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Afrique : les Chinois ne font plus rêver sur le continent noir
En une dizaine d’années, le commerce sino-africain est passé de 10 milliards de dollars en 2000 à 210 milliards en 2013. Aujourd'hui, les espoirs suscités par ce partenariat historique se sont envolés pour céder la place à la méfiance. La chine est accusée d’exploiter les travailleurs du continent. Un sentiment populaire anti-chinois se développe sur le continent noir.
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C’est l’histoire d’un couple saisi par le doute après une lune de miel qui aura duré une quinzaine d’années. Un peu partout en Afrique, les pratiques chinoises sont devenues un sujet de tension.
En septembre 2015, c’est le gouvernement de la Guinée-Equatoriale qui a tapé du poing sur la table. Les entreprises chinoises opérant dans le pays ont été priées d’employer des nationaux frappés par le chômage.
Dans ce pays pétrolier du golfe de Guinée, les entreprises ne doivent pas dépasser «10% d’expatriés» parmi leurs employés dans le bâtiment et «30% d’expatriés» dans les secteurs pétrolier et agricole. Cette loi est totalement ignorée par les grandes entreprises chinoises qui emploient leurs concitoyens au détriment des nationaux.
«Les entreprises chinoises préfèrent leurs compatriotes parce qu’elles les paient moins cher et les font beaucoup travailler. Ils évitent d’employer les nationaux pour ne pas avoir de problèmes avec la justice», explique à l’AFP un fonctionnaire équato-guinéen. «C’est une honte, nos autorités se laissent dominer par les Chinois qui les corrompent», s’insurge Dio Mabalé, un maçon au chômage.
«Des pratiques de travail proches de l’exploitation»
Les exemples de conflits du travail violents se sont multipliés ces dernières années sur les chantiers chinois. A chaque fois, les employés africains s’en prennent aux employeurs chinois pour non-respect du droit du travail. «Des pratiques de travail proches de l'exploitation», notent Thierry Vircoulon et Victoria Madonna, dans une étude publiée par l’IFRI en juillet 2015. Salaires de misère, non respect des lois sur la sécurité du travail. Les Chinois sont accusés de n'en faire qu'à leur tête.
Selon le ministère chinois des Affaires étrangères, entre un et deux millions d’entrepreneurs chinois auraient investi massivement sur le continent. On les trouve dans les secteurs du pétrole et des matières premières, dans les grands travaux d’infrastructures: construction des routes ou des barrages. Mais aussi dans le commerce où leur présence irrite les petits commerçants africains.
L’étude publiée par l’Institut français des relations internationales constate que «l’importation massive des produits chinois à très bas prix et l’arrivée de la main d’œuvre chinoise s’est traduite par une concurrence très forte des produits chinois sur les marchés intérieurs africains». Autre constat: «La pénétration du petit commerce africain par les Chinois alimente un sentiment populaire antichinois.»
De nouvelles législations «pour faire face à l’immigration chinoise»
Longtemps considérés comme des «frères» venus épauler le continent spolié par le colonisateur, les Chinois suscitent désormais la méfiance. Plusieurs gouvernements africains mettent en place de nouvelles législations pour réglementer le travail des étrangers «pour faire face à l’immigration de travail chinoise», écrivent Thierry Vircoulon et Victoria Madonna. Avec des exemples à l’appui.
En RD-Congo, une loi a été adoptée pour interdire le commerce de détail aux étrangers. Au Malawi, les commerçants étrangers ont été contraints de quitter les zones rurales. Les opportunités d’emploi pour la main d’œuvre chinoise se réduisent sur le continent et les entreprises chinoises sont réprimées pour non respect de la législation nationale. Au Ghana, plus de cent mineurs chinois ont été arrêtés et expulsés pour exploitation illégale de mines en 2013.
Dans une tribune publiée dans le Financial Times, l’ancien gouverneur de la Banque centrale du Nigeria lançait déjà une mise en garde en mars 2013 : «La Chine prend nos matières premières et nous vend ses produits manufacturés. C’est aussi l’essence du colonialisme», écrivait Lamido Sanusi.
«Contrats miniers et pétroliers passés au crible»
Certains gouvernement africains ont compris qu’il leur revenait de prendre des initiatives pour rééquilibrer la relation avec le partenaire économique chinois, résument Thierry Vircoulon et Victoria Madonna.
Les deux chercheurs notent que «le revirement critique de certains gouvernements africains s’étend aussi aux contrats miniers et pétroliers qui sont maintenant passés au crible» pour renégocier des contrats plus équilibrés. C’est le cas au Gabon, au Tchad et en Angola. Et de conclure que la lune de miel entre la Chine et l’Afrique est bel et bien terminée.
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