Blocage d'Ottawa par les routiers : "Le Canada n'a jamais connu un événement de cette ampleur", selon un historien
Excédés par ce qu'ils dénoncent comme une obligation vaccinale, les routiers canadiens ont convergé vers la capitale Ottawa. Ils ont été rejoints par des antivax et un certain nombre de mouvements conservateurs, ultraconservateurs, voire d'extrême droite.
Alors que les mesures sanitaires anti Covid ont fait l'objet d'un débat en urgence au Parlement canadien lundi soir, des centaines de camions continuent à faire le "siège" d'Ottawa. Le maire de la ville a demandé l'aide des autorités fédérales pour mettre un terme à la démonstration de force des routiers baptisée "convoi de la liberté'. "C'est une véritable crise pour le Canada qui n'a jamais connu un événement de cette ampleur", a expliqué mardi 8 février sur franceinfo Serge Jaumain, codirecteur d’AmericaS, le Centre d’études des Amériques de l’Université libre de Bruxelles et professeur d’histoire contemporaine.
franceinfo : Qu'est-ce qui a déclenché cette colère ?
Serge Jaumain : C'est l'obligation vaccinale qui est imposée aux camionneurs canadiens qui franchissent la frontière américaine. La grande majorité est vaccinée, 90% le sont, selon le principal syndicat. Mais un certain nombre d'entre eux estiment que cela pose problème et ils ont voulu dénoncer cette obligation vaccinale qui leur était imposée. Ils ont convergé vers la capitale Ottawa qui habituellement est une petite ville assez tranquille. Ils ont été rejoints dans ce mouvement par une partie de la population antivax et par un certain nombre de mouvements conservateurs, ultraconservateurs, voire d'extrême droite parce qu'ils trouvent une possibilité de se faire entendre. Ils sont très présents depuis 10 jours et c'est une véritable crise pour le Canada qui n'a jamais connu un événement de cette ampleur.
La population partage-t-elle leur avis ?
La population est divisée. Comme partout il y a une polarisation assez forte autour du vaccin et on peut même se demander s'il n'y pas l'image de ce qui s'est passé le 6 janvier 2020 (l'assaut du Capitole). Même Donald Trump a marqué son soutien aux camionneurs, son fils également.
Est-ce que cela cache autre chose ?
Derrière ce que disent les premiers manifestants, la revendication pour la liberté vaccinale, il y a une critique assez forte du gouvernement libéral, mais aussi du système canadien qui est remis en cause par les groupes ultraconservateurs. On a l'impression qu'on utilise ce mouvement pour relancer des débats que l'on retrouve aux États-Unis. Il y a une forte volonté de faire pression sur les institutions canadiennes et dire qu'elles ne sont plus représentatives d'une partie de la population.
Que peut faire le gouvernement pour sortir de cette crise ?
On a très peu vu Justin Trudeau au cours des derniers jours. Pour lui, il n'est pas question de faire marche arrière, mais dégager ces centaines de camions du centre d'Ottawa c'est très compliqué parce qu'il y a un soutien d'une petite partie de la population et d'un certain nombre de personnalités politiques. Pour le moment, tout le monde se rejette un peu la balle, mais les citoyens n'arrivent plus à vivre. Il y a des klaxons jour et nuit et la Cour suprême a décidé d'intervenir et de les interdire au moins la nuit. Pour le moment, on ne voit pas l'issue de ce conflit. À Québec, les manifestations ont été beaucoup mieux gérées et il n'y a pas de blocage comme à Ottawa.
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