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Brésil : les petits paysans oubliés des candidats à la présidentielle
Les principaux candidats à la présidentielle brésilienne dont le 1er tour a eu lieu dimanche 5 octobre ont promis aux responsables de l'agroalimentaire une politique extérieure plus ambitieuse en faveur de l'agriculture. Coup de zoom sur un secteur qui emploie près de 20% de la population active.
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Selon les termes employés par le Sénat, «les terres brésiliennes sont exploitées par plus de 4 millions d'entreprises agricoles. Toutefois, il existe une très forte dichotomie entre petites et grandes exploitations : les plus grandes fermes concentrent ainsi fortement les terres puisque 3,5 % des exploitations brésiliennes totalisent plus de la moitié de la surface agricole.»
Selon l'Institut national de statistiques, 43% des terres agricoles du pays appartiennent à 1% des propriétaires. Ce qui ne va pas sans poser de problèmes dans le pays: environ un millier de conflits fonciers ont été dénombrés de 2008 à 2012.
Un des premiers exportateurs d’aliments au monde
«La taille moyenne d’une exploitation familiale est de 18 hectares, contre plus de 300 en moyenne pour les exploitations tournées vers les marchés», précise le site Terre-net.
Aujourd’hui, l’agriculture représente 5% du PIB du Brésil. Si on lui ajoute celui de l’industrie agroalimentaire (44% des exportations), le chiffre atteint 23%. Le pays est l'un des principaux producteurs et exportateurs d'aliments au monde : soja, canne à sucre, maïs, café, bovins…
L’agroalimentaire, bête noire des petits paysans
Le Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) pointe régulièrement les dérives de l’agroalimentaire. Selon le MST, le gouvernement est inféodé au Front parlementaire ruraliste, syndicats des gros propriétaires terriens. «Nous avons dit à la présidente que le gouvernement se trompait sur l'agrobusiness car il pense qu'il résout les problèmes de l'agriculture mais il ne sert qu'à concentrer la terre aux mains d'une minorité pour produire des matières premières avec une utilisation exagérée des pesticides», a expliqué en février 2014 Alexandre Conceiçao, un des responsables du mouvement.
Né en 1984, à la fin de la dictature, le MST est aujourd’hui le principal mouvement social du Brésil. Ses actions visent à permettre à des familles pauvres d’obtenir des terres. «Le gouvernement de Dilma Rousseff a poursuivi les efforts entamés par son prédécesseur (l’ex- président Lula, NDLR) pour installer 1,2 million de familles entre 2003 et 2010 sur 48,5 Mha redistribués», précisait début juillet 2014 le site Terre-net.
Extrait de «Hautes Terres», de Marie-Pierre Brêtas sur les sans-terre du Nordeste
Aujourd’hui, le MST réclame une stratégie pour assurer la subsistance de ceux qui ont obtenu des terres. Ainsi Joao Pedro Stedile, influent dirigeant des sans-terre, estime que «distribuer la terre ne suffit plus», maintenant que «l'économie mondiale est dirigée par la finance internationale et que l'agrobusiness expulse les paysans des campagnes». Son credo : créer des agro-industries et plus de coopératives pour augmenter les revenus des paysans.
En février 2014, après des manifestations de paysans pauvres, des dirigeants du MST ont été reçus par la présidente Dilma Rousseff. Ils accusent le gouvernement de bloquer la réforme agraire, dont ils prônent un nouveau modèle, plus respectueux de l’environnement. Loin de celui pratiqué par la plupart des grandes exploitations.
Une demande que ne renierait pas Wanderlei Pignati (lien en portugais). En effet, selon ce toxicologue, chaque Brésilien avale chaque année plus de 5,2 litres d’agrotoxiques (engrais et fertilisants chimiques, pesticides, herbicides, fongicides et acaricides), sachant qu’un milliard de litres sont répandus dans ce même temps sur des cultures… principalement génétiquement modifiées (OGM).
Qu’en pensent les principaux candidats ?
Dans le cadre de sa politique agricole, le gouvernement Rousseff vise l’amélioration de la productivité de l’agriculture familiale et dans le même temps celle de la production destinée à l’exportation. Pour atteindre ce but, il estime qu’il faudrait une centaine de millions d’hectares cultivables en plus.
En août, la présidente Rousseff a recommandé une réforme de la politique de légalisation des terres indigènes, une demande du secteur agroalimentaire. Les terres des Indiens sont occupées par des colons depuis des dizaines d’années. A l’instar des sans-terre du MST, les Indiens brésiliens accusent le gouvernement d'avoir paralysé la réforme agraire et la délimitation des terres indigènes, au bénéfice de l'industrie agroalimentaire.
A quelques semaines de la présidentielle, le centriste Aecio Neves (15% d'intentions de vote au 1er tour, contre 36% à la chef de l’Etat sortante et 27% à Marina Silva, lors d’un sondage le 10 septembre) a prôné la même chose que Mme Rousseff.
Quant à la candidate écologiste Marina Silva (ministre de l’Environnement de 2004 à 2008), on l’a cru engagée auprès des petits paysans. Celle qui fait jeu égal avec Dilma Rousseff au second tour le 26 octobre (43% d’intentions contre 42%, selon un sondage Vox Populi paru le 16 septembre) s’est bien dite favorable à l'agriculture familiale plutôt qu'à l'industrie agroalimentaire au début de sa campagne. Depuis, elle a infléchi sa position, n’hésitant pas à faire des appels du pied au lobby agricole à la mi-septembre, comme le montre Reuters.
