Ces tirs sur les zones tribales ont éliminé des dizaines de commandants d'Al-Qaïda mais risquent d'attiser la colère
Faute de pouvoir agir à sa guise au Pakistan comme en Afghanistan, où ils comptent plus de 70.000 soldats, les Etats-Unis ont opté ces dernières années pour cette stratégie indirecte, qu'ils ne reconnaissent pas officiellement.
Cette méthode a vu le jour en 2004 mais s'intensifie depuis l'été 2008.
Plus de 70 bombardements ont été recensés depuis août 2008, faisant près de 700 morts, et le rythme s'est accéléré ces dernières semaines. Ces tirs auraient tué 15 hauts responsables d'Al-Qaïda ou affiliés, dont le très craint chef du Mouvement des talibans du Pakistan (TTP), Baitullah Mehsud, en août dernier, et 16 commandants intermédiaires depuis janvier 2008, selon le Long War Journal, un site internet américain spécialisé dans le renseignement.
Mais le TTP, qui a juré de venger son ancien leader, n'a jamais autant tué que depuis sa mort, en multipliant les attentats suicide meurtriers. Constat que confirme Ben Venzke, directeur de l'IntelCenter, un institut d'étude privé travaillant avec les services de renseignement américains et européens: "Je ne pense pas que le TTP ait été affaibli du tout" par les tirs de drones.
Le sentiment anti-américain attisé
Ces tirs attisent par ailleurs le sentiment anti-américain, déjà très répandu au sein de la population, et la volonté de revanche des tribus visées. Et ils semblent contribuer à resserrer les liens entre islamistes des deux côtés de la poreuse frontière, comme le prouve la participation du TTP, qui n'avait jusqu'ici revendiqué que des attentats au Pakistan, à l'attentat suicide contre la CIA le 30 décembre à Khost, dans le sud-est de l'Afghanistan.
Al-Qaïda comme le kamikaze, le Jordanien Humam Khalil Abu-Mulal al-Balawi, ont affirmé avoir voulu ainsi venger la mort de Baitullah Mehsud.
"Ils (les Etats-Unis) multiplient les attaques de drones contre des rebelles locaux, qui ne sont pas encore une menace contre l'Amérique, mais qui pourraient bien le devenir dans le futur", estime l'analyste pakistanais Rahimullah Yusufzai, spécialiste des zones tribales. Même Lisa Curtis, chercheuse au très conservateur institut d'étude américain Heritage Foundation, estime que la stratégie des drones "nourrit à long terme l'anti-américanisme au Pakistan".
Dans le Waziristan du Nord, fief rebelle frappé par 22 des 24 derniers bombardement de drones, les familles vivent dans l'angoisse d'un tir de missile soudain qui anéantirait leur maison, et elles avec, a raconté par téléphone un commerçant de la ville de Mir Ali.
En réaction, le très impopulaire président pakistanais Asif Ali Zardari, a une nouvelle fois protesté la semaine dernière contre les tirs de drones, qui minent selon lui le consensus national contre les islamistes.
Mais dans un contexte de crainte renouvelée d'attaques d'Al-Qaïda après la tentative d'attentat dans un avion à Noël aux Etats-Unis, Washington compte plus que jamais sur cette tactique.
Drone de surveillance, drone de combat
Un drone, "faux bourdon" en anglais ou UAV pour Unmanned Aerial Vehicle, est un aéronef sans pilote humain à bord. Il emporte une charge utile destinée, le plus souvent, à des missions de type surveillance, renseignement etc.
Synonyme: gnoptère (grec: gnosis, "intelligence" et "pteron", aile).
La taille et la masse, de quelques kilogrammes à plusieurs tonnes, sont fonction des capacités opérationnelles recherchées. Le pilotage automatique ou à partir du sol permet d'envisager des vols de très longue durée, plusieurs dizaines d'heures. Certains missiles non balistiques, en particulier les missiles de croisière, ont l'apparence, sur le plan aérodynamique, des drones.
Un drone de combat, en anglais UCAV : Unmanned Combat Air Vehicle, est un type particulier de drone équipé de matériel d'observation et/ou d'armements divers. Il est programmé pour suivre un trajet et atteindre un objectif avec une grande autonomie, sans intervention humaine.
Les lois de la guerre
La plupart des pays respectent les lois de la guerre, telles que la Convention de Genève. Ces lois définissent la conduite à tenir en cas de guerre et précisent ce qu'est un combattant. Leur objectif est de limiter les dommages collatéraux avec une bonne identification des cibles. Ainsi que de bien différencier combattants et non-combattants. Dans ce cadre, l'usage d'armements totalement automatisés est problématique, car il n'est pas possible de trouver une personne responsable. Dans tous les cas, l'ouverture du feu doit être autorisée par un contrôleur humain. Selon les lois de la guerre, ce contrôleur sera considéré comme un combattant, même s'il s'agit d'une personne civile, ce que permet la technologie. Il est donc préférable que ce contrôleur appartienne à l'armée qui comprend et accepte son rôle et les risques correspondants.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.