Cet article date de plus d'onze ans.

Alain de Chalvron sur la pollution à Pékin

En Chine, la pollution empoisonne l'air et la population met la pression sur les autorités. Alain de Chalvron, avec Enzo Cai, du bureau de France 2 à Pékin, expliquent ce phénomène et les réponses données par le nouveau gouvernement pour y remédier.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Une rue de Haozhou, dans la province d'Anhui, au centre de la Chine, le 30 Janvier 2013. (CHINA OUT AFP PHOTO)
La pollution continue-t-elle d'augmenter à Pékin et le gouvernement prend-il ou a-t-il pris les bonnes mesures ?
Il faudrait des études chiffrées et sur le long terme pour établir avec certitude une tendance à l’aggravation de la pollution en Chine, a Pékin notamment. L'impression du Pékinois est qu'il y a une dégradation spectaculaire de la qualité de l'air dans la capitale : de plus en plus de journées noires et des taux de particules de plus en plus élevés. En tout cas, nous avons connu un mois de janvier particulièrement alarmant.

Le 12, en particulier, le taux des émissions de particules fines (PM2, 5) a connu un record, en dépassant le maximum mesurable. Durant cette journée, les indices étaient bloqués entre 700-800 microgrammes parr mètre cube, soit un niveau vingt fois plus élevé que celui fixé par la ligne directrice de l'OMS. En période hivernale, on estime que le niveau habituel des pics de pollution à Pékin se situent généralement autour 300-400 microgrammes par mètre cube.

Il faut souligner qu’en hiver, la pollution est en général plus élévée dans le nord du pays à cause du chauffage, principalement au charbon. Il suffit alors d’un facteur météorologique défavorable – l’absence de vent ou /et la forte humidité – pour qu’un brouillard se forme. Ce brouillard piège alors les particules et provoque les records que l'on a pu connaître en janvier.

Autre cause majeure de pollution, la circulation automobile. Pékin a immatriculé plus de cinq millions de véhicules en 2012. Cette masse d'automobiles en circulation provoque des embouteillages gigantesques, qui valent à la capitale le titre peu envié de «ville la plus embouteillée au monde». Dernier facteur, mais pas le moindre : le pays a connu depuis 30 ans une croissance à pas forcé. Il est désormais le premier émetteur de carbone au monde. 

Les mesures prises apparaissent insuffisantes : limitation par tirage au sort du nombre de nouvelles immatriculations; interdiction de circuler un jour par semaine, selon la plaque d'immatriculation; fermeture d'usines et diminution de la circulation des véhicules de fonctionnaires en cas de pic de pollution, etc. Le vrai remède, l'amélioration des transports en commun, en particulier le métro, prendra du temps, même si de nombreuses lignes sont en construction (contribuant aussi aux embouteillages).


Quelles sont les conséquences sur la population ?
La première conséquence est sanitaire, bien sûr : outre les petits désagréments comme les rhumes, les maux de gorge, les yeux qui picotent – lot quotidien de tous les Pékinois –, il y a beaucoup plus grave, en particulier une augmentation de 60% du nombre de cancers du poumon sur dix ans. 

Concrètement, on constate une ruée sur les masques. Cela provoque des ruptures de stocks dans de nombreuses pharmacies et boutiques en ligne spécialisées ainsi que la montée fulgurante des actions des fabricants de masques côtés en bourse.

Il y a bien sûr des conséquences plus profondes face à cette crise environnementale sans précédent : une rare et générale prise de conscience parmi la population. Les sociétés pétrolières (publiques) sont montrées du doigt pour avoir fourni des carburants plus polluants qu'en Europe et aux Etats-Unis. Même la presse officielle couvre ce phénomène d’une manière exceptionnelle. Ce qui pourrait se traduire par une mobilisation au sein du gouvernement et, en fin de compte – on peut toujours rêver –, provoquer une évolution positive de positions de la Chine sur les questions environnementales. .

Y a-t-il polémique sur les chiffres présentés au grand public ? 
Concernant les chiffres officiels, il y a depuis très peu de temps une certaine transparence de l’information. Jusqu'ici, les Pékinois se ruaient sur le site internet de l'ambassade des Etats-Unis qui etait beaucoup plus précis et alarmiste que les chiffres officiels. Depuis peu, les données récoltées sur 35 points d’observation répartis dans la capitale sont assez proches des publications de l’ambassade américaine.

Il y a eu un vrai mouvement, une levée de bouclier parmi la classe moyenne, avec beaucoup d’activistes (intellectuels voire même hommes d’affaires) quand les autorités ont tenté de mettre fin à la publication de leurs chiffres par les Américains.

Les nouveaux dirigeants chinois nommés en novembre 2012 ont, pour la première fois, inscrit l’objectif du développement durable dans leurs engagements politiques lors de leur prise de fonction. Et un plan de lutte national contre la pollution de l’air a été annoncé décembre. Il leur faut maintenant passer de la parole aux actes.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.