Agriculture raisonnée vs agro-industrie : quel que soit le résultat à la présidentielle, il semblerait que les grandes exploitations agricoles aient encore quelques beaux jours devant elles.
Selon l'Institut national de statistiques, 43% des terres agricoles du pays appartiennent à 1% des propriétaires. Ce qui ne va pas sans poser de problèmes dans le pays: environ un millier de conflits fonciers ont été dénombrés de 2008 à 2012.
Un des premiers exportateurs d’aliments au monde
«La taille moyenne d’une exploitation familiale est de 18 hectares, contre plus de 300 en moyenne pour les exploitations tournées vers les marchés», précise le site Terre-net.
Aujourd’hui, l’agriculture représente 5% du PIB du Brésil. Si on lui ajoute celui de l’industrie agroalimentaire (44% des exportations), le chiffre atteint 23%. Le pays est l'un des principaux producteurs et exportateurs d'aliments au monde : soja, canne à sucre, maïs, café, bovins…
L’agroalimentaire, bête noire des petits paysans
Le Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) pointe régulièrement les dérives de l’agroalimentaire. Selon le MST, le gouvernement est inféodé au Front parlementaire ruraliste, syndicats des gros propriétaires terriens. «Nous avons dit à la présidente que le gouvernement se trompait sur l'agrobusiness car il pense qu'il résout les problèmes de l'agriculture mais il ne sert qu'à concentrer la terre aux mains d'une minorité pour produire des matières premières avec une utilisation exagérée des pesticides», a expliqué en février 2014 Alexandre Conceiçao, un des responsables du mouvement.
Né en 1984, à la fin de la dictature, le MST est aujourd’hui le principal mouvement social du Brésil. Ses actions visent à permettre à des familles pauvres d’obtenir des terres. «Le gouvernement de Dilma Rousseff a poursuivi les efforts entamés par son prédécesseur (l’ex- président Lula, NDLR) pour installer 1,2 million de familles entre 2003 et 2010 sur 48,5 Mha redistribués», précisait début juillet 2014 le site Terre-net.
Extrait de «Hautes Terres», de Marie-Pierre Brêtas sur les sans-terre du Nordeste
Aujourd’hui, le MST réclame une stratégie pour assurer la subsistance de ceux qui ont obtenu des terres. Ainsi Joao Pedro Stedile, influent dirigeant des sans-terre, estime que «distribuer la terre ne suffit plus», maintenant que «l'économie mondiale est dirigée par la finance internationale et que l'agrobusiness expulse les paysans des campagnes». Son credo : créer des agro-industries et plus de coopératives pour augmenter les revenus des paysans.
En février 2014, après des manifestations de paysans pauvres, des dirigeants du MST ont été reçus par la présidente Dilma Rousseff. Ils accusent le gouvernement de bloquer la réforme agraire, dont ils prônent un nouveau modèle, plus respectueux de l’environnement. Loin de celui pratiqué par la plupart des grandes exploitations.
Une demande que ne renierait pas Wanderlei Pignati (lien en portugais). En effet, selon ce toxicologue, chaque Brésilien avale chaque année plus de 5,2 litres d’agrotoxiques (engrais et fertilisants chimiques, pesticides, herbicides, fongicides et acaricides), sachant qu’un milliard de litres sont répandus dans ce même temps sur des cultures… principalement génétiquement modifiées (OGM).
Qu’en pensent les principaux candidats ?
Dans le cadre de sa politique agricole, le gouvernement Rousseff vise l’amélioration de la productivité de l’agriculture familiale et dans le même temps celle de la production destinée à l’exportation. Pour atteindre ce but, il estime qu’il faudrait une centaine de millions d’hectares cultivables en plus.
En août, la présidente Rousseff a recommandé une réforme de la politique de légalisation des terres indigènes, une demande du secteur agroalimentaire. Les terres des Indiens sont occupées par des colons depuis des dizaines d’années. A l’instar des sans-terre du MST, les Indiens brésiliens accusent le gouvernement d'avoir paralysé la réforme agraire et la délimitation des terres indigènes, au bénéfice de l'industrie agroalimentaire.
A quelques semaines de la présidentielle, le centriste Aecio Neves (15% d'intentions de vote au 1er tour, contre 36% à la chef de l’Etat sortante et 27% à Marina Silva, lors d’un sondage le 10 septembre) a prôné la même chose que Mme Rousseff.
Quant à la candidate écologiste Marina Silva (ministre de l’Environnement de 2004 à 2008), on l’a cru engagée auprès des petits paysans. Celle qui fait jeu égal avec Dilma Rousseff au second tour le 26 octobre (43% d’intentions contre 42%, selon un sondage Vox Populi paru le 16 septembre) s’est bien dite favorable à l'agriculture familiale plutôt qu'à l'industrie agroalimentaire au début de sa campagne. Depuis, elle a infléchi sa position, n’hésitant pas à faire des appels du pied au lobby agricole à la mi-septembre, comme le montre Reuters.
Agriculture raisonnée vs agro-industrie : quel que soit le résultat à la présidentielle, il semblerait que les grandes exploitations agricoles aient encore quelques beaux jours devant elles.
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