Bosnie : 20 ans après la guerre, un pays encore miné
Des mines anti personnelles ont été placées par tous les acteurs de la guerre dans les années 1990 : les Serbes de Bosnie, les Croates de Bosnie et les Bosniaques. C’est sur les anciennes lignes de front qu’on en trouve le plus, comme à Donji Vakuf, une petite ville de Bosnie centrale. La commune de 11.000 habitants concentrait jusqu’à 30.000 engins explosifs. Malgré de nombreuses opérations de déminage, il en reste encore beaucoup, parfois à quelques mètres des maisons.
"Toute ma propriété était minée"
Chez Mehmed et Azra Bungurac le premier endroit que l’on visite, c’est le jardin. Ce couple d’agriculteurs est installé là depuis 60 ans. Les plantations de framboises sont leur plus grande fierté sur ce terrain qui, il y a encore quelques mois, était en friche. "Toute ma propriété était minée. Juste là dans mon jardin il y avait des tranchées ", raconte Mehmed. "Les armées serbes et bosniaques n'étaient qu'à 200 mètres l'une de l'autre et ma maison était au milieu. Le déminage a commencé en 1998. Ils ont fait ça étape par étape, année après année et à chaque fois j'ai pu récupérer des parcelles pour cultiver mes framboises. Les dernières mines ont été retirées l'an dernier. Maintenant j'ai deux hectares de terres au total ."
Ses revenus sont donc en hausse. A 1 euro 50 le kilo de framboises, chaque bout de terre est précieux. Partout à Donji Vakuf, le déminage a permis de relancer l’activité agricole et économique. Mehmed et Azra peuvent travailler et vivre à peu près sereinement, explique Mehmed : "Maintenant je n'ai plus peur chez moi, j'ai vu les démineurs en action, ils ont fait du bon travail mais je sais qu'il reste des mines plus loin, dans la campagne. Hamza, mon petit fils à 8 ans. On lui explique qu'il ne doit pas s'éloigner de la maison et il connaît les dangers ."
Les démineurs ont un ordre de priorité : les maisons, ensuite les jardins puis les forêts. Ils établissent ainsi des zones sécurisées comme chez Semso Sultanovic, un militaire à la retraite : "Ici dans un périmètre de 100 mètres autour de ma maison, il n’y a plus de mines. Grâce à des démineurs qui sont venus ces dernières années " dit-il. "Mais c’est aussi …. grâce à moi !", renchérit-il. "J’ai enlevé des engins explosifs, environ 90, parce que je connais un peu la technique. Je n’ai pas peur, j’ai perdu ce sentiment pendant la guerre ."
"Ici, les mines marchent"
Toutes les zones dangereuses sont indiquées sur des cartes affichées aux quatre coins de Donji Vakuf. Mais ici, on dit que "les mines marchent". La neige, les inondations, les glissements de terrain déplacent les engins explosifs. La prévention est donc capitale.
C’est ce que fait Sead Ceric. Il est bénévole pour l’ONG "Un monde sans mine" : "Tout le monde est en danger. Les pompiers, qui vont éteindre les feux en forêt, les gens qui courent et font du vélo dans les bois, ou les jeunes qui vont s’y bécoter. On fait aussi de la prévention auprès des chasseurs et des pêcheurs, on leur donne des cartes détaillées ." indique-t-il. "Et ça donne un bon résultat, car le dernier accident mortel remonte à 2002 à Donji Vakuf ."
Le gouvernement veut nettoyer toute la Bosnie d’ici 2019. De l’aveu même de l’Agence nationale du déminage, c’est un objectif impossible à atteindre, faute de moyens financiers.
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