps ordinaire, le régime de Pékin verrouille l'information. Il n’en va pas autrement après les déflagrations géantes parties le 12 août au soir d'un entrepôt de produits chimiques de Tianjin et qui ont fait au moins 112 morts. Le sujet est ainsi sévèrement censuré sur internet.
 
Pour autant, des éditoriaux et des commentaires publiés par plusieurs journaux d'Etat font écho aux inquiétudes et aux frustrations des résidents et des internautes chinois. Néanmoins, cette condamnation tardive et rarissime par la presse officielle ne concerne que les responsables locaux de Tianjin, chargés des conférences de presse sur la situation. Et épargnent la gestion du gouvernement central à Pékin.

«Pendant les premières dizaines d'heures qui ont suivi les explosions, les autorités municipales de Tianjin n'ont fourni que de très maigres informations», déplore ainsi le Global Times, quotidien (en anglais) étroitement lié au Parti communiste chinois. «Tianjin n'est pas un cas exceptionnel, en termes de réaction inappropriée au désastre», poursuit-il dans un éditorial. «Il faut qu'à l'avenir, répondre aux interrogations des journalistes devienne un réflexe pour les gouvernements locaux confrontés à de telles catastrophes», explique-t-il.
              
Le journal insiste sur la nécessité de communiquer après de tels évènements. «A Tianjing, les responsables ont probablement été occupés par l’organisation des secours, sans se douter qu’assister à des conférences de presse fait aussi partie du travail de réponse au drame. Ou alors ils peuvent être quelque peu intimidés d’avoir affaire face à la presse, laissant le travail de communication au service chargé de la publicité» (publicity department). Et de commenter: «Une réaction trop tardive donne libre cours aux plus folles rumeurs, et cela affaiblit la confiance générale dans les autorités.» Des propos plutôt rares dans des médias officiels…

Nombreuses questions
Le China Daily, autre quotidien officiel, relève que «de nombreuses questions (sur les explosions) restent sans réponse» alors que s'avivent les inquiétudes sur l'ampleur des contaminations chimiques. «Les théories du complot ne vont faire que s'intensifier et se répandre, à moins que le gouvernement ne dissipe les mystères autour des explosions avec une enquête complète et transparente», souligne le journal.

Une publication du gendarme du Parti, les Nouvelles sur la supervision et l'inspection de la discipline en Chine, rappelle les violations «sévères» des règles de sécurité élémentaires lors de la construction de l'entrepôt de produits chimiques incriminé près de zones résidentielles. «Les flammes ont dévoré non seulement des vies et des propriétés, mais aussi le sentiment de sécurité» des citoyens, ajoute la publication. Celle-ci fustige au passage les manquements des autorités locales, qui n’exercent pas des contrôles suffisamment stricts.

Une manière, peut-être, pour le pouvoir central chinois de se défausser sur les institutions régionales, et de détourner la colère de l’opinion. Tout en gardant une main de fer sur l’essentiel. Car pour l’instant, on ne voit pas les critiques prospérer sur l'internet local. Là, les censeurs continuent visiblement de ratisser largement les réseaux sociaux. Et de supprimer les éléments jugés trop alarmistes.

Le Quotidien du Peuple, porte-voix du Parti, le dit d’ailleurs clairement, sans avoir peur de contredire ce qu’écrivent ses confrères: «Les doutes et les inquiétudes sont sans fondement et inutiles. L'opinion publique doit comprendre la prudence et le sérieux du gouvernement. Mettre en question et réfuter (les annonces officielles) n'est pas une attitude rationnelle.» Autrement dit : gare à ceux qui doutent de la parole officielle… 

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