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Ballons volants abattus : "Cette séquence témoigne de la rivalité entre les États-Unis et la Chine", selon un chercheur

Emmanuel Véron pointe "une montée des tensions" entre la Chine et les Etats-Unis ainsi qu'une "extension du renseignement" dans la stratosphère.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Sur cette photo publiée le 2 février 2023, un ballon espion chinois présumé dans le ciel de Billings, dans le Montana. (CHASE DOAK / VIA AFP)

"Cette séquence du ballon sonde stratosphérique témoigne de la rivalité à tous les niveaux, à tous les paramètres de la puissance, entre les États-Unis et la Chine notamment sur l'industrie de défense", a expliqué lundi 13 février sur franceinfo Emmanuel Véron, enseignant-chercheur associé à l'Inalco et à l’École navale, spécialiste de la Chine contemporaine, alors que Pékin et Washington s'accusent mutuellement d'espionnage après que trois objets volants non identifiés ont été abattus ces derniers jours.

franceinfo : Est-ce que cette affaire des ballons est le signe d'une tension montante entre les Etats-Unis et la Chine ?

Emmanuel Véron : C'est un bon résumé de la situation. Sur le dernier ballon, ou en tout cas le dernier dispositif qui évoluait dans l'atmosphère, rappelons qu'il a été abattu dans une couche qui était nettement inférieure à ce qui a été le ballon chinois, une sonde stratosphérique, il y a une dizaine de jours. On n'est pas du tout dans la stratosphère, donc on n'est pas tout à fait sur le même type de dispositif.

"On a une montée des tensions et on a une extension de ce nouveau domaine du renseignement qui concerne la stratosphère."

Emmanuel Véron, enseignant-chercheur

à franceinfo

Est-ce que le présent et l'avenir, c'est l'espace en matière militaire ?

C'est effectivement le sujet. C'est une couche supplémentaire qui va interagir avec des dispositifs terrestres, des dispositifs marins, sous-marins, et bien évidemment avec l'espace et le cyber. On a ce système multicouches, multidimensionnel, où tout interagit de manière assez complexe ensemble. C'est la couche où il y a une forme de béance en matière juridique, une sorte de flou, de vide relatif, parce qu'on n'est pas tout à fait dans l'espace.

On est sur la couche qui est au-dessus de là où circulent traditionnellement, techniquement, les avions commerciaux et les avions militaires. Donc cette couche-là est investie - c'est la stratosphère, entre 20 et 80 km - par les grandes puissances qui mènent des projets de recherche avec des ballons sondes qui participent au spectre du renseignement.

Le régime chinois assure aujourd'hui, dix jours après le début de l'affaire, que des ballons américains ont violé l'espace chinois à plusieurs reprises l'année dernière. Cela paraît étrange comme timing ?

Ça paraît complètement étrange. On n'a pas de preuve en images comme on peut les avoir avec les ballons de ces derniers jours et de ces dernières semaines.

"On est vraiment sur du déclaratif dans un rapport de force où les autorités chinoises cherchent à renverser la vapeur et reprendre le script, reprendre le déclaratif pour se poser en victime."

Emmanuel Véron, enseignant-chercheur

à franceinfo

Est-ce que l'hypothèse d'un signal que Pékin aurait voulu envoyer, une forme de volontarisme dans le fait de surveiller et de se faire voir, vous paraît farfelue ?

Pas complètement, il y a sûrement deux tests. À la fois le test du matériel lui-même, c'est-à-dire du ballon sonde stratosphérique pour mieux connaître l'environnement américain, l'environnement de cette atmosphère au-dessus des États-Unis et du Canada. Et deuxième sujet, un test pour l'appareil diplomatico-militaire américain, c'est-à-dire comment les Américains vont réagir à cela.

C'est peut-être sur ces deux angles là qu'il faut voir le sujet. Et ce qui est intéressant, c'est que cette opération a finalement échappé à l'acteur initial qui est Pékin, dans une démonstration qui n'est pas si sophistiquée que cela.

Est-ce que cette affaire remet dans le débat une tension militaire entre les Etats-Unis et la Chine qui nous échappe un peu en Europe ou qui est passée au second plan en raison de la guerre en Ukraine ?

Fondamentalement, cette séquence du ballon sonde stratosphérique témoigne de la rivalité à tous les niveaux, à tous les paramètres de la puissance, entre les États-Unis et la Chine, notamment sur l'industrie de défense. Ça, c'est quelque chose de très éloquent. C'est l'appareil industriel de défense chinois qui est en très forte concurrence avec l'énorme, puissant et extrêmement affûté appareil de défense américain.

